En ce 61e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale, les commémorations sont tellement discrètes, qu'en exagérant un peu, l'on pourrait croire que tout est fait pour faire oublier que les Algériens se sont soulevés contre la France coloniale. Ce que l'on a aussi tenté de faire oublier en cette année particulièrement, c'est que d'une revendication, plus ou moins affichée, sous la pression de la société civile d'ailleurs, par le pouvoir algérien de demande de reconnaissance par la France de ses crimes de guerre commis sur notre territoire, nous sommes passés à un silence quasi-total sur cette revendication. Que s'est-il passé dans l'intervalle pour installer ce mutisme ? Des contrats, beaucoup de contrats, et des intérêts pour l'une comme pour l'autre des deux parties : les uns pour continuer à recevoir le soutien français pour pérenniser leur pouvoir et les autres pour sauver leur économie. «Les Algériens veulent une reconnaissance franche des crimes perpétrés à leur encontre par le colonialisme français.» Ce sont là des propos tenus en octobre 2012 par Cherif Abbas, alors ministre des Moudjahidine, et nous en sommes bien loin, même si pour beaucoup, ce n'étaient là que des propos convenus et que le ministre était dans son rôle et pour certains il faisait semblant de répondre à la demande de certaines associations. A ces demandes, et face à cette pression du côté algérien, il y a bien eu des avancées mais ô combien peu significatives, loin en tout cas d'une condamnation ferme du fait colonial. Avant sa visite d'Etat en Algérie, en décembre 2012, le Président Hollande a fait ce qu'aucun président avant lui n'avait fait : il a reconnu «la répression sanglante de la manifestation algérienne du 17 Octobre 1961 à Paris». Toutefois, à Alger, très peu de temps après, il explicitait : «Je ne viens pas ici faire repentance ou excuses. Je viens dire ce qu'est la vérité, ce qu'est l'histoire...» et se faisant plus précis, il poursuit : «Ce voyage, il est sur l'avenir, il est pour engager une mobilisation de nos deux sociétés...» Ainsi donc, signifie-t-il, les Algériens ne doivent plus rien attendre de lui. Le propos au double destinataire, l'opinion française, notamment l'extrême droite et la droite et l'opinion algérienne a bien été entendu par les autorités algériennes dans notre pays. Celles-ci semblent, pour ne pas dire sont réellement, tout à fait en phase avec le Président Hollande lorsqu'il s'agit de mettre un terme à la guerre mémorielle et à la fin des revendications de reconnaissance des crimes coloniaux. Cette occultation du crime colonial est naturellement un enjeu pour le pouvoir français : en ces moments de remontée spectaculaire et qui semble durable de l'extrême droite, il n'est pas dit que Hollande ira jusqu'à reconnaître la responsabilité de la France dans les crimes commis, au risque, s'il le faisait, de se voir éjecter lors des prochaines échéances électorales. Mais à vrai dire, a-t-il jamais eu la volonté de le faire ? Rien n'est moins sûr. De volonté y en a-t-il eu du côté algérien pour peser réellement sur le devoir de mémoire et la revendication de reconnaissance ? Si le discours des autorités a été assez fort pendant de longues années (notamment, est-il besoin de le préciser, lors de dates commémoratives), nous ne l'entendons plus aujourd'hui. Mieux encore, les déclarations des dirigeants de tous niveaux étant en ces temps bénis au «comme a dit ou décidé Fakhamatouhou», celui-ci ne se faisant jamais plus entendre sur ce sujet, l'on passe donc à autre chose. François Hollande a bien compris que la page est tournée et que l'Histoire, les excuses, ne font plus partie du discours dominant algérien, en tout cas ne sont plus dans les tablettes des vis-à-vis officiels algériens. D'un côté comme de l'autre, l'on s'attelle à faire «la promotion du retour triomphal» de la France en Algérie. Usine Renault, contrats chemin de fer, métro, gestion de l'eau, neuf accords tout récemment signés à Paris, prochain accord pour l'installation à Oran de Peugeot... Ce qui fait dire aujourd'hui à Louisa Hanoune que «malgré la crise, certains responsables veulent sauver des sociétés françaises». Et dans le même temps, Ali Yahia Abdenour qui s'indigne : «La France est sortie par la porte en 1962 et elle est revenue par la fenêtre.»