La disparition de mineurs, d�lib�r�e ou forc�e, est un ph�nom�ne qui prend de l�ampleur. Ramass�s le plus souvent de nuit, lors de patrouilles routini�res de police ou d�agissements sur informations, devant une gare routi�re, sous des arcades en train de contempler les vitrines, souvent ferm�es, des locaux commerciaux, les mineurs, �g�s g�n�ralement entre 12 et 17 ans, viennent de l�Alg�rie profonde (T�bessa, Khenchela, Biskra...). Plus d�une trentaine de mineurs, dont 9 filles, en danger moral, ont �t� pr�sent�s � leurs familles durant les 10 mois de l�ann�e 2012, selon le bilan de la S�ret� de wilaya de Skikda. La Gendarmerie nationale ne d�plore, aucun cas. Dans les deux bilans, il n�est aucunement fait r�f�rence au rapt d�enfants, mais, Dieu merci, � des errements spatiaux enfantins, ce qui est commun�ment appel�, fugue. En revanche, en 2011, il y a eu deux tentatives d�enl�vement d�enfants. La plupart des interpellations d�enfants fugueurs sont le fruit de la collaboration de citoyens, et ce sont g�n�ralement des gardiens de nuit qui alertent les premiers les services de s�curit�. Les �Marco Polo� de la fugue font ainsi un d�placement tr�s risqu�, bravant les dangers des agressions, des remontrances des receveurs de bus ou des contr�leurs de train pour non-acquittement des frais de transport et la rigueur hivernale lorsque, ce qui est rare, la fugue a lieu en cette p�riode de l�ann�e. Plusieurs motivations sont derri�re ce fait, prenant des allures aventureuses pour les enfants, mais dramatiques pour les parents qui ressentent l�absence ou la perte d�un �tre cher. Les enfants entendus par la brigade des mineurs avancent, selon l�officier qui est charg� de l�enqu�te, les violences conjugales. Brutalit� parentale, d�bauche maternelle due au divorce et � la pr�carit� financi�re, rixes entre conjoints, sont le plus souvent cit�s comme �tant les principales cause de fugue du mineur, �g� le plus souvent de 17 ans. D�autres l�expliquent par leur �chec scolaire, provoquant ainsi la col�re des parents, du p�re surtout, qui, pour la circonstance, usera de m�thodes peu orthodoxes et violentes, mena�ant de mettre en p�ril la sant� de l�enfant, dans le souci, selon lui, de �corriger� ses m�ninges. L�esprit d�aventure et de loisirs �tant �galement au menu, les fugueurs optent souvent pour Skikda. Une nuit sous la pleine lune, sur le sable, autour d�un feu de bois ou sous une tente au niveau du 7e poste de la station baln�aire de Larbi-Ben-M�hidi, dans les bungalows de Collo ou dans les camps de vacances de la Marsa ou de la Grande Plage, semble l�id�al � conqu�rir pour beaucoup de jeunes de l�Alg�rie profonde. Les enfants entendus dans les locaux de la police ne manifestent pas seulement l�expression d�une innocence outrag�e, mais font preuve davantage de virilit� un tantinet masochiste, des tentatives de d�fenestration et de r�sistance contre leur livraison � leurs parents, attestent de leur r�bellion contre leur retour au sein de leur famille. Une autre cat�gorie de fugueurs se met dans la peau d�une victime plut�t que d�un coupable, en vue d��viter les remarques d�sobligeantes des uns et des autres. Ceux-l� sont plus aptes � rejoindre le foyer et acceptent la r�conciliation familiale. Saliha, la m�re d�une fugueuse, nous raconte sa nuit la plus longue �Comme de coutume en cette p�riode estivale, ma fille qui avait 14 ans sortait de la maison pour se diriger vers la maison de son amie intime habitant � quelques encablures. Elle ne devait pas tarder comme � son habitude. Mais voil� qu�elle a d�pass� l�heure pr�vue de son retour � la maison. Son jeune fr�re, son p�re �tait encore au travail, s��tant d�plac� pour voir si elle est toujours chez son amie, ne croira pas ses oreilles en apprenant de la bouche de cette derni�re et de ses parents que notre fille n�y a jamais mis les pieds depuis quelques jours. Le choc est �norme. Il sera inoubliable dix ans apr�s. Ne disposant pas de t�l�phone mobile, ni moi ni son p�re d�ailleurs, nous �tions incapables