Face à l'acuité de la crise qui se profile, la nécessité d'une autre politique économique s'impose, selon le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care), le consensus étant de mise ainsi que la concertation même si celle-ci fait défaut dans l'élaboration de la LFC 2015. Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) -Avec des recettes totales de plus de 5 000 milliards de dinars et des dépenses globales de l'ordre de 7 000 milliards de dinars, le déficit budgétaire devrait avoisiner les 2 000 milliards de dinars, s'aggravant de 51% en 2015 par rapport à l'année précédente. C'est ce que relevait hier l'expert économiste Mouloud Hedir, lors d'une conférence organisée sous l'égide du Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care), en se basant sur des données gouvernementales. Pour couvrir ce déficit, cet économiste observe que l'exécutif devra recourir à 43% des disponibilités du Fonds de régulation des recettes (FRR). Or, des disponibilités qui risquent de s'épuiser d'ici 2017, estime-t-il. Avec un déficit commercial estimé à plus de 15,3 milliards de dollars, en baisse de 38%, et un déficit de la balance des services de plus de 6 milliards de dollars, voire de 15 milliards de dollars en comptant les transferts, l'on relève que la balance globale des paiements devrait afficher un déficit de 30 milliards de dollars en cette année. Des chiffres révélateurs, assez préoccupants, constate cet expert, concernant notamment la baisse de la fiscalité pétrolière (-33%) et la réduction sensible des dépenses d'équipements (-27%). Le risque d'un mouvement récessif, d'une austérité plane ainsi, impactant sur le système de transferts sociaux, assez généreux mais largement inefficaces et sur l'activité économique. Certes, l'Algérie dispose d'une certaine marge de manœuvre, un répit de trois ans en prenant en compte les réserves de change, note Mouloud Hedir. Pour autant, la question est de savoir «ce qu'on va faire durant ces trois ans», s'interroge-t-il, en vue de parer à l'acuité de la crise qui se profile et d'assurer les conditions idoines de développement socioéconomique, de création de richesses et génération de croissance. D'où l'opportunité d'une autre politique économique, considère cet expert du club Care qui avancera ainsi cinq pistes d'action, des pistes sur lesquelles le consensus existe même auprès de l'exécutif, concédera-t-il. Il s'agit ainsi de la nécessité de trouver d'autres modes de financement du développement notamment infrastructurel hors concours budgétaires, le recours à l'endettement extérieur ne devant pas constituer un tabou selon le président de Care, Slim Othmani. Il sera également question d'opérer un changement dans la politique des subventions d'une manière «graduelle», selon Mouloud Hedir, en évitant «tout clash» et en commençant par la question du prix du carburant. Mais aussi de repenser l'attractivité du pays aux investissements directs étrangers (IDE), de développer la cohérence dans le domaine du commerce extérieur et de concrétiser réellement l'amélioration du climat d'affaires. Outre l'opportunité selon le président de Care de mettre en œuvre la privatisation, le secteur public pâtissant d'un déficit managérial et en termes d'appareils de production. Le contexte est certes à l'«alerte» mais «l'espoir existe», observera Slim Othmani, rétif à tout pessimisme et qui considère l'opportunité d'«avancer» à charge cependant d'«être créatif». Mais aussi de stimuler la confiance, la concertation entre tous les acteurs de l'activité économique, relèvera le président de Care qui observe néanmoins l'absence d'une vision économique et «un pilotage à vue» dans ce domaine. Or, l'esprit de concertation a fait défaut, notera Slim Othmani, concernant l'élaboration de la loi de finances complémentaire pour 2015 et dont la finalisation tarde en raison de divergence d'approches. Un projet de LFC qui aurait pu offrir au gouvernement une opportunité que ce dernier semble avoir de la peine à saisir, considère-t-on au Care. De fait, l'association observe que les quelques mesures annoncées jusque-là sont manifestement en net décalage par rapport aux vrais enjeux et ne permettent pas de créer le choc salutaire du changement espéré. Sur un autre plan, le président de Care relèvera l'utilité de réintroduire le chèque en tant que moyen de paiement. Toutefois, la nécessité d'une «clarification» se pose concernant l'application au niveau de la chaîne de production et distribution de l'obligation de paiement par chèque des transactions de plus de 1 million de dinars. En outre, Slim Othmani prônera davantage de réactivité, créativité au niveau du secteur bancaire.