Kadhafi n'est pas mort ! Le voilà ressuscité via son fils cadet Seïf al-Islam, 49 ans, candidat à l'élection présidentielle du 24 décembre. Et quoi de mieux que d'abandonner le costard trois pièces qui lui donnait un air d'élève modèle d'école supérieure anglo-saxonne, pour une tenue traditionnelle, à même de permettre à ce diplômé de la London School of Economics (LSE) de se fondre dans la couleur locale et... de faire peuple ! Dans cette Libye pas près de voir le bout du tunnel, Seïf al-Islam se voit en rassembleur, comme l'homme en mesure de transcender les clivages tribalo-religieux, réconcilier les Libyens et mettre fin à la guerre civile qui ravage le pays depuis la fin sanglante de son père. Déjà, du vivant de Maâmar Kadhafi, dont on disait qu'il allait lui succéder, il s'était donné une image d'ouverture, de réformateur et de modernité à même de rassurer les partenaires occidentaux de la Libye. Mais plus que le printemps dit arabe, BHL, les pays du Golfe et l'Otan, qui l'en auraient empêché, c'est la politique de son père, autocrate devant l'Eternel, qui est en dernière analyse à l'origine du désastre libyen. En effet, Maâmar Kadhafi, qui dirigeait un pays riche ne comptant que 7 millions d'habitants dont trois millions d'immigrés, aurait pu en faire un second Dubaï. Il n'en a rien été. À la veille de sa chute, la Libye était un pays structurellement délabré, sans véritable administration, avec des infrastructures qui laissaient à désirer compte tenu des moyens financiers colossaux dont disposait ce pays. Tout ce qui intéressait alors l'autocrate libyen était de dépenser sans compter l'argent du pétrole dans l'achat massif d'armes afin de faire de la Libye une puissance militaire, finançant des mouvements rebelles africains aux objectifs douteux, se rêvant à la tête d'un grand ensemble régional – le projet de Grand Sahara central allant de la Mauritanie à la Libye, englobant une partie du Sud algérien et les pays du Sahel – narguant l'Occident capitaliste, sans se rendre compte que ce dernier l'instrumentalisait et l'encourageait dans son entreprise de déstabilisation régionale. Pour l'heure, la candidature de Seïf al-Islam ne fait pas l'unanimité. Certes, elle est bien accueillie par cette partie de la population lassée par dix ans de guerre civile, en quête de paix et de stabilité. C'est du moins l'hypothèse du chercheur américain et spécialiste de la Libye, Emadeddin Badi, selon qui « la cote de Seïf al-Islam Kadhafi n'a fait que progresser au sein de certaines communautés, notamment pour des raisons économiques, sécuritaires ou politiques ». Et le fait qu'il ait annoncé son retour en politique dans les colonnes du New York Times est plus qu'un clin d'œil en direction de l'Amérique de Biden. Mais, une autre partie des Libyens, sous la pression des milices armées islamistes, lui est hostile. « Nous refusons la candidature de ceux qui ont fait un usage excessif de la force face au soulèvement du peuple libyen et qui sont visés par des mandats d'arrêt émanant de la justice libyenne et de la Cour pénale internationale (CPI)», a déclaré le Conseil des notables et sages de Misrata (Ouest libyen) sous contrôle des milices islamistes. Lesquelles ont appelé au boycott et fermé des bureaux de vote. Comme on le voit, pour Seïf al-Islam, être « le fils de... » et le rôle qu'il a assumé dans la répression de la révolte libyenne en mars-octobre 2011 lui collent à la peau. De plus, il lui faudra compter avec le très controversé Khalifa Haftar qui vient d'annoncer sa candidature à l'élection présidentielle et les parrains occidentaux, russes, turcs et arabes des deux principaux blocs politico-militaires libyens qui se disputent le pouvoir, d'une part, le bloc basé à Tripoli et incarné par le Premier ministre et homme d'affaires Abdel Hamid Dbeibah et, d'autre part, celui basé à Benghazi du maréchal Haftar. Ça fait beaucoup ! D'autant que parmi ces parrains, le Qatar notamment, la Turquie et même la France ne voient pas son retour en politique d'un bon œil, tant les enjeux stratégiques et économiques sont énormes. Et l'Algérie dans tout ça, elle qui partage 982 km de frontière avec la Libye et qui, de fait, est en première ligne ? Si elle a son mot à dire sur le dossier libyen, elle n'a pas les clés de la solution. Elle aussi devra compter avec cette galaxie de pays cités plus haut, qui ne sont pas prêts à lâcher la proie pour l'ombre. À jeudi. H. Z.