Par Mourad A�t Oufella Apr�s la victoire, m�me relative, des islamistes en Tunisie en octobre dernier, tous les regards sont de nouveau tourn�s et braqu�s sur le Maroc o� devraient se d�rouler, ce vendredi 25 novembre 2011, des �lections l�gislatives pas comme les autres et peut-�tre m�me un scrutin � hauts risques pour la classe politique traditionnelle du royaume ch�rifien. Les r�sultats de ce scrutin pourraient confirmer la tendance g�n�rale qui se dessine sur la sc�ne arabe. L�arriv�e du PJD, un parti islamiste qui monte dans les sondages, en t�te de peloton � l�issue de ce scrutin va, � coup s�r, donner des ailes aux autres mouvements de m�me ob�dience dans les pays arabes. A cela, il faut ajouter la pr�dominance des islamistes dans la configuration du Conseil national provisoire libyen qui g�re les affaires courantes en attendant la tenue d��lections dans six � huit mois selon les pr�visions arr�t�es par la m�me structure, les responsables libyens post-Kadhafi ont, il faut le souligner, annonc� la couleur d�s le d�but dans des d�clarations euphoriques et triomphalistes tenues au lendemain de la chute du dictateur. La situation n�est pas diff�rente en Egypte o� auront lieu des �lections l�gislatives le 28 novembre prochain dans un contexte marqu� par la reprise de la r�volution dans sa seconde phase � la place Tahrir. Une �lection qui s�annonce favorable aux islamistes, courant le plus pr�par� au moment o� les autres tendances tentent de s�organiser et se structurer. En Alg�rie, m�me si les choses sont diff�rentes, le risque d�une �victoire� des islamistes n�est pas � exclure. En d�pit du fait qu�ils se pr�senteront en rangs dispers�s, ils risquent de d�crocher une majorit� relative � l�image de ce qui se passe dans les autres pays arabes. Les futures l�gislatives en Alg�rie constituent une aubaine pour ce courant pour tenter de d�crocher le maximum de si�ges � l�Assembl�e nationale pour constituer une majorit� parlementaire, moment qu�ils attendaient depuis fort longtemps. Il y a quelques ann�es, le pr�sident du MSP, Bouguerra Soltani, avait d�clar� : �Nous aurons la majorit� en 2012.� Cette proph�tie qui n�avait pas �t� prise au s�rieux et avait m�me �t� tourn�e en d�rision dans les milieux politiques risque fort de se r�aliser durant les futurs scrutins. Les islamistes alg�riens se pr�parent pour cette nouvelle situation depuis longtemps, car ils veulent se pr�senter en alternative aux diff�rentes majorit�s qui ont gouvern� le pays ces derni�res ann�es, m�me si un des partis de ce courant si�ge dans les gouvernements qui se succ�d� depuis 1995. Pourquoi les islamistes alg�riens risquent de constituer, m�me en rangs dispers�s, une majorit� au sein de la future Assembl�e nationale ? L�annonce des r�formes politiques par le chef de l�Etat en avril dernier et la perspective de l�agr�ment de nouveaux partis qui interviennent dans un contexte r�gional marqu� par des r�voltes populaires encouragent les tenants de ce courant � redoubler d�efforts, d�activit�s, pour se pr�parer aux futures �ch�ances �lectorales qui auront lieu en 2012. Celles-ci constituent pour eux une occasion � ne pas rater et une chance � saisir. La grande question qui reste pos�e est de savoir qui incarnera le mod�le turc en Alg�rie ? M�me si le MSP de Bouguerra Soltani revendique et met souvent en avant sa proximit� avec le parti de l�AKP, il n�en demeure pas moins que celui qui incarne par sa d�marche et ses id�es le parti au pouvoir en Turquie est incontestablement le secr�taire g�n�ral du FLN, Abdelaziz Belkhadem. C�est � la lumi�re des r�sultats des l�gislatives de mars 2012 qu�on saura qui sera l�Erdogan alg�rien. Dix ans apr�s les attentats