Par Hassane Zerrouky Le 25 janvier, date anniversaire du départ du pouvoir de Hosni Moubarak, les partisans du président déchu Mohamed Morsi ont appelé au lancement de 18 jours de manifestations «pacifiques», soit un nombre de jours équivalant à la durée de la révolte de janvier-février 2011 ayant contraint l'ex-raïs à céder la place. En parallèle, faisant fi des appels des Frères musulmans qui peinent à mobiliser, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) a appelé son chef le général Abdelfatah Sissi à répondre «à l'appel du peuple». Le général Sissi, qui doit quitter ses fonctions au sein de l'armée car la Constitution interdit à un militaire de postuler pour la magistrature suprême, n'aura certainement aucune difficulté à se faire élire. Il jouit d'une réelle popularité au sein d'une population, qui voit en lui le nouveau Nasser et qui, après trois ans de crise, veut certainement tourner la page et passer à autre chose. Et le fait que l'élection présidentielle précèdera les élections législatives obéit à un choix délibéré, celui de permettre au nouveau «raïs» de se donner les moyens pour baliser le terrain, afin de jouir d'une majorité confortable dans le prochain Parlement. Curieux retournement. Il y a trois ans, d'aucuns pensaient que l'armée égyptienne, qui avait refusé de tirer sur la foule comme le lui aurait ordonné le pouvoir de Moubarak, était rentrée dans le rang. Il n'en fut rien. Elle a attendu patiemment son heure, exploitant avec une certaine habileté l'échec et l'impopularité croissante des Frères musulmans au pouvoir, dont il faut rappeler qu'ils ont été élus avec moins de 25% des électeurs inscrits ! Et ce qui devait arriver est arrivé : les Egyptiens se sont massivement retournés contre les Frères musulmans. Les rassemblements anti-Morsi ont mobilisé plus de 30 millions de personnes. L'armée, qui avait accompagné le mouvement populaire, n'avait alors qu'à cueillir le pouvoir comme un fruit mûr. Et aussi incroyable que cela paraisse, ce fut, comme l'ont fait remarquer de nombreux observateurs, un «coup d'Etat populaire», ponctué par une fête rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes au Caire et à Alexandrie ! Revers de la médaille : depuis l'éviction de Mohamed Morsi, la situation en Egypte ne s'est pas améliorée, elle reste rythmée par les manifestations des Frères musulmans et par des attentats meurtriers, commis par le groupe jihadiste, Ansar Beït al-Maqdess, mais aussi par une répression frappant, y compris des forces qui ont soutenu «le coup d'Etat» contre Morsi ! Des militants du Mouvement du 6 avril ont été arrêtés et certains condamnés à la prison. Des journalistes ont été menacés. Une reprise en main qui ne dit pas son nom est en marche. Tirant les leçons de l'éviction de Moubarak en février 2011, les militaires sont décidés à ce que le processus politique n'échappe pas à leur vigilance. Quant aux Frères musulmans, qui cautionnent les attentats sanglants frappant l'Egypte, ils sont en train de donner raison aux militaires égyptiens. Ces derniers ne se font pas prier pour montrer aux «Egyptiens ce qui se passe en Libye où il n'y a pas d'armée et pas d'Etat du tout et en Syrie, pays plongé dans une impasse dévastatrice !» La Syrie justement ! Ce pays plonge plus que jamais et de jour en jour, dans l'horreur. A Genève, en dépit des efforts déployés par Lakhdar Brahimi, le régime de Bachar et l'opposition, dominée par les Frères musulmans campent sur leurs positions, faisant la preuve de leur incapacité à s'entendre sur un minimum. Pendant ce temps, la guerre continue, faisant plus de civils tués que de combattants. Notamment à Homs et Alep, deux quartiers de ces deux villes encore aux mains des insurgés islamistes, ayant été violemment bombardés avant-hier par les forces de Bachar Al-Assad. Une accélération des opérations militaires qui n'est pas sans rapport avec les négociations de Genève. Ce qui fait qu'entre la force brutale du régime syrien et la réaction tout aussi brutale des insurgés islamistes, au nom d'une exaltation de valeurs obscurantistes très éloignées des idéaux de démocratie et de progrès, les Syriens sont l'otage d'un conflit sur lequel ils n'ont aucune prise.