Apr�s l�ind�pendance de l�Alg�rie, la principale rue de la ville de Cap-Aokas est baptis�e �Chahid Si A�ssa El Bendaoui �. Mais aujourd�hui, combien de jeunes connaissent le nom de ce valeureux moudjahid qui, subrepticement, introduisit dans la r�gion, � partir du printemps 1955, les notions de Lib�ration nationale et de R�volution ? Voici un r�cit historique relatant les d�buts de la lutte pour l�ind�pendance dans la r�gion de Cap- Aokas. Plus pr�cis�ment dans les trois subdivisions faisant partie de la circonscription de Oued-Marsa, administration coiffant quatorze douars dont le si�ge �tait �tabli dans la localit�... La R�volution du 1er Novembre 1954 est d�clench�e depuis cinq mois. A Cap-Aokas, le caf� devant lequel est dress�e l�unique pompe � essence Shell du village fonctionnant � l�aide levier, ouvre comme d�habitude au point du jour pour accueillir ses fid�les l�ve-t�t : ouvriers, fellahs et voyageurs. Ce jour-l� et les jours suivants, El Hocine Ou Amr, le cafetier, remarquera des consommateurs inconnus qui fr�quenteront souvent son estaminet. A la d�rob�e, ils observent les comportements et sont tout oreilles. Ce sont les hommes de Si A�ssa El Bendaoui qui ont pour mission de mesurer la fibre patriotique des villageois. Plus tard, quand la R�volution entrera franchement dans la r�gion, le cafetier, de son vrai nom Mouzaoui Hocine, sera charg� par l�organisation de lib�ration d�intercepter et d�acheminer le courrier confidentiel que �Sa�d d�Adjiou�ne�, le receveur du car de la r�gie des transports Lakhdar Belmaki, lui remettra en catimini � chaque arr�t dans le village. Parfois, sans avoir l�air de rien, les observateurs de Si A�ssa El Bendaoui se m�lent � la conversation g�n�rale qu�ils orientent cependant vers un sujet relatif aux revendications les plus l�gitimes que le pouvoir colonial refuse aux Alg�riens. Ils sont particuli�rement attentifs les jours de march� au Souk El Had. En faisant leurs emplettes au march� hebdomadaire, les gens ne manquent jamais de remarquer un personnage haut en couleur, coiff� d�une ch�chia de laine blanche en usage en Haute-Kabylie ; il vend des museli�res, des ceintures et des bagues assembl�es en chapelets. Ces articles pendent � sa taille et se balancent au gr� de sa d�marche saccad�e ; on dirait le haut d�un m�t de cocagne ambulant. En traversant le souk, il s�arr�te de temps en temps, frappe �nergiquement le sol de son pied droit, donne une tape � la musette qu�il porte toujours en bandouli�re, reprend sa marche en allongeant le pas, et hurle � la cantonade : �Attebga, Attebga ! Voyez, j�ai des museli�res pour hommes, des ceintures pour hommes et des bagues pour hommes ! Attebga, Attebga ! � Cette phrase � premi�re vue sibylline est pourtant bien significative pour celui qui sait �couter. L�homme engage les Alg�riens � ne pas d�noncer leurs fr�res et � envisager de prendre le maquis pour sauver leur pays et leur honneur. Cet homme que tout le monde appelle �Attebga� est un agent de liaison au service des moudjahidine. Quelques mois plus tard, les soldats proc�deront � une rafle pour arr�ter l��nigmatique personnage. Mais celui-ci se volatilisera comme par enchantement, et depuis ce jour-l�, il ne se manifestera plus jamais au souk El Had... Au fil des jours, et en faisant preuve d�une vigilance extr�me � cause des gendarmes et des soldats qui sillonnent les art�res du village, les agents de renseignement de A�ssa El Bendaoui r�ussissent � recueillir une somme importante d�informations montrant bien que la population de Cap- Aokas est pr�te � r�pondre � l�appel de la R�volution. Le moment propice choisi pour jeter la R�volution dans la rue est fix� au dimanche 15 juillet 1956. Par le bouche-�-oreille, une partie de la population est invit�e � prendre part � l�importante r�union qui se tiendra dans la mosqu�e Sidi A�ssa sise au douar A�t-A�ssa au lieudit Boutaala. Au cr�puscule, apr�s la pri�re du Maghreb, le petit �difice religieux accueille un grand nombre d�habitants adultes, jeunes et moins jeunes. En entrant dans la mosqu�e, les visiteurs d�couvrent simultan�ment deux faits � la fois singuliers et surprenants : le groupe de moudjahidine arm�s parmi lesquels on reconna�t d�embl�e le chef, � la distinction de son allure qui force le respect, et un homme, un voisin, assis dans un coin de la grande salle, les poignets ligot�s derri�re le dos. Rev�tu d�une tenue impeccable d�officier allemand, Si A�ssa El Bendaoui prend la parole en langue berb�re avec une tranquille assurance : �Chers fr�res, l�heure est enfin venue pour le peuple alg�rien de se lib�rer du joug colonial et de recouvrer sa dignit� et sa fiert�. L�union fait la force. La R�volution compte sur chaque Alg�rienne et chaque Alg�rien pour r�aliser ses aspirations l�gitimes. Comme notre cause est juste, Dieu ne nous abandonnera pas. Ce soir m�me, nous vous donnerons tous les �l�ments d�appr�ciation sur l�organisation R�volutionnaire. Vive la R�volution ! Vive l�Alg�rie !� Ensuite, le chef militaire demande des volontaires pour composer deux groupes de douze moussebline affect�s respectivement aux lieudits El Ansar et Boutaala. Lagha Abdellah est d�sign� comme responsable de la zone avec un adjoint, Sa�d Ouyahia. Apr�s avoir dress� la liste des moussebline, Si A�ssa El Bendaoui va d�faire les liens du captif et, devant l�assistance interloqu�e, annonce sa nomination en qualit� de tr�sorier charg� de collecter la contribution financi�re de la population pour la R�volution. Quel est le but de cette mise en sc�ne ? Peut-�tre le chef voulait-il marquer d�embl�e les esprits en suscitant un sentiment d�appr�hension, avant de montrer par la suite que la R�volution a confiance en ses enfants m�me si ceux-ci ont pu faire quelque �cart de conduite ? En tout cas, le coup de th��tre a bel et bien produit l�effet escompt�. Apr�s cela, Si A�ssa El Bendaoui souligne une nouvelle fois le r�le du moussebel en s��tendant longuement avant de conclure par ces mots : �Vous repr�sentez les yeux et les oreilles de l�organisation r�volutionnaire. L�espoir de la R�volution s�incarne en vous. Votre courage et votre sacrifice seront d�terminants dans la suite de la lutte pour la libert� et l�ind�pendance de notre pays. Allah Ouakbar ! Tahia Eldjaza�r !� Depuis cette date historique, les populations des douars pr�cit�s de la commune mixte de Oued Marsa, sans repos ni tr�ve, sans repos ni cesse, poursuivirent le harc�lement de l�ennemi et entreprirent des actions d��clat jusqu�� la d�claration du cessez-le-feu le 19 mars 1962, et la proclamation de l�ind�pendance le 3 juillet 1962, c�l�br�e deux jours apr�s, le 5 juillet. Le sacrifice des glorieux martyrs de la libert� et de la r�sistance tomb�s au champ d�honneur n�a pas �t� vain. Leurs noms attribu�s aux �difices publics, aux rues, aux �coles et autres institutions sont � jamais immortalis�s dans le souvenir des hommes. Le chahid Si A�ssa El Bendaoui fut de ceux-l�...