De Tunis, Mohamed Kettou Ayant, finalement, réalisé avoir tout perdu, le chef du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, vient de créer la surprise pour tout le peuple tunisien tout en maintenant le suspense. Dans un long article publié par l'hebdomadaire yéménite Arrai El-Am, Ghannouchi a fait, ni plus ni moins, son mea-culpa. Lui qui a collé l'étiquette de «coup d'Etat» à l'action menée par Kaïs Saïed le 25 juillet dernier, vient de reconsidérer sa position en estimant que ce geste signifiait un «sauvetage du peuple et du pays». Le geste du président de la République «répondait aux aspirations de la population asphyxiée par une grave crise économique, sociale et sanitaire», a-t-il, clairement, noté. C'est la première fois, depuis le gel des travaux du Parlement qu'il présidait, que Ghannouchi a lancé des louanges au Président Kaïs Saïed. Cependant, il ne lâche pas prise. Pour se montrer, vis-à-vis de l'étranger, comme étant un «défenseur» de la démocratie, il n'a pas manqué de mettre un bémol. «Nous craignons une rechute qui conduirait à la réinstauration de la dictature», a-t-il dit. Après le départ de Ben Ali, le pays s'est engagé dans la voie de la démocratie qui vient d'être secouée avec l'avènement du populisme. Mea-culpa, mais... À ceux qui prédisent la fin de l'islam politique, il affirme que l'événement du «25 juillet était la victoire des forces contre-révolutionnaires qui n'iront pas loin. Elles ont remporté une bataille mais pas la guerre», a-t-il dit. Réitérant ses louanges à l'égard de Kaïs Saïed, il indique qu'il n'est pas un homme «d'exclusion», même si son entourage l'y pousse. Faisant son mea-culpa, Ghannouchi est revenu sur les nombreuses erreurs commises par son parti durant la décennie écoulée. Il a avoué avoir imposé, à travers son bloc parlementaire, le gouvernement «Mechichi» contre la volonté du président de la République, ajoutant avoir fait le mauvais choix en cautionnant la candidature de Jemli comme chef de gouvernement qui a chuté lors du vote de confiance. En outre, il a rappelé avoir manigancé une alliance avec le défunt Beji Caïd Essebsi pour tirer des dividendes au profit du parti Ennahdha. Pourquoi cette interview à cette date précise ? Selon les observateurs dans la capitale tunisienne, Ghannouchi cherche à parer à certains coups susceptibles d'atteindre des hommes de son parti et, éventuellement, lui-même. Maintenant que la justice s'est soustraite de la mainmise du parti islamiste, de nombreux dossiers pourraient être déterrés (assassinats politiques, réseaux secrets du parti islamiste, passeports falsifiés, jeunes Tunisiens envoyés dans les zones de tension). Autant de dossiers dans lesquels le parti islamiste pourrait être impliqué. C'est, du moins, l'avis des observateurs et d'une bonne partie de la classe politique tunisienne. M. K.