Les amateurs de littérature de l'imaginaire, les fans de surnaturel et les passionnés de mondes parallèles devraient s'en réjouir : Anys Mezzaour vient de publier le tome II de sa trilogie Le lien des temps. Ce nouveau tour de magie romanesque leur réserve bien des frissons. Dans La terreur des mondes, suite du premier tome, le jeune romancier continue de jongler avec les personnages fabuleux d'une saga dont il s'amuse à nouer et dénouer les fils. Tel le prestidigitateur, et par l'adresse d'une écriture imaginative, il produit des illusions en faisant disparaître, apparaître, changer de place ou d'aspect des êtres, des objets... Il abolit la frontière du possible et de l'impossible, subvertit l'espace-temps ainsi que le passé et le futur, offre de voyager dans des univers multidimensionnels insoupçonnés. Car, ici, nous sommes dans le monde de la fantasy, un genre littéraire qui n'impose pas de limites à l'imagination créative, inventive, exubérante. Naturellement, le lecteur à l'esprit curieux a déjà retenu le nom de cet auteur prodige (Anys Mezzaour est né le 6 novembre 1996 à Alger) qui, en 2013, avait commis une première œuvre étonnante de fraîcheur en même temps qu'exécutée avec maîtrise. La proie des mondes, tome I, d'une trilogie impliquant virtuosité et endurance, signait l'acte de naissance d'un jeune écrivain au talent prometteur. Pour son baptême du feu, Anys Mezzaour avait produit un bon roman tout en se distinguant comme le précurseur de la fantasy en Algérie (un genre littéraire que les éditions Enag sont les premières à lancer). Le deuxième volet du triptyque prolonge le monde de fiction entièrement imaginé par l'auteur dans le tome I. Le lecteur y retrouve des créatures étranges, des personnages récurrents dotés de pouvoirs surnaturels. Nombre de ces personnages ont joué des rôles importants dans le cycle précédent, mais le lecteur qui découvre le récit pour la première fois apprend vite à se familiariser avec les héros de la saga. Il y a là Alexis White, «jeune garçon brun de dix-huit ans, intelligent et tenace» (celui qu'on appel Alex est «mon personnage, tout moi-même», écrit l'auteur dans la page de dédicace). Il y a aussi Bill Prima, meilleur ami d'Alex et du même âge que lui. Plutôt «fort et courageux», Bill est le «fils biologique de l'Empereur Daruis» et donc hériter du trône (un «Hypérion», dans la terminologie, d'Anys Mezzouar). Les deux amis sont élèves à l'Académie de magie d'Elementia, une cité qui se trouve dans «une planète nommée Alïeda, «à des proportions incommensurables, plus grande que notre Terre. Elle abrite la vie, une civilisation, même. Des centaines de milliards de personnes y habitent...». Autre particularité, «les habitants d'Alïeda sont doués de pouvoirs magiques». Au fil des pages, le lecteur apprend aussi à connaître «Vulcain, Hydra, Zéphyra et Roc, les quatre créateurs des éléments, fondateurs de la planète Alïeda, sages et omniscients». Le groupe forme «Le Conseil des quatre» dont le «testament» est transmis à l'Hypérion (l'héritier du trône) à la mort de l'Empereur. Le précieux testament joue souvent le rôle d'un catalyseur tout au long du récit, surtout que le sinistre Bauxite Prima «voudrait à tout prix utiliser le pouvoir du testament pour devenir plus puissant» et régner sur l'Empire. Bauxite ? Ce personnage machiavélique est le «petit-fils du Conseil des Quatre, ministre de l'Intérieur. D'abord ennemi de la famille impériale, il lui a fait la guerre durant près de trois mille ans avant de rentrer dans les rangs et de faire amende honorable». C'était un peu l'épilogue de La proie des mondes, puis l'état des choses dans l'Empire, en l'an 2997, avant que les événements s'accélèrent dès les premiers chapitres du tome II. Car Bauxite est rusé, cauteleux, sournois, avide de vengeance et de pouvoir absolu. Les motivations de l'un des principaux personnages responsables de l'action ainsi établies, Anys Mezzaour parvient à créer une série d'événements parfois tragiques. Des personnages disparaissent, frappés par le malheur, mais d'autres acteurs sont là pour reformer la mosaïque et construire une intrigue digne d'intérêt. Alex en particulier. Ou encore Symias Lob, un jeune Algérien «vivant sur Terre, ami de Bill et d'Alex, doué de très grandes capacités intellectuelles». Dans La terreur des mondes, c'est d'ailleurs Symias qui inaugure l'histoire complexe qui va suivre (le prologue, où la scène se déroule le 30 mai 2015 à Lyon). Symias est également très présent dans d'autres chapitres (à Genève et à Alger en 2024). Avec son ami Alex, l'Algérien a notamment pour tâche d'organiser «l'Armée terrienne pour qu'elle soit prête à combattre les troupes de Bauxite». Parce que La terreur des mondes (Bauxite) est à la tête d'«une armée magique surentraînée» et il veut envahir la planète Terre. Entre-temps, le lecteur aura appris à voyager dans le temps et dans l'espace en compagnie d'Alex. Les univers parallèles (dont l'Empire magique universel), les voyages spatio-temporels (remonter très loin dans le passé, par exemple) et le monde de la magie n'auront plus de secrets pour lui. Pour un meilleur confort de lecture, il doit seulement veiller à bien attacher sa «ceinture de volatilisation», apprendre aussi à utiliser «la magie avec parcimonie étant donné qu'elle n'était pas renouvelable». Et surtout raison garder en toute circonstance, vu que le lien des temps n'est jamais rompu : non seulement l'auteur jongle avec les sous-genres de la fantasy (space fantasy, médiéval-fantastique, fantasy urbaine, dark fantasy et science fantasy), mais il se permet, en plus, de manier adroitement réalisme et figures allégoriques, réflexions philosophiques et images métaphoriques... Que penser d'un tout jeune auteur qui écrit, par exemple : «L'homme ne peut pas se mettre à la taille d'une fourmi pour lui parler et serait absurde d'exiger de la fourmi qu'elle grandisse pour que l'homme lui parle.» Une autre réflexion qui éclaire sur la maturité d'esprit du romancier : «Mais nul ne pouvait se battre contre le temps. Nul ne pouvait se battre contre un concept à la fois aussi abstrait et aussi fatal. Être supérieur, éblouir, éclairer les autres, se différencier du commun, c'est toujours n'être que de passage. Comme les comètes. On ne peut briller indéfiniment. Ou alors on se consume et on disparaît.» Bien sûr, cela est dit par la voix d'Alex (l'alter ego). Alex qu'on retrouve, dans la chute finale, aux prises avec Bauxite. Et là, «toutes les pièces du puzzle s'assemblaient dans sa tête» et il ne restait plus qu'à prononcer un mot. Le fameux mot qui ouvre la porte des autres mondes. Un autre cycle peut commencer, avec la suite des aventures merveilleuses d'Alex, de Bauxite et de Symias Lob le Terrien (et d'autres personnages) dans le tome III en préparation. Hocine Tamou Anys Mezzaour, La terreur des mondes (tome II de la trilogie Le lien des temps), Enag Editions, Alger 2015, 250 pages.