Dans notre vaste et beau pays, il paraît qu'il fait... beau, ces derniers temps. La sécheresse est inquiétante, les olives ont donné un tiers de ce qu'elles devaient nous donner d'huile mais il fait beau. Les cultures céréalières, dont les rendements ne sont déjà pas très brillants, comparés à ceux des grands pays producteurs dans le monde, risquent d'encore chuter mais il fait beau. Le renouveau de l'agriculture algérienne ne touche toujours pas les secteurs « stratégiques » que sont le blé, le lait et la viande mais il fait beau. Les promesses d'éclosion de certaines branches comme les fruits, les cultures maraîchères et les élevages peuvent être affectées par une maigre pluviométrie mais il fait beau. Les barrages affichent d'affligeants taux de remplissage mais il fait beau. Il fait tellement beau que nous avons oublié qu'il y a eu une salat el istisqa. Est-ce que les inspirateurs, les organisateurs et les exécutants de la prière de l'arrosage - ou de l'irrigation, allez savoir quelle est la bonne traduction - sont tenus à une obligation de résultat ? Apparemment, non. Plus qu'apparemment, c'est certain. Une preuve ? Plutôt deux. D'abord celle-ci : personne ne semble inquiet que la pluie ne soit pas là parmi tout ce beau monde. Puis celle-là : si on redoutait tant le flop en la matière, on n'aurait pas multiplié les appels avec autant de décontraction, de légèreté et d'assurance, alors qu'on devait quand même savoir que les voies du seigneur sont impénétrables, y compris quand il s'agit de la pluie et du beau temps. Vous allez voir, ils sont tellement rassurés qu'ils vont en remettre une couche. Ça parle déjà de l'imminence d'un nouvel «appel». Remarquez, on ne peut pas leur reprocher grand-chose : est-ce que c'est de leur faute si la pluie ne vient pas ? Encore heureux qu'elle ne soit pas venue avec les catastrophes qu'elle charrie «régulièrement parfois souvent». Est-ce qu'on a le droit de «passer commande» juste pour nos besoins de pluie, de façon à ce qu'on évite les inondations, toujours dramatiques ? Impossible, puisqu'il faut connaître d'abord ses besoins et la quantité de pluie qui va avec. En plus, Alger et d'autres régions du pays ont bien été noyées dans un verre d'eau, non ? C'est quand même un vrai problème, cette histoire de pluie, surtout quand il fait beau. Vous vous rendez compte ? Il y a un soleil de mai, les enfants ne vont plus à l'école, le nombre de contaminations au Covid revient à une «tendance baissière» pour parler comme des gens intelligents et tout le monde se fiche de la pluie. Il paraît qu'il fait beau. S. L.