de nous enqu�rir de la situation. Ne pouvant plus attendre une seconde de plus, sachant que la nuit allait bient�t tomber, le risque de la voir s�exposer � des dangers multiples, j�ai pris l�initiative de me d�placer � la maison de mes beaux-parents (mes parents �tant d�c�d�s). De l�, en compagnie de ses oncles et tantes, nous avons contact� son p�re, et d�cid� ensemble de partir � sa recherche, s�par�ment, aux endroits o� elle �tait susceptible d�y �tre. Toutes les tentatives ont �t� infructueuses. La contribution du voisinage a �t� �galement appr�ciable, tous les voisins ont mis � notre disposition des v�hicules et nous ont fourni des informations pouvant nous aider � la retrouver. En vain. M�me les corniches et les plages les plus recul�es ont �t� m�ticuleusement fouill�es, exploitant la pr�sence de quelques plagistes et campeurs, que les membres de la belle-famille connaissaient. D�aucuns parmi les profanes et les pantouflards avaient d�couvert le monde de la nuit, avec ses alcoolos, ses racoleuses, ses couples extravagants, ses fumeurs de joints, et autres �nergum�nes. Le suspense hitchcockien montait crescendo au fur et � mesure que l�id�e de ne plus la revoir nous tarodait l�esprit. Il est 1h 30 et les appels �chang�s entre les �prospecteurs� nous signalaient RAS. Nous avions entam� la deuxi�me journ�e de recherches. Ses oncles usaient m�me de m�thodes contraignantes � l�encontre de ses amis et proches, aux fins de soutirer des d�tails pouvant augurer de bon. On arrivait m�me � soup�onner des accointances de la part de quelques proches. Nous �tions en attente, ce qui para�trait de l�humour noir aujourd�hui, d�un appel nous demandant une ran�on d�une dizaine de millions de centimes (somme que mon mari n�a pu mettre de c�t� en 20 ans de vie professionnelle) en contrepartie de la lib�ration de notre fille. On se relayait comme dans un syst�me de quart dans une soci�t� p�trochimique, se ressour�ant par des prises de caf�, des conseils d�orientation, que malheureusement, dans un �tat second, je n��coutais m�me pas. Alors que l�on tentait de mettre en place l��quipe du matin pour entreprendre d�autres formes de recherches, nous �tions �tonn�s de voir notre fille, arpentant une pente mitoyenne � notre demeure, se diriger saine et sauve vers nous. J�ai accouru � sa rencontre, alors que, elle, boudeuse et plut�t honteuse, ne voulait pas me regarder dans les yeux. Les larmes aux yeux, j�ai remarqu� que ma fille ne pr�sentait aucune �gratignure au visage, ce qui attestait, avant qu�elle ne raconte son p�riple, qu�elle a d�lib�r�ment quitt� le foyer familial. Harcel�e de part et d�autre par les membres de la famille, elle nous signala qu�elle a pass� la nuit chez d�autres amies, que ne nous connaissions m�me pas car faisant partie des filles aux m�urs l�g�res. Qu�est ce qu�elles ont fait ensemble ? Y avait-il des gar�ons avec elles ? A-t-elle profit� de ce moment de d�tente pour rencontrer son copain ? Nous n�en savons rien. Mon histoire s�arr�ta l�. Depuis ce triste �pisode, pour lequel nous avions jug�, honte oblige, de ne pas informer la police, ma fille, aujourd�hui m�re d�une fillette, s�est rang�e et est devenue une v�ritable femme au foyer, abandonnant son cursus scolaire pour mener une vie de famille. Elle a conclu lucidement que la mauvaise fr�quentation, la situation familiale aidant, est la principale cause de cet �trange incident.�. Mourad, 40 ans, son fils n�est pas rentr� � la maison �J�ai v�cu la disparition de mon fils am�rement avec un sentiment profond de culpabilit�. �a remonte � cinq ans. J��tais au boulot, je travaillais de nuit. Lorsque, fait inhabituel, le standardiste m�informe que ma s�ur me demande au t�l�phone. J�ai couru croyant, le c�ur battant, qu�on allait m�annoncer le d�c�s d�un proche. J�ai �t� choqu� d�entendre dire que mon fils n�est pas rentr� depuis hier. J�ai vite fait de quitter les lieux. Comme un forcen�, je suis rentr� � pied � la maison, parcourant une dizaine de kilom�tres sans sentir la moindre fatigue. En