Et voilà que, dans l'étape de déliquescence, un entraîneur de foot devient le personnage principal du pays. Quand l'EN gagne, Belmadi est la star toutes catégories, et quand elle perd, alors là, il devient Moh-La-Poisse ! Dans ce charivari qui n'a aucune colonne vertébrale, le seul truc qui fonctionne encore un chouia, c'est le foot. D'ailleurs, en matière d'arbitrage international, on en fait sa morale. L'Algérie, a-t-on l'air de dire au monde de ploucs qui nous entoure, n'a besoin ni de l'avis de la Banque mondiale ni de celui du FMI. Peut-être accepterions-nous à peine celui de la Fifa, mais encore, à condition qu'il soit favorable. Nous ne tolérons pas le moindre commencement de réserve quant à notre autosatisfaction de héros. Wallou ! Askout ! Quand l'Algérie a été couronnée championne du monde arabe, on a sorti les clairons de l'invincibilité. Puis voilà qu'elle perd contre une équipe modeste et humble ! Oulala! C'est la trahison totale ! Y'a que ça qui peut expliquer cela ! Ou alors, et c'est encore pire, Belmadi a été marabouté par on ne sait quels sorciers ou quels raqis hostiles à l'Algérie. C'est la bronca sur les réseaux sociaux ! C'est l'insulte suprême au million et demi de martyrs ! C'est le blasphème absolu pour le pays des croyants purs et parfaits ! On se calme, un peu, c'est du foot. C'est tout le foot, oui mais ce n'est que du foot ! Car, vois-tu, nous vivons une époque où la déroute des nationalismes a conduit ces derniers à se réfugier dans le foot. Pourquoi pas ? Sauf que le foot aujourd'hui, c'est le fric qui régente ce monde de l'effort et du talent. Tu as du fric, tu gagnes, tu n'en as pas, tu fais la manche aux Qataris ! En 1982, la sublime équipe nationale qui a fait mordre la poussière à l'Allemagne était une équipe produite par le football algérien. Son niveau était le reflet de celui du championnat national. On était fier que des jeunes de ce niveau-là sortent des entrailles de notre mouvement sportif. Aujourd'hui, nous sommes comme le Brésil à l'envers. La patrie du foot a toujours été celle de la misère et du déclassement. Mais le niveau du foot a fait que le Brésil exportait ses joueurs. Nous, on importe des binationaux. Pourquoi pas, l'essentiel étant de gagner. Mais alors, il ne faut pas se plaindre quand on perd. A. T.