Accompagner un malade aux services des urgences est souvent source d'appréhension pour les familles. Comment leur malade sera-t-il traité ? Sera-t-il pris en charge d'une manière prompte et efficace ou ressortira-t-il de l'hosto les pieds devant ? Farida, 31 ans : «Mon fils, âgé de deux ans, avait une fièvre carabinée. Le médecin m'avait conseillé de le surveiller, mais durant la nuit, l'état de mon enfant s'est aggravé. Paniqués, mon mari et moi l'avons conduit à l'hôpital. Comble de la malchance, le service des urgences était bondé cette nuit-là. Un vieillard gisait sur une civière à même le sol. Visiblement, il avait du mal à respirer. Je me suis précipitée pour demander à ce qu'on examine mon bébé. On m'a dit de patienter. Les médecins de garde étaient débordés. Mon bébé pleurait de plus belle. Il a commencé à agiter les bras et les jambes puis il s'est soudain évanoui. Cela faisait une demi-heure que nous attendions d'être pris en charge, en vain. En voyant mon fils tomber dans les pommes, mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai foncé comme une folle dans la salle de soins en hurlant. Le médecin de garde posait un pansement à un jeune homme qui s'était tailladé le doigt. Je lui ai hurlé que si mon fils clamsait, il aurait sa mort sur la conscience. Mon bébé a failli convulser. Il a été sauvé in extremis. Cette nuit-là j'ai compris que les services des urgences sont complètement désorganisés. Des cas légers sont prioritaires au détriment de véritables urgences. Il faut crier pour se faire entendre. La vie ne tient qu'à un fil parfois !» conclut Farida échaudée par sa mésaventure au service des urgences hospitalières. Keltoum, 28 ans : Enceinte de son premier enfant, Keltoum a failli accoucher sur le bitume. Elle raconte : «J'habite à Sétif. J'étais en visite pour quelques jours chez mes parents à Alger lorsque j'ai commencé à ressentir des douleurs insoutenables. Mon bébé allait arriver plus tôt que prévu. A l'hôpital, où je me suis présentée en urgence, on a refusé mon admission. Pas de place disponible et grossesse risquée a-t-on répondu à mon père qui m'accompagnait. Je me tordais de douleurs sur la banquette arrière de la voiture. Finalement, un autre CHU a accepté de me garder. Il s'en est fallu de deux minutes pour que j'expulse mon bébé dans le hall de l'hôpital. J'ai dû partager ma couche avec une autre parturiente faute de lit disponible. J'ai tellement été traumatisée par cet épisode que je prie Dieu de ne jamais tomber malade. Quant à l'éventualité d'une seconde grossesse, ce n'est pas demain la veille.» Brahim, 41 ans : «J'ai conduit mon frère aux urgences. Il venait de dégringoler d'un escabeau et ne pouvait plus bouger son bras gauche qui avait doublé de volume en quelques minutes. Il fallait faire une radio en urgence, mais on nous a dit que les appareils étaient hors service. Nous sommes donc allés à la recherche d'un cabinet privé. De retour à l'hôpital munis des clichés, je pensais benoîtement que mon frère allait être pris en charge rapidement. Hélas, on a dû poiroter une bonne heure avant qu'un médecin se décide enfin à mettre un plâtre à mon frangin. Pourtant, pas de cas urgents ce jour-là. Le personnel soignant était en dilettante. On entendait des éclats de rire, des discussions, des commentaires sur les derniers matchs de foot... L'impression d'être dans un salon de thé. Pour avoir osé exprimer mon impatience quant à la lenteur de la prise en charge, un médecin m'a répliqué d'aller dans le privé si cela me chantait. J'étais interloqué. Nos hôpitaux sont-ils déshumanisés à ce point ?» fulmine Brahim. Dalila, 46 ans : Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, et le tableau n'est pas si noir. «J'ai eu affaire récemment au service des urgences d'un hôpital d'Alger suite à une gastro-entérite. J'ai été agréablement surprise par l'accueil, la disponibilité et la rapidité d'intervention de l'équipe médicale. Il ne faut pas toujours jeter la pierre aux blouses blanches. Dieu merci, il existe encore des médecins consciencieux !» témoigne Dalila.