A partir d'un mot, d'une rime, le poète déroule cet écheveau d'images idéales où la joie et la douleur, l'amour et la haine, le vécu et l'inconnu, la beauté et la laideur se bousculent dans un désordre cohérent pour nous suggérer, dans une parfaite harmonie de sons et de lumières, la bonne manière de percer les mystères de la vie et de l'univers. Et la magie des mots nous enveloppe et nous transporte loin du monde dans une valse à mille temps, où passé et futur se conjuguent au présent. En Kabylie, la poésie fait partie des mœurs. Elle est le témoin fidèle de ce qui a été, de ce qui est, de ce qui sera. Elle nous apporte maintes preuves pour nous dire qu'hier et demain ont toujours occupé la même demeure qui s'appelle aujourd'hui. En Kabylie, on n'est pas poète, on naît poète et on le reste toute sa vie... Et la langue tamazight, belle et riche, claire et précise, harmonieuse et rythmée, permet de développer un discours dont le verbe est à la fois doux et persuasif, et où la métaphore, l'allégorie et la symbolique occupent une place importante. Le poète kabyle est un aède des temps modernes qui sème au vent des rafales pour calmer la tempête et qui réveille les échos pour répercuter les silences. Dans ce tourbillon de mots irrésistibles, on trouve souvent une partie des réponses aux mille et une questions que le mortel se pose. Personnifiant le destin et l'amour, la mer et la terre, le soleil et les étoiles, la fierté et la patrie..., le poète visionnaire installe entre ces éléments un dialogue porteur de messages prémonitoires. Les paroles poétiques du versificateur sont un mélange savant de la langue littéraire et vernaculaire, imprégnant ainsi le poème de cette odeur énergique du terroir qui réveille les sens. La lecture de la poésie berbère est captivante et incite à la méditation ; elle apporte au lecteur ce besoin d'évasion et de liberté que seuls ces moments pleins de poésie peuvent rendre réel. «Le poète est un monde enfermé dans homme», affirmait Victor Hugo. Oui, comme un détenu enfermé dans une vérité prise en otage, le poète se balade en balade dans un espace réduit aux dimensions infinies...