Le Premier ministre tunisien a accusé Ansar Eddine d'avoir commandité et commis les meurtres contre les opposants Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ainsi que l'ensemble des attentats contre les membres des services de sécurité. Ali Larayedh a annoncé que le mouvement salafiste, qualifié de proche d'Al Qaïda au Maghreb islamique, a été classé «organisation terroriste». Tarek Hafid - Alger (Le Soir) Le gouvernement islamiste Ennahda a fini par prendre conscience de la gravité de la situation sécuritaire dans laquelle est plongée la Tunisie depuis plusieurs mois. Le Premier ministre a déclaré, hier, lors d'une conférence de presse, que le groupe salafiste Ansar Ashariaâ «est responsable des assassinats de l'opposant de gauche Chokri Belaïd et du député Mohamed Brahmi ainsi que de nos martyrs de la police et de l'armée nationale». Ali Larayedh a accusé Ansar Ashariaâ d'être en «liaison avec Aqmi et d'autres personnalités terroristes». «Cette organisation est impliquée dans les opérations terroristes commises en Tunisie. Elle est responsable d'un réseau de stockage d'armes, elle est responsable de la planification d'assassinats, d'attaques contre des postes des forces de sécurité, de l'armée», a souligné le chef de l'Exécutif en affirmant détenir des «aveux de suspects». Ali Larayedh ne s'est pas contenté de simples accusations. Il a également annoncé que le mouvement salafiste a été classé «Nous avons décidé de classer Ansar Ashariaâ comme organisation terroriste». «Toute personne appartenant à cette organisation doit assumer la responsabilité entière de son appartenance à une organisation terroriste», a-t-il menacé. Ces déclarations du Premier ministre tranchent avec la politique «laxiste» dont a fait preuve le parti Ennahda envers le mouvement salafiste. Acculé par l'opposition, rejeté par la rue, le parti islamiste affilié aux Frères musulmans a finalement décidé de déclarer une guerre ouverte aux salafistes. Longtemps toléré par les pouvoirs publics, notamment par le tout puissant ministère de l'Intérieur, Ansar Ashariaâ a toujours mis en avant la violence comme moyen d'expression. Attaques contre la chaîne de télévision Nessma et dans plusieurs campus universitaires. Mais c'est l'assaut contre le siège de l'ambassade des Etats-Unis à Tunis, en septembre 2012, qui fera prendre conscience réellement de la dangerosité de ce mouvement extrémiste. Le 6 février 2013, de nombreuses voix s'élèvent en Tunisie pour accuser Ansar Ashariaâ d'être derrière l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd. Les actes terroristes se succèdent notamment dans la wilaya de Kasserine, où un groupe islamiste armé est retranché au mont Chaâmbi. L'intervention des services de sécurité, peu expérimentés en matière de ratissage en zone montagneuse, a causé la mort de plusieurs éléments à cause des mines artisanales. Le 25 juillet, Mohamed Brahmi, un député qui affiche ouvertement son opposition aux islamistes, est assassiné devant son domicile de la banlieue de Tunis. La situation sécuritaire ne cesse de se dégrader. Des groupes terroristes sont démantelés dans plusieurs zones urbaines. Le 4 août, une unité antiterroriste neutralise cinq individus armés dans un quartier de Tunis. Reste que les accusations proférées par le Premier ministre tunisien contre Ansar Ashariaâ n'effacent pas pour autant les défaillances qui ont caractérisé la gestion sécuritaire depuis l'arrivée des islamistes d'Ennahda au pouvoir. Une situation qu'avait clairement dénoncée l'ex-chef d'état-major interarmes, le général de corps d'armée Rachid Ammar, en direct à la télévision tunisienne. «Il y a des défaillances dans le système actuel de renseignement. Les défaillances sont claires. Je ne peux pas dire qu'il y ait des complicités à l'intérieur des structures de l'Etat, mais nous devons faire des enquêtes pour le déterminer. Moi, militaire, je suis du côté de l'action, pas du côté de l'information. J'ai besoin de renseignements pour agir. Nous avons, certes, le renseignement militaire, mais sa mission est de protéger l'institution, ses unités et ses secrets. Pour la société, il y a une autre structure. Sa mission est de suivre l'état général et de décrypter les menaces. Nous, militaires, avons besoin de renseignements, d'indicateurs et d'informations». Des déclarations lourdes de sens qui confirment un manque de volonté politique flagrant pour lutter de front contre les islamistes armés.