du 11 septembre 2001, les tenants de ce courant qui se pr�sente comme victime et la tendance qui a �t� pers�cut�e par les dictatures op�rent un retour en force surprenant et inattendu sur la sc�ne politique dans plusieurs pays arabes. C�est sur cette fibre qu�ils jouent pour gagner la sympathie de l�opinion publique et des masses populaires, et se pr�senter ainsi en alternative au moment o� les autres forces politiques et sociales, surprises par l�ampleur du changement, tentent de s�organiser et se pr�parer pour s�adapter � cette nouvelle situation cr��e par les r�voltes populaires. Ils ont longtemps cherch� cette r�habilitation pour s�imposer comme premi�re force dans tous les pays arabes. Et ils sont en passe de r�ussir leur objectif. Cette nouvelle situation induite par les r�voltes arabes ne pourrait �tre fortuite. C�est le fruit d�une strat�gie qui vise � installer les islamistes au pouvoir pour neutraliser les radicaux et faire face � l�avanc�e du courant chiite v�hicul� par les Iraniens. Ces derniers ont r�ussi � attirer des sympathies chez les peuples en raison des pressions qu�ils subissent des Occidentaux sur le dossier du nucl�aire. Sous la houlette de cheikh El-Kardhaoui, une r�f�rence religieuse et une voix tr�s �cout�e par les islamistes mod�r�s, se d�veloppe une nouvelle vision de l�islam politique. Le pr�sident de l�Union mondiale des ul�mas musulmans a ouvertement soutenu et continue � le faire publiquement les partisans de l�islamisme mod�r� �elwassatia �, il ne cesse de lancer des appels aux peuples arabes � voter pour les islamistes. A partir de Doha o� il a �lu domicile, El-Kardhaoui pr�ne �el-wassatia �, nouvelle th�orie de l�exercice du pouvoir. Le Qatar, qui aspire � jouer un r�le de plus en plus important dans le monde arabe, adoube les islamistes et les encourage � prendre le pouvoir. Ce n�est pas par hasard si Doha a �t� la premi�re capitale visit�e en octobre dernier par Rashed Ghannouchi, leader du mouvement tunisien Ennahda et vice-pr�sident de l�organisation que dirige El- Kardhaoui. A cela il faut ajouter que plusieurs membres du CNT libyen sont soit membres de cette structure soit des dirigeants de l�Union mondiale des ul�mas musulmans. Cette structure joue un r�le de plus en plus important, elle est en passe de devenir une r�f�rence aux c�t�s de celle qui regroupe les Fr�res musulmans. La feuille trac�e et qui pr�voit entre autres l�arriv�e des Fr�res musulmans dans les pays arabes est minutieusement ex�cut�e par ceux charg�s de la mettre en application sous l��il approbateur de la Turquie d�Erdogan dont le r�le ne cesse de grandir dans le monde arabe, faisant rappeler le r�gne de l�empire ottoman. La Turquie revient et gagne du terrain dans cette r�gion � qui lui avait tourn�e le dos en raison de sa proximit� politique avec Isra�l � gr�ce � son mod�le politique qui est aujourd�hui encens� et valoris�. L�empire ottoman �tait convoit� dans le temps o� il �tait l�homme malade de l�Europe par les Occidentaux avant de se voir d�poss�d� de ses territoires. Aujourd�hui, la Turquie moderne est convoit�e pour son mod�le politique de gestion des affaires de l�Etat que des forces internationales veulent calquer sur les pays arabes dans le cadre de red�finition de la carte g�ostrat�gique dans cette r�gion aux int�r�ts multiples. C�est quoi donc le mod�le turc ? Quels sont ses caract�ristiques ? Dans la Turquie d�aujourd�hui, historiquement et constitutionnellement la�que, le pouvoir � presque tous les pouvoirs � sont aux mains d�un parti islamiste, l�AKP en l�occurrence. Un parti qui g�re le pays dont le syst�me a �t� b�ti par Kamel Atat�rk en 1924, et dont l�un des fondements est