Quel meilleur et plus bel hommage au martyr que cette �uvre, publi�e � titre posthume ! Comme t�moignage de fid�lit� � la m�moire de Mohamed Dorbhan, mais aussi reconnaissance � son talent,Arak Editions a pris la louable initiative de sauver de l�oubli le manuscrit du journaliste disparu tragiquement lors de l�attentat terroriste qui avait cibl� la maison de la presse Tahar-Djaout, le 11 f�vrier 1996. Quinze ans apr�s sa mort, Mohamed Dorbhan vient se rappeler � notre bon souvenir avec Les neufs jours de l�inspecteur Salaheddine. Une �uvre atemporelle et � forte charge symbolique que ce roman. C�est un hymne � l�histoire et � la litt�rature, � la m�moire et � la mer, au combat et � la lutte permanente du peuple alg�rien, � la beaut� et � l'amour. L�auteur y fait sienne la devise des Cr�tois : la libert� ou la mort. Chantant la libert�, l�enfant de Zeralda �crit : �Si un jour on voudrait r�duire ce peuple au silence, on n�avait qu�� emmurer la mer, mais (�) quel ciment, quelles chicanes, quels subterfuges d�architecte pourraient ind�finiment contenir la force des vagues et r�sister au sel de la corrosion, hein ?� Car ce peuple rebelle et indomptable est �un peuple de marins� et �vieux comme le sel�. Il est �faiseur de l�gendes�. Voil�, tout est dit. Mohamed Dorbhan a �crit un livre m�lop�e, un long po�me d�amour d�di� � son peuple. Un cri d�amour venu des tripes pour �ces gens du sel qui au cours des temps, avaient toujours accept� l�affront et son incontournable corollaire, la vengeance fatale, exactement comme cette mer sans laquelle ils ne pouvaient vivre�. Et, dans la ville tentaculaire, �tant�t blanche de soleil, tant�t rouge de sang�, il y a cette vie grouillante, �cette populace qui se nourrissait d�espoirs clandestins, dans la ti�deur des promesses chim�riques�. L�auteur nous entra�ne alors dans le labyrinthe, dans l�antre du minotaure. En toile de fond, les enfants d�Octobre. Les �v�nements d'octobre 1988 ont assur�ment contribu� � la gestation puis � l'enfantement de ce roman, Mohamed Dorbhan ayant achev� l��criture de son manuscrit le 14 juillet 1989. Le 5 octobre d�vale comme un torrent dans Les neuf jours de l�inspecteur Salaheddine, imp�tueux dans ce vif d�sir de libert� o� �les gosses, triomphants, s�inventaient une nouvelle �cole sous le cr�pitement des mitrailleuses�. Nedjma la rebelle s�est lev�e pour revendiquer la libert� et la dignit�. Que dire de plus, sinon que ce livre est d�une br�lante actualit� ? Dans un style flamboyant, Mohamed Dorbhan laisse �clater toute sa verve cr�atrice et cet humour f�roce qui transgresse tous les interdits. Il raconte la vie dans toute sa folie et sa beaut� provocatrices, dans un d�cor de trag�die grecque et une atmosph�re de drame shakesp�rien. Le choix du minotaure, par lequel d�bute le roman, annonce la couleur : le livre sera une mosa�que de m�taphores et d�all�gories. Ici, c�est une maison close qui porte ce nom de la mythologie hell�nique, et l�inspecteur Salaheddine Djoudi se demandera toujours �par quelle voie d�tourn�e ce nom barbare �chut� � ce lieu o� il aimait se perdre. Parmi les autres clins d��il � la mythologie, celui fait aux terrifiants Molochs, ces divinit�s ph�niciennes � qui l�on sacrifiait des enfants. Eux ont confisqu� la r�volte (d�octobre). L�inspecteur Salaheddine est le fou de A�cha, tout en �tant hant� par le myst�re de Nedjma la r�volt�e. Tout n�est alors que folie dans ce �glorieux pays devenu une terrible braderie� o� tout se vend et tout s�ach�te. D�ailleurs, il y a m�me l� un caf� qui s�appelait �le Dinar�. Et Mohamed Dorbhan de d�cocher une autre fl�che aiguis�e : �Et lui, il se dit doucement, de peur d��tre entendu, que ce caf�-l� avait un nom, qui bien et qu�au moins, en ce lieu, on ne tr�buchait point car on jouait franc-dinar, dinar !� Humour salvateur et ironie plus que subversive c�toient all�grement les r�f�rents culturels et autres digressions historiques. L�intertextualit� litt�raire de ce r�cit polyphonique est si riche que le lecteur a l�impression d'avoir sous les yeux les �l�ments vari�s et multiples d�un puzzle � reconstruire. Dans ce labyrinthe grandeur nature qu'est la ville, le conteur tisse sa trame tout en d�nouant les fils de l�ouvrage pour nous faire voyager dans l�imaginaire et le r�ve. Les p�r�grinations du principal personnage, l�inspecteur Salaheddine en l�occurrence, invitent � la d�couverte de la ville blanche �n�e de l�oc�an�. Le h�ros n�y fait que monter et descendre, � la recherche d�un port d�attache pour �chapper � ses monstres int�rieurs. Las, il veut mettre fin � ses jours. Suicide rat�. Alors, seule la mer refuge, la mer purificatrice peut le sauver. Elle lui d�voile �un jour sans martyrs�, un jour nouveau. La vie est l�, enfin ! Une vie qui a d�sormais un sens, car il sait qu�il finira bien par percer le secret du minotaure. Les neuf jours de l�inspecteur Salaheddine est le seul et unique roman de Mohamed Dorbhan. Un roman �crit avec panache par un artiste �pris de libert�, et qui vient enrichir la litt�rature alg�rienne moderne. A lire absolument pour se r�concilier avec l��criture, parfaitement ma�tris�e, celle source d��motion et de plaisir qui distingue les �crivains authentiques. H�las, l�auteur n�a pas eu la chance de confirmer son g�nie cr�atif. Mohamed Dorbhan est n� le 19 septembre 1956 � Zeralda. Il a notamment fait ses classes � Alg�rie Actualit�, un hebdomadaire o� il avait excell� comme caricaturiste, chroniqueur t�l�, puis reporter. Pendant les ann�es de terrorisme, il a continu� � exercer son m�tier au quotidien Le Soir d�Alg�rien tant que chroniqueur. Ce brillant journaliste a �t� foudroy�, � la fleur de l��ge, par la barbarie terroriste. Il a �t� ravi aux siens en m�me temps que Allaoua A�t-Mebarek et Djamel Derraza, eux aussi journalistes au Soir d�Alg�rie. Le pr�sent roman a vu le jour seulement 22 ans apr�s l�ach�vement du manuscrit. Abdallah Dahou, son �diteur, et Abdelmadjid Kaouah, auteur de la pr�face, m�ritent les plus vifs remerciements. Hocine T. Mohamed Dorbhan, Les neuf jours de l�inspecteur Salaheddine, Arak Editions, f�vrier 2011, 320 pages.