Le ministre de la Santé a annoncé dans une instruction ministérielle que la participation des professionnels de la santé aux activités expérimentales et d'études doit obligatoirement avoir l'autorisation de son département. Le Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires rappelle que les hospitalo-universitaires sont sous tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et que la notion de l'expertise ne relève pas du ministère de la Santé. Le syndicat a, d'ailleurs, saisi Abdelbaki Benziane au sujet de cette circulaire. Salima Akkouche - Alger (Le Soir) - Le ministère de l'Industrie pharmaceutique, qui a déposé un projet de décret relatif à la recherche clinique, s'est fixé comme objectif d'arriver à la réalisation de 100 études cliniques au courant de cette année. Une vingtaine d'études ont, d'ailleurs, pu voir le jour depuis la création de ce département. Lotfi Benbahmed avait même révélé, en décembre dernier, qu'il ambitionne d'atteindre un volume d'exportation de 200 millions de dollars, à l'horizon de 2024, en matière des services liés à la recherche clinique. Cependant, le ministre de la Santé veut visiblement avoir la mainmise sur les activités de recherches effectuées dans les établissements de santé. Benbouzid met en garde les médecins cliniciens en leur signifiant que toute participation à une étude de recherche ou activité expertale doit être soumise au préalable à l'autorisation de son département. «Des informations parvenues à mes services révèlent que des professionnels de la santé exerçant dans les structures de santé publiques participent à des activités expertales médicales et à des études au profit d'organismes relevant des autres secteurs et qui engagent la responsabilité du ministère auquel ils sont rattachés et les directeurs d'établissements concernés. Dans ce cadre, je rappelle que toute participation à une activité relative aux essais cliniques et aux études à caractère thérapeutique, épidémiologique, biologique, expérimental ou visant l'amélioration des activités médicales, est soumise obligatoirement au préalable à l'autorisation du ministère de la Santé», a déclaré Benbouzid dans son instruction. Le médecin concerné par ces activités, ajoute-t-il, doit au préalable déposer une autorisation écrite en précisant la nature de l'activité, sa durée, son bénéfice sur le service et les objectifs attendus ainsi que la vision du directeur de l'établissement et du conseil scientifique. Rachid Belhadj, président du Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires, rappelle que le comité d'experts installé au niveau de l'Agence nationale des produits pharmaceutique compte des médecins spécialistes de santé publique et des hospitalo-universitaires. L'activité expertale est régie par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. «Le ministère de la Santé n'est pas notre employeur, nous touchons une indemnité du ministère de la Santé. Statutairement, c'est le ministère de l'Enseignement supérieur qui est notre employeur, et l'activité expertale est régie par le statut de la Fonction publique qui, dans son article 06, donne la possibilité aux hospitalo-universitaires d'exercer cette activité», a rappelé le professeur Belhadj qui se dit «étonné de voir cette circulaire signée uniquement par le ministre de la Santé». Cet expert souligne que concernant les essais cliniques, «c'est certes qu'on ne peut pas faire une activité expertale dans un établissement hospitalier notamment hospitalo-universitaire sans l'accord préalable du comité d'éthique». Le directeur des activités médicales et paramédicales du CHU Mustapha-Pacha souligne que les professionnels de la santé ne veulent pas non plus qu'il y ait des dérapages liés aux essais cliniques, ni de pratiques illégales, ni de subir le diktat des importateurs des produits et matériels médicaux. «Nous n'avons pas besoin d'une circulaire pour nous le rappeler. Nous avons toujours combattu ces pratiques illégales. Nous sommes dans le respect mutuel. Maintenant, ce conflit entre le ministère de la Santé et l'Agence nationale des produits pharmaceutiques, je pense qu'il y a un gouvernement et c'est à lui de trouver des solutions», a déclaré le président du Snechu qui précise que «donner un avis expertal n'est pas une activité de santé, l'expertise est un art de l'université mais concernant l'utilisation des moyens de l'hôpital, c'est