L'exception tunisienne se confirme. Epicentre du «Printemps arabe», la Tunisie semble avoir réussi sa transition institutionnelle. Hier, le second tour d'une élection présidentielle, le premier scrutin libre du pays du jasmin, a pu se dérouler dans la sérénité, malgré une attaque matinale contre des militaires et un taux de participation assez moyen (47%, à 17 h). Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) Appelés à choisir le futur président de la Tunisie parmi deux candidats d'envergure, le président sortant Moncef Marzouki et le président du parti Nidaa Tounès et ancien Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, quelque 5,3 millions d'électeurs étaient attendus hier dimanche dans les bureaux de vote dès 8 h du matin (7 h GMT) et jusqu'à 18h (17h GMT). Une participation assez importante a pu être ainsi constatée lors de ce scrutin, en fait le second tour de l'élection présidentielle après un premier tour qui a vu l'entrée en course de 27 candidats d'obédiences diverses. Rappelons qu'à l'issue de ce premier tour, Caïd Essebsi était arrivé premier avec 39,46% des voix tandis que le chef d'Etat sortant, Moncef Marzouki en avait récolté 33,43%. Hier à dix heures (9 h GMT), un taux de participation de 14,04% était annoncé, alors qu'à l'étranger, il ne dépassait pas 17,03%. Certes, le scrutin a débuté sous une tension réelle. Durant la nuit, un groupe armé a tenté d'attaquer une patrouille militaire de protection et de surveillance du matériel électoral à El Haffouz, dans la région de Kairouan. Avortée grâce à la réaction des soldats, cette attaque qui a entraîné la mort d'un homme armé d'un fusil de chasse et l'arrestation de trois autres, dont un blessé, fait suite à plusieurs attaques perpétrées par la mouvance djihadiste, sans qu'un lien soit nécessairement établi entre elles. Outre l'allégeance au mouvement terroriste Daesh de combattants qui ont revendiqué les assassinats de deux personnalités anti-islamistes (Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi) en 2013, l'ambiance électorale a été marquée par des appels au boycott et des menaces de violence. La situation sécuritaire s'avérait, en fait, assez vive notamment dans certaines régions frontalières avec l'Algérie, où les opérations de vote ont été limitées à un certain horaire. Notons que des dizaines de milliers de militaires et de policiers ont été déployés pour assurer le bon déroulement du scrutin. Pour autant, la sérénité dominait les électeurs tunisiens qui se sont dirigés vers les lieux de vote de manière normale, et dans la mesure où, selon le président de l'Instance supérieure de la surveillance des élections (ISIE), M. Sarsar, «tous les dispositifs ont été mis en place pour réussir le bon déroulement du scrutin». Assez faible en matinée, nombre de jeunes ayant préféré l'abstention, le taux de participation a été revu à la hausse en cours de journée, estimé à 28,6% sur le territoire national et à 19% à l'étranger. A 14h30 (13h30 GMT), la participation s'établissait à 36,8% en Tunisie. A 17h, le taux général de participation était estimé à 47%, selon un membre de l'ISIE. Soit une participation tunisienne moins importante que celle enregistrée lors du premier tour, où ce taux a atteint les 64,5 % en Tunisie et 29,68 % à l'étranger. Ce faisant, les Tunisiens se sont exprimés par les urnes, soucieux de concrétiser le changement politique réel, de mettre un terme à la transition, assez chaotique depuis la fin de la présidence Ben Ali, et de réenclencher la dynamique de développement social et économique. Considéré déjà comme le favori du scrutin, Béji Caïd Essebsi était en tête, annonçait en fin de journée son directeur de campagne, Mohsen Merzouk, évoquant la «victoire». Une annonce que le camp adverse a réfutée, la qualifiant d'«infondée». Cela étant, les résultats de ce scrutin ne pourraient être connus officiellement que dès ce soir, l'instance électorale ayant jusqu'au 24 décembre pour annoncer l'identité du président pour les cinq prochaines années. La Tunisie a, semble-t-il, réussi sa transition. Berceau des bouleversements politiques, le «printemps» que le monde arabe a connu durant les quatre dernières années, la Tunisie connaîtra dans quelques heures ou jours la stabilité enfin. En dépit d'une polémique sur l'âge et le passé politique du candidat Béji Caïd Essebsi ou sur le positionnement réel du candidat Moncef Marzouki, d'échanges de propos acrimonieux lors de la campagne électorale, la compétition présidentielle a été assez loyale. De fait, c'était un jour historique pour la Tunisie, déjà dotée, depuis octobre dernier, d'un Parlement représentatif et qui aura enfin un président élu démocratiquement et pour un mandat renouvelable une seule fois. Au-delà de la problématique du choix du gouvernement, la période d'instabilité institutionnelle, politique en Tunisie s'achève donc. Soit une exception tunisienne qui se confirme.