Le t�moignage que nous offre, aujourd�hui, B. Abdelkader relate avec force d�tails cette poignante odyss�e. B. Abdelkader, �g� aujourd�hui de 77 ans, r�side dans la ville de Cherchell, o� il a pass� la quasi-totalit� de son existence. B. Abdelkader se rappelle avec �motion les conditions du sauvetage de ces deux adolescentes fran�aises en 1955. Il nous en retrace les p�rip�ties et les circonstances. Il dira � ce propos : �Il est 14h en ce mardi 4 ao�t 1955 et je suis sur une des plages de la ville c�ti�re de Cherchell. J��tais alors �g� de 20 ans et je venais chaque jour sur cap Tizirine, non pas pour me pr�lasser au soleil, mais pour m�entra�ner quotidiennement. Je vous rappelle que j��tais un champion local de natation, crossman et footballeur de surcro�t. Je le faisais dans la perspective de participer � un match de football d�cisif, au sein de l��quipe du Mouloudia de Cherchell. En cette chaude soir�e d�ao�t, je commen�ais par des mouvements de r�chauffement et de mise en forme en acc�l�rant mon rythme et mon pas de course, pour ralentir 100 m plus loin. Je suais d�j� et pr�voyais de piquer un petit plongeon dans cette mer d�j� houleuse et d�mont�e.� B. Abdelkader pr�cise qu�en cette p�riode caniculaire, cette plage, d�habitude pleine � craquer, se retrouve aujourd�hui quasi d�sert�e. Le fanion rouge �danger� arbor� au cap Tizirine, flottait avec une violence inou�e. �Malgr� cette violence du vent et des vagues, j�aper�us � quelques dizaines de m�tres du rivage la pr�sence effac�e d�une jeune femme portant des lunettes de soleil et allong�e sur le sable chaud et dor� de cette plage f�erique de Tizirine situ�e � l�extr�mit� est de Cherchell. Plus loin, et � une centaine de m�tres du rivage, deux jeunes demoiselles jouaient au creux des vagues devenues agressives. Ces adolescentes �taient affair�es � affronter les flots rugissants et les vagues mena�antes. Prises de panique, elles tentaient de s�enfuir � l�approche du danger et des mouvements des vagues qui s��crasaient sur le rivage.� Rappelons qu�en cette journ�e du 4 ao�t 1955, la ville de Cherchell comptait alors plus d�un millier de colons. Les deux demoiselles, dont il est question dans ce t�moignage, sont des Fran�aises, blondes, �lanc�es, de haute taille et bien portantes, alors �g�es de 11 et 13 ans. Elles se pr�nomment Claudine et H�l�ne et sont les filles de Mme Francine Celley, dont le mari a tragiquement disparu lors d�un accident professionnel � l��ge de 43 ans. �Devenue pr�cocement veuve, cette dame a trouv� le r�confort aupr�s de ses deux fillettes qui se retrouveront m�l�es au c�ur d�un drame incroyable. En cette journ�e fatidique, le temps fut maussade malgr� la chaleur et un taux d�humidit� important. La mer est devenue subitement agit�e avec de grosses vagues �cumeuses venues perturber le doux ressac du rivage d�sert� par ses milliers d�irr�ductibles touristes Quant � moi, j��tais alors concentr� sur des mouvements sportifs que j�effectuais tout au long du parcours de cette interminable plage de plus de 2 000 m de long. Subitement, je fut tir� de mes r�flexions par des cris stridents lanc�s par la jeune femme qui �tait allong�e sur le sable : �Mes filles, au secours, sauvez mes filles ! je vous en prie ! elles vont se noyer�, hurla-t-elle � tue-t�te dans cet inqui�tant silence dont les cris de d�tresse r�sonnaient et emplissaient de leur �cho la solitude de cette plage. Je repris mes esprits, absorb� que j��tais par mes exercices, et m�interrogeais alors : �A qui s�adressent ces appels de d�tresse. Je suis pourtant seul sur cette plage. En concentrant mon regard et en prospectant de loin la mer, j�apercevais deux fillettes que les flots emportaient irr�m�diablement vers le large. A 200 m du rivage, la mission me paraissait difficile pour effectuer un sauvetage. Cela relevait presque de l�impossible, car ces adolescentes sont d�j� loin du rivage et se trouvent pr�tes � �tre aspir�es par un �norme tourbillon. Je les entendais distinctement crier. Cela me d�chirais le c�ur. Elles allaient �tre projet�es par d�immenses vagues contres les asp�rit�s rocheuses de cap Tizirine, et risquaient d��tre englouties par les cercles mena�ant du tourbillon.