clair que nous ne pouvons pas faire ça sans l'aval et l'avis du comité d'éthique». Le Snechu souligne, par ailleurs, avoir saisi le ministre de l'Enseignement supérieur au sujet de la circulaire du ministre de la Santé. «On se retrouve devant une circulaire sur le respect de la notion de l'expertise qui n'est pas un soin ni de la prévention et nos tâches statutaires pour la santé sont bien définies», rappelle le professeur Belhadj. S. A. Nadia Bouabdallah, Cadre au ministère de ministère de l'industrie pharmaceutique : «Seul le MIP peut autoriser les essais cliniques» Entretien réalisé par Salima Akkouche Le soir d'Algérie : Le ministre de la Santé vient de prévenir les médecins cliniciens que toute participation aux essais cliniques, menés par d'autres secteurs hormis celui de la santé, doit impérativement être soumise au préalable à l'autorisation de son département. Cela va-t-il avoir un impact sur les essais cliniques que le ministère de l'Industrie pharmaceutique a autorisés ? Nadia Bouabdallah : Les études cliniques obtiennent justement au préalable de la soumission au ministère de l'Industrie pharmaceutique l'avis du comité d'éthique qui dépend du ministère de la Santé. C'est la seule formule actuellement prévue par la réglementation algérienne en vigueur, en l'occurrence la loi 18-11 modifiée par l'ordonnance présidentielle 20-02. Autrement, on serait en infraction avec la loi. Le comité d'éthique et le ministère de l'Industrie pharmaceutique travaillent ensemble en parfaite harmonie, selon une approche complémentaire entre les deux secteurs (telle est la stratégie du gouvernement prévue dans l'ordonnance) et ce, en accord avec les systèmes internationaux en la matière. Si le secteur de la santé insistait sur un 3e passage des dossiers, ceci entraverait certainement l'attractivité du pays pour les essais cliniques au profit des pays voisins notamment, à travers la complication et la création d'obstacle administratifs, chose qui est à l'opposé de la réglementation algérienne et de la politique du pays.
Le ministère de l'Industrie pharmaceutique peut-il encore donner des autorisations pour des essais cliniques ? Seul le ministère de l'Industrie pharmaceutique peut actuellement donner des autorisations en se basant, entre autres, sur l'avis du comité d'éthique et des experts du ministère de l'Industrie pharmaceutique de par ses attributions prévues par la loi 18-11 modifiée par l'ordonnance présidentielle 20-02. Ces médecins investigateurs qui mènent des études cliniques ne travaillaient-ils pas dans les règles auparavant et ne risquent-ils pas de rencontrer des blocages maintenant avec ces autorisations ? Au contraire, avec l'avis du comité d'éthique et l'autorisation du MIPH, ils seraient en conformité avec les règles. Ceux qui déclareront à la Santé mais pas au ministère de l'Industrie pharmaceutique seront en infraction avec la loi et soumis à la procédure pénale prévue par cette loi. La note (ou décision) est sans pouvoir réglementaire, elle serait plutôt à titre informatif. Dans le cas contraire, elle pourrait créer des blocages abusifs au déroulement des essais cliniques en Algérie, mais également une entrave à l'accomplissement des missions de recherches prévues par la loi des praticiens médicaux généralistes et spécialistes, ainsi qu'aux enseignants chercheurs hospitalo-universitaire (prévue dans leurs statuts respectifs). A moins que la note ne concerne des secteurs autres que publics, ce qui est justifiable. L'accord du comité d'éthique pour lancer une étude clinique n'est-il pas suffisant ? La loi prévoit l'avis du comité d'éthique, ainsi que l'autorisation du ministère de l'Industrie pharmaceutique pour qu'un essai puisse se dérouler en Algérie. Les experts qui siègent au sein du comité de suivi des essais cliniques vont-ils pouvoir poursuivre leur mission ? Oui, comme prévu par la loi et les règlements intérieurs de chaque comité des deux secteurs (comité d'éthique et MIPH). Nos décrets exécutifs validés et bloqués à la SGG prévoient un comité intersectoriel, avec des représentants des différents secteurs. Ça serait bien qu'il y ait une application au renvoi de la loi via un décret régissant les comités d'éthique réalisé par la santé. C'est cela qui pourrait améliorer la fiabilité des avis des comités d'éthique et donc le devenir et le déroulement des essais cliniques en Algérie. S. A.