«Ce n'est pas un changement de régime», assurait hier le directeur de cabinet à la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, à propos de l'avant-projet de révision de la Constitution qui est potentiellement prévue à la mi-février. Selon l'avis du Conseil constitutionnel, cette révision devrait être adoptée soit par les deux Chambres du Parlement réunies en congrès ou par chacune des deux Chambres et dans ce dernier cas, passer par un référendum. Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - Adopté le 28 décembre 2015, l'avant-projet de révision de la Constitution a été présenté hier en conférence de presse par le directeur de cabinet à la présidence de la République, Ahmed Ouyahia. Basée essentiellement sur la consolidation de l'unité nationale, la consolidation de la démocratie et le renforcement de l'Etat de droit, cette révision constitutionnelle constitue selon le directeur de cabinet «une véritable mise à jour du Contrat social national, au moment où la société algérienne est interpellée par plusieurs défis nationaux et mondiaux». Ce faisant, Ahmed Ouyahia considérera certes que cette révision est «assez profonde» même si elle ne répond pas aux attentes des «politiciens». A ce propos, il rétorquera à l'opposition qui qualifie la révision constitutionnelle de «non-événement» que toute la société a eu latitude à participer ou non aux trois rounds de dialogue organisés depuis 2011, dans la mesure où l'Algérie «a besoin de rassemblement». Cela même s'il refusera de commenter la participation de l'ancien chef de l'AIS, Madani Mezrag, la qualifiant de « non-événement » et considérant que « c'est la presse qui lui a donné de l'importance» ! Comme Ahmed Ouyahia tiendra à observer que «la légitimité des institutions émane du peuple souverain», sonner régulièrement le tocsin sur «la vacance du pouvoir n'est pas un programme politique» et que le président de la République «dirige et suit». Pour autant, cette révision constitutionnelle dont la philosophie a répondu à «80%» aux avis exprimés par les partis politiques et personnalités qui ont participé aux trois rounds, ne modifie pas la nature du régime politique algérien. «Ce n'est pas un changement de régime», dira le directeur de cabinet de la présidence, considérant davantage que c'est «une amélioration de la démocratie». De même qu'il ne s'agit pas de remettre en question le régime semi-présidentiel en vigueur en Algérie depuis 1962 ou d'impulser «une seconde république», un concept auquel il s'est montré assez réfractaire. Selon Ahmed Ouyahia, l'avant-projet de révision ne fait qu'«enrichir» la matrice du texte fondamental, «le potentiel constitutionnel» tout en considérant qu'amender la Constitution comme en 2008 «n'est pas un crime» en soi. Dans cet ordre d'idées, le directeur de cabinet considérera que si la non-limitation des mandats présidentiels, adoptée en 2008, se justifiait par la sollicitude populaire à l'égard de la personnalité, rôle et œuvre du président de la République, le changement apporté par cet avant-projet de révision et prévoyant la limitation s'explique a contrario par le souci de maturer la législation, les libertés. Déjà soumis au débat national (associations, partis politiques...) l'avant-projet de révision constitutionnelle sera examiné en Conseil des ministres durant ce mois de «janvier», précise M. Ouyahia. Dès l'adoption du texte, le président de la République «saisira» alors le Conseil constitutionnel, indiquera le directeur de cabinet en réponse à une question ultérieure