Abdelmalek Sellal poursuit son offensive sur le terrain. La cadence est même accélérée durant cet été, période qui s'y prête pourtant si peu pour ce genre d'exercice. Même les rigueurs du Ramadhan n'atténuent en rien cette «explosivité » et, après Tizi Ouzou, Tindouf et bientôt Msila, le Premier ministre a longuement «sillonné» la wilaya de Tiaret, jeudi dernier, suivant un programme désormais bien classique. Inspections et inaugurations ou lancement de projets dans différents lieux sur le territoire de la wilaya, des directives, des remarques et même des décisions fermes et tranchées sur-le-champ, la matinée, et une grande réunion avec les élus et les représentants de la société civile l'après-midi, où Sellal s'est offert une tribune à travers laquelle il s'exprime à loisir ! Les «bains de foule» en moins, tout cela nous rappelle bien des sorties identiques durant toute l'année 2003, soit celle qui précédait des présidentielles d'un certain... Abdelaziz Bouteflika ! Difficile de ne pas relever cette frappante similitude entre les deux situations, et le comportement des deux hommes, à dix années d'intervalle et à pareille distance d'une même échéance politique majeure. Sellal, qui compte visiter les quarante-huit wilayas avant la fin de l'année en cours, saisit, à chaque fois, l'opportunité de la tribune offerte à l'occasion, pour lancer des messages en fonction de la conjoncture du moment. Jeudi, à partir de Tiaret, il y en avait aussi : «Nous sommes entourés de crises et de turbulences mais nous sommes à l'abri de tout cela car nous sommes immunisés pour avoir connu la décennie d'enfer.» Sellal fait, bien sûr, allusion à la situation explosive dans la région du Sahel et à la subite dégradation de la situation en Tunisie. Cela, avant de glisser vers ses thèmes favoris : «Le pays connaît une dynamique favorable. Il progresse de plus en plus» sur le plan économique. Et, saisissant une «question» fusant de la salle de la maison de la culture qui abritait la rencontre, dont l'auteur s'est cru le «devoir» de la définir «la dignité et l'identité nationale» comme n'étant qu'«arabo-nationalo-musulmane», le Premier ministre répliquera : «Notre identité nationale est claire. Elle est bien définie dans la Constitution. Pour ce qui est de la dignité, c'est également avoir le ventre plein ! C'est le travail.» Dans son discours improvisé comme dans ses habitudes, Sellal revenait à chaque fois à la charge : «Moi, j'insiste à chaque fois sur l'économie. Il faut savoir que notre base industrielle est en train de se reconstruire», dira-t-il encore avant de citer, à titre illustratif, les deux projets phares qui vont certainement hisser la wilaya de Tiaret en un important pôle économique en Algérie. D'abord le projet de la grande raffinerie d'une capacité de production de 5 millions de tonnes et dont les travaux de réalisation seront lancés dès la fin de l'année 2013. Suivra, dès avril-mai 2014, l'autre grand projet de construction automobile qui sera réalisé avec le géant allemand Mercedes, dans la région de Bouchekif. Celui-ci viendra en remplacement du projet «mortné » dit Fatia. Deux projets structurants et qui généreront des milliers de postes d'emploi en plus de servir de locomotive à l'industrie dans la wilaya et dans tout le pays. «Mais travaillez avec vos têtes, pas avec vos pieds, pardi !» Fait inhabituel, Abdelmalek Sellal s'est piqué d'une vive colère à la vue de la maquette représentant le nouveau pôle urbain au nord-est de Zmala. «Mais c'est quoi ça ?» lancera d'emblée le chef de l'exécutif à son interlocuteur du moment qui devait lui faire la présentation. «Ou est la place centrale ? Où est-ce que les gens vont se rencontrer ? Où est le jardin ?» interroge encore Sellal. Son interlocuteur lui montre un point sur la maquette. Mal lui en prit ! «Vous appelez ça un jardin ? Un demi-mètre carré, c'est cela un jardin ? Non ! Arrêtez-moi tout ça ! Vous me refaites tout cela.» Une gigantesque mosquée occupant tout ce qui devait faire office de «place centrale», le Premier ministre s'énerve encore à la vue de ce qui sera le supermarché. «Pourquoi est-il si loin du centre urbain ? Vous en avez honte ou quoi ? Ramenez-le-moi ici, au centre. Le citoyen devra avoir toutes les infrastructures nécessaires à proximité. Moi, quand je parle de la centralité, vous croyez que je parle des boulevards ? Mais travaillez un peu avec vos têtes, pardi ! vous travaillez avec vos pieds ! Je le dis et je le répète, je ne veux plus de cités dortoirs ! Nous voulons des cités modernes où les gens peuvent vivre, pas que dormir ! Et vous savez ce que c'est que de vivre et pas que dormir ? Je croyais que nous en avions fini avec Staline !» Tentant tant bien que mal de se défendre, l'interlocuteur de Sellal reçoit une autre salve : «Ne me dites pas non. Dites plutôt que vous n'avez rien compris ! Vous avez deux mois pour trouver un autre groupement et me refaire tout ça !» Il faut dire que nos promoteurs immobiliers ont tendance effectivement à se souvenir de l'existence d'une corporation : celle des architectes !