De Tunis, Mohamed Kettou Une fois de plus, le chef de l'Etat tunisien Kaïs Saïed est mis sous pression par une opposition qui ne digère pas les multiples décisions qu'il a prises depuis le 25 juillet. Ses détracteurs, planqués dans les sphères du parti islamiste et ses satellites, ont investi, hier, la localité du Bardo (à trois kilomètres du centre de la capitale), pour exprimer leur opposition au président de la République. Des manifestants s'y sont rassemblés sans parvenir à s'approcher du siège du Parlement, fermé depuis plus de trois mois et dont ils revendiquent la réouverture. La manifestation d'hier a été organisée en réponse à l'appel lancé, à travers les réseaux sociaux, par un nouveau mouvement qui se veut «défenseur» de la légalité et du régime parlementaire. Ce mouvement est conduit par le professeur universitaire Jawher M'barek, activiste insatisfait qui, depuis une dizaine d'années et au gré de l'évolution de la situation, ne cesse de changer d'obédience et d'appartenance politique. Pour ce dernier, Kaïs Saïed détient tous les pouvoirs depuis le «coup d'Etat» d'un certain 25 juillet. Kaïs Saïed s'en défend, affirmant agir dans la légalité, pour «sauver le peuple et le pays». Mesures policières draconiennes La manifestation aurait pu drainer un plus grand nombre de participants sans les mesures d'interdiction de passage prises par les forces de sécurité. Celles-ci se sont déployées dans toutes les issues menant à la localité du Bardo. Et, même ceux qui ont réussi le passage avaient été soumis à une fouille au corps. Pire encore, les passages ont été bloqués y compris ceux éloignés de la capitale, parfois à 500 km, comme ceux ayant pris place dans des bus se dirigeant vers Tunis à partir de la ville de Gabès. Le même procédé a été appliqué à tous moyens de transport cherchant à se frayer un chemin vers la capitale. Place du Bardo, des échauffourées ont opposé des policiers aux manifestants décidés à lever les barrières obstruant les passages vers le lieu du rassemblement. «Liberté... Liberté... Restauration du Parlement», scandaient les manifestants contre Kaïs Saïed, qui concentre tous les pouvoirs depuis bientôt quatre mois sans rendre publique une feuille de route qui rétablirait la confiance chez une population de plus en plus inquiète pour l'avenir du pays. Cependant, il a, depuis, formé un gouvernement qu'il dirige seul faisant de la «cheffe du gouvernement» une simple coordinatrice de l'action des ministres. Tout émane de Carthage, et rien ne peut être entrepris sans l'aval du président de la République. Ce à quoi s'opposent les manifestants qui y voient un retour au pouvoir personnel et à la dictature. Au moment où tout le pays est en effervescence, le Président Kaïs Saïed est allé célébrer la Journée de l'arbre. Symboliquement, il est allé planter un arbre dans le lycée Ibn-Rachid qui a connu, il y a une semaine, un crime qui a ébranlé l'opnion publique en Tunisie. M. K.