incontestablement la la�cit�. Le mod�le turc est vant� par le fait qu�un parti islamiste a pu et su conduire le pays sans changer le syst�me de 1924. Cette cohabitation et la capacit� d�adaptation a fait du parti d�Erdogan, l�AKP en l�occurrence, un mod�le qui suscite admiration des uns et le respect des autres. Tout en gardant son identit�, l�AKP a r�ussi � maintenir la Turquie dans le giron des pays �mergents et � lui faire jouer un r�le politique et diplomatique important, notamment dans la r�gion du Moyen- Orient. Cit� en exemple dans les pays arabes et adopt� comme mod�le par les islamistes, la question qui se pose avec acuit� est : sauront-ils reproduire le syst�me turc dans sa globalit�, fondement, Constitution et identit� ? Pas si s�r m�me si les tenants du courant islamiste en 2011 ont donn� beaucoup de signaux apaisants et positifs en direction de la soci�t� et de l�opinion publique internationale. Ils ont tir� les le�ons des �checs subis par le courant qu�ils repr�sentent ces derni�res ann�es dans plusieurs pays. Ils optent actuellement pour la logique du compromis et de la cohabitation pour les autres tendances politiques. Ils se disent pr�ts � partager le pouvoir mais ils se consid�rent et se comportent en force majoritaire. Le cas d�Ennahda en Tunisie est le plus illustratif de cette nouvelle orientation des islamistes. Impressionn�s et subjugu�s par le mod�le turc, les Occidentaux encouragent sa reproduction dans les pays arabes pour contrer les mouvements radicaux et extr�mistes et par la m�me occasion voir les r�sultats de leur gestion des affaires de l�Etat par les islamistes. Cette participation sera un test s�rieux pour eux lorsqu�ils seront confront�s aux probl�mes r�els et concrets des citoyens loin des th�ories et autres analyses de salons qu�ils d�veloppent quotidiennement sur la conduite des affaires publiques. S�ils ne r�ussissent pas au bout de quelques mois, ils seront l�ch�s par les peuples et seront banalis�s dans les futures joutes �lectorales. C�est pour cette raison qu�ils essayent de donner des gages d�assurance et modifient en profondeur leur philosophie et strat�gie du pouvoir en abandonnant les anciennes m�thodes. Leur arriv�e au pouvoir constitue pour eux un examen s�rieux et risqu�. Ils seront jug�s sur leur bilan au bout d'un mandat. L�encouragement � adopter et s�inspirer du mod�le turc entre dans le cadre d�une strat�gie de red�finition de la carte au Moyen-Orient et dans le monde arabe. Cette r�gion est en train de conna�tre des bouleversements g�ostrat�giques dont les r�sultats ne seront connus que dans les prochains mois voire des ann�es. C�est le Grand Moyen-Orient (GMO), pompeusement annonc� au temps de l�administration de Bush avant d��tre ajourn�, qui est aujourd�hui remis sur le tapis avec quelques modifications et adaptations politiques. Dans un discours prononc� dans la capitale �gyptienne, Le Caire, en juin 2009 le pr�sident am�ricain Barack Obama a explicit� la nouvelle vision des relations qu�aura son pays avec les musulmans et le monde arabe en particulier. Dans cette allocution, il trace la feuille de route que son administration t�che de concr�tiser sur le terrain. Ce passage r�sume � lui seul le fond de la d�marche des Etats-Unis actuellement : �Je suis venu chercher un nouveau commencement entre les Etats- Unis et les musulmans du monde entier, qui se fonde sur un int�r�t et un respect mutuels ; qui se fonde sur le fait que l�Am�rique et l�islam ne sont pas exclusifs l�un de l�autre et ne sont pas vou�s � se faire concurrence. Au lieu de cela, ils se chevauchent et partagent des principes communs : justice et progr�s, tol�rance et dignit� de tous les �tres humains.