PALAIS. Amer constat. Banal constat. Triste. L'année qui s'en va nous laisse un goût de cendres dans le palais. Pas le palais d'El Mouradia, non, ni celui qui démérite de son adjectif de justice, mais la partie interne supérieure de la bouche. Une sensation de cramé parkingue dans notre sapidité. Car cette fichue année n'ajoute pas seulement du cal aux artères, mais aussi une couche de consistance au désenchantement. Vu la façon dont les choses se sont embringuées, il fallait s'y attendre, mon vieux ! Mais, comme d'habitude, on se relèvera. C'est la loi de la verticalité. Les empires tombent, le passé s'attrape comme une mauvaise toux, les satrapes passent, et les peuples restent. Et, en plus, ils se souviennent. ÂGE. Pour mémoire, cette citation du général américain Douglas Macarthur, qui ne fut pas un exemple d'humanité, ni un modèle de justice : « On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d'années ; on devient vieux parce qu'on a déserté son idéal. Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l'âme. » Chacun son idéal pour régénérer son âme ! EXTRALUCIDE, MON ŒIL. Voici comment l'année 2021 a commencé dans cette chronique. Nous l'espérions optimiste. Nous la souhaitions comme l'issue de la crise qui nous étreint. Et pourtant, nous la pressentions plutôt rude. « Du point de vue politique, difficile d'être optimiste si l'on est pour le changement. Ce n'est pas du pessimisme, car il y a une façon optimiste de voir l'avenir immédiat. C'est en associant la volonté populaire qui s'est exprimée pendant plus d'une année dans le mouvement citoyen à la concertation réelle pour construire une alternative au système qui se nourrit du feu de sa propre consumation. » Fallait pas être grand devin pour voir de loin ! In fine, c'est l'année de vérité comme on le dirait de l'heure. 2021 aura apporté largement de l'eau au moulin des Cassandres. Il ne pouvait en être autrement. La pandémie du Covid, et surtout la façon dont on a fait face, la crise économique qui a attenté à la bourse des classes moyennes et inférieures, la répression, et surtout l'épisode des incendies en Kabylie et ses conséquences, ont laissé des marques de brûlure sur nous. NOUS SOMMES LES MEILLEURS. N'empêche ! Tout est presque bien qui finit presque bien. Tu vois, même dans les moments de liesse, on reste dans l'approximation. L'année des incandescences et des combustions, l'année des pyromanes, a été sauvée in extremis par... l'Equipe nationale de football. Nos golden boys ont arraché, par le génie des crampons, le moral national à la tentation du gouffre. En battant le Maroc puis la Tunisie et en remportant un trophée à la maison, nos joueurs ont donné un supplément d'âme à une nation qui se morfondait dans la déprime. Comme quoi ! Il suffit parfois d'un tir bien placé pour remettre le moral du pays dans l'axe ! Les joueurs de l'équipe nationale ont un mérite considérable, mais n'est-ce pas trop leur demander que d'attendre d'eux que leurs tirs réparent séance tenante tout ce qui est cassé dans ce pays ? C'est bien au-dessus de leurs aptitudes. Remercions-les de nous avoir redonné le sourire, l'espace d'une irradiation. Oui, le foot est l'opium des peuples, et ce n'est pas plus mal, même s'il reste pollué par le fric. Ce tournoi nous l'a encore montré : ce n'est pas parce qu'ils ont du fric que les Emiratis ont gagné ! Il n'y a pas de loi générale et infaillible en la matière. Une image qui restera : le général Chanegriha affichant sa bonne humeur en tenant le trophée ! Balle au centre ! On se dit comme ça : chapeau, les gars, vous avez dégelé la banquise, ouallah ! Cette victoire ne nous rend pas heureux seulement parce qu'on a gagné mais aussi parce qu'elle confirme l'évidence : nous sommes les meilleurs ! The best ! On n'arrête pas de le répéter partout ! Ça va finir par entrer dans vos petites têtes de vendus ! EUPHORIE. L'année qui finit me laisse avec cette question béante : que manque-t-il donc au nationalisme algérien, qui a ses martyrs et sa mythologie, ses lettres de noblesse et ses contradictions, ses héros et ses hymnes, pour avoir comme un besoin quasi-consubstantiel du patriotisme palestinien ? Pourquoi, même dans l'euphorie « normale » d'une victoire de foot, on fait appel à la Palestine, non pas pour soutenir la cause d'un peuple soumis à la hogra colonialo-impérialo-sioniste, mais pour... exister soi-même. C'est quand même invraisemblable cette façon de phagocyter à des fins internes une cause qui mérite mieux que ça. Quand on sait que chez nous, les manifestations de soutien à la Palestine ne sont pas autorisées, le zèle dans l'exhibition du drapeau de cette dernière laisse pour le moins songeur. SIÈGES. Finir avec cette citation de Kateb Yacine, l'incorruptible : « Les Cités qui ont connu trop de sièges, n'ont plus le goût du sommeil, s'attendent toujours à la défaite, ne sauraient être surprises ni vaincues. » A. M.