Quelque mille médecins, spécialistes, ont quitté l'Algérie pour s'installer en France, certains depuis un moment, où ils ont été reçus au concours d'équivalence. Cette information vient nous rappeler la continuelle saignée migratoire qui, ajoutée à toutes les autres, doit faire réfléchir sur ce qu'on est en train de faire de ce pays, c'est-à-dire un lieu où le seul projet viable que l'on puisse faire aboutir, c'est celui d'en partir. On en est là. Bien sûr, cette nouvelle a réveillé de nouveau la haine des gardiens des ruines qui non seulement veulent construire un enfer mais qui, de plus, obligent tout le monde à y périr au nom d'un patriotisme de la rente. Celles et ceux qui vilipendent les médecins, leur reprochant d'être des fuyards et des traîtres, doivent se souvenir un chouia qu'il y a encore deux ans, les résidents ont fait grève pour revendiquer de meilleures conditions de travail et une valorisation du statut de médecin, devenu chez nous presque un déclassement. Tout le monde a vu ces images horribles de jeunes médecins agissant pour le bien du pays et des Algériens tabassés jusqu'au sang par des policiers qui en avaient, bien entendu, reçu l'ordre. Quiconque est allé dans un hôpital algérien, fût-ce le plus huppé, peut comprendre le désir des médecins d'exiger davantage de moyens et de considération. Qu'on ne vienne pas s'étonner donc d'une issue d'évidence. Il est vrai que les départs de médecins, dont la profession a payé cher la crise du Covid notamment, pénalisent les Algériens. Pas autant que ne les pénalise, sur tous les autres plans, une gouvernance faite de poigne arbitraire et de tâtonnements, d'improvisation, d'œillères et de courte vue. Cette saignée n'est pas le mal, ce n'en est qu'un symptôme. Ces médecins n'ont pas «déserté», ils ont été chassés. Et pour voir les choses d'une façon humoristique, voire optimiste, disons qu'ils ne quittent pas «le meilleur système sanitaire» intergalactique mais ils se chargeront, à l'avenir, d'assurer les soins de nos responsables qui se soignent en France. A. T.