arrivant chez moi, la tristesse se lisait sur tous les visages, comme si l�on venait d�enterrer un membre de la famille m�informait �galement que tout le monde m�en voulait. On m�accusait d��tre responsable de la fragilit� de mon fils de son c�t� un peu voyou. Imm�diatement, nous avons entrepris des recherches dans l�environnement le plus proche, soup�onnant quelques amis du voisinage qui l�auraient h�berg�. Devant l'�chec de notre entreprise, nous avons d�cid� d��tendre nos recherches, parcourant jusqu�� une vingtaine de kilom�tres dans le souci de trouver un indice pouvant nous aider � la retrouver. Apr�s 5 jours de prospection, l�angoisse atteignant son paroxysme, le d�sespoir comme seule r�compense, mon fils est revenu tout seul � la maison. Je me suis jet� sur lui comme un fou furieux, pour le ruer de coups, j�ai �t� arr�t� par mon jeune fr�re qui me recommandait de lui donner du r�pit pour comprendre ce qui lui est vraiment arriv�. Mon fils nous expliquera qu�il �tait, durant sa courte �clipse, dans une maison se trouvant � quelques kilom�tres de chez nous, profitant de la disponibilit� d�un v�hicule pour sillonner la ville de Skikda et ses alentours. Je ne vous cache pas que j�endosse une grande responsabilit� dans ce qui est arriv� � mon fils unique qui n�avait que 12 ans. Le peu de libert� de mouvement que je lui ai accord� m�a co�t� beaucoup. Une largesse que je d�conseille � mon pire ennemi�. Akila, 60 ans, n�a jamais retrouv� son fils C�est avec beaucoup de tristesse et les larmes aux yeux qu�elle �voque la disparition de son fils. son a�n�, il y a 30 ans. �Je me souviens encore de sa joie quand il m�a demand� de sortir pour la premi�re fois seul jouer avec les voisins de son �ge au pas de la porte, il avait 8 ans. Nous habitions une villa sur les hauteurs d�Alger, on se connaissait tous, on formait une seule famille. C��tait en �t�, et les journ�es �taient longues, il �tait 16h, il avait tellement insist� que je n�ai pas pu refuser. De temps � autre, j�allais v�rifier si mon petit Sofiane �tait toujours devant le portail. J��tais rassur�e. Puis, affair�e � pr�parer le caf� de l�apr�s-midi, je lui avais pr�par� son g�teau pr�f�r�, un cake au chocolat, je l�avais oubli� ce laps de temps. J�avais sorti mon g�teau du four et je me suis pr�cipit�e vers le portail. Sofiane n��tait plus l�. Je l�ai appel� en criant de toutes mes forces, il ne r�pondait pas. Les voisins, apeur�s, sont sortis voir ce qui se passait, moi, comme une folle, je hurlais : mon fils o� est-il ? Les enfants sont sortis alors de leur maison en disant : �Il y a � peine 10 minutes on �tait ensemble, on s�est quitt�s et chacun est rentr� chez lui. On pensait que Sofiane avait fait de m�me.� Depuis cette seconde, j�avais le pressentiment que je ne reverrai plus mon petit. Ma vie a bascul� depuis ce lundi fatidique d�un mois de juillet. Nous avons entam� toutes les recherches, nous avons remu� ciel et terre, aucune trace de Sofiane. Mon �poux m�a culpabilis�e me tenant pour seule responsable de sa disparition. Depuis, notre couple battait de l�aile, je faisais des d�pressions, des s�jours � l�h�pital au service psychiatrique, mon mari m�a r�pudi�e. Je suis sortie de l�h�pital apr�s un s�jour de six mois. J�ai 60 ans aujourd�hui, je suis toujours sous anti-d�presseurs, je vis avec ma s�ur qui, elle, n�a jamais eu d�enfant et qui a �t� la seule � me soutenir dans les moments difficiles. Elle a 10 ans de plus que moi, je m�occupe d�elle. Je vis toujours avec l�espoir qu�un jour mon b�b� me revienne. Il n�a jamais mang� son g�teau, d�ailleurs, je ne peux m�me plus sentir l�odeur du cake. Mon mari, en me chassant de la maison, m�a interdit de prendre ne serait-ce qu�un pull de mon petit Sofiane. Heureusement, avant de sortir, j�ai pu dissimuler un maillot de corps dans ma valise. Il ne me quitte jamais, j�ai encore son odeur c�est comme si Sofiane �tait encore l�. Son p�re, lui, s�est remari�, il a eu d�autres enfants, Sofiane fait partie de son pass� qu�il a enterr�.