� En �voquant ces p�rip�ties, B. Abdelkader, la gorge nou�e, �vita notre regard pour se cacher le visage. Ce visage qui se crispait, avec des larmes qui perlaient d�j�, embuant des yeux empreints de tristesse. En cette journ�e fatidique, le temps fut maussade malgr� la chaleur et un taux d�humidit� important. La mer est devenue subitement agit�e avec de grosses vagues �cumeuses venues perturber le doux ressac du rivage d�sert� par ses milliers d�irr�ductibles touristes. B. Abdelkader continua son extraordinaire r�cit : �Je voyais ces filles en train de se noyer. Elles avaient cess� de crier et je voyais confus�ment leurs bras �mergeant des flots en se d�battant contre la violence des vagues. Je n�h�sitais plus. Je d�cidais d�aller � leur secours et, � mon tour, affronter ces flots furieux. Je plongeais, je redoublais d�ardeur et, en une vingtaine, puis une trentaine de brasses, j�avan�ais au creux des vagues. Je suis d�j� � plus de 150 brasses du rivage et je me rapprochais de la plus jeune d�entre les deux, que je voyais distinctement. J�acc�l�rais mon rythme et je happais le corps bien portant, mais �puis� et sans force de la petite H�l�ne, qui flottait d�j�, comme un f�tu de paille. Elle s��tait �vanouie � mon arriv�e. Je redoublais d�effort et atteignais le rivage. Je la confiais, � sa m�re et replongeais dans les flots tumultueux en vue de ramener Claudine, encore vivante, qui se d�battait toujours contre les flots. Je ne ressentais plus mes jambes ni mon corps. M� par la volont� de la sauver, mon corps luttait contre les vagues, et je fon�ais � toute allure vers cette malheureuse qui se d�battait vaillamment contre les eaux furieuses et le tourbillon sournois qui la happait pour l�emmener d�j� hors de ma vue, la rapprochant dangereusement des rochers. Mes forces d�cupl�rent, je suis � pr�sent � deux cents brasses du rivage. Je voyais � pr�sent les rochers de cap Tizirine qui se rapprochaient. Claudine est proche de moi, elle est � port�e de bras. Elle est en train de couler. Son corps plonge et remonte avec ses bras soulev�s. Elle se d�bat. Je m�approche d�elle, je lui prends la main, puis le bras. Elle ne r�siste pas. Elle n�a plus de force. A ma vue, elle s��vanouie. Cela me facilite la t�che. Je lui pris la t�te et le cou entre mes bras au risque de l��trangler et je commen�ais � nager � contre-courant en direction du rivage. Je fis des efforts surhumains. Je nageais avec mes jambes et un seul bras. A plusieurs reprises, des vagues hautes de plus de trois m�tres nous rattrap�rent et retard�rent ma course pour sauver cette fillette d�une mort certaine. Je tins bon et j�agrippais son corps. La force du courant commen�ait � d�cro�tre � l�approche du rivage. Je nageais de plus belle. J�entendais la voix de Mme Celley qui, angoiss�e, m�encourageait. Arriv� pr�s du rivage, je sentis enfin sous mes pieds le sable ferme. Je me mis debout en l�chant le corps inanim� de Claudine. Je vis le monde tournoyer et je m�affalais sur le sable. Ce furent les pleurs et les cris de Mme Celley lanc�s pour attirer des secours. Les deux filles sont livides. Elles ont ingurgit� beaucoup d�eau et risquent de mourir. A bout de force, malgr� ma faiblesse, je suis arriv� � les faire vomir et les entendre haleter avec une respiration saccad�e, difficile et entrecoup�e. Les secours vinrent quelques minutes apr�s et emmen�rent Claudine, H�l�ne et leur m�re aux urgences de la garnison militaire stationn�e non loin de l�. Quoiqu�affal� sur le sable brulant, j�ai eu le courage et le reflexe de m�accrocher � un sauveteur qui m�emmenait moi aussi aux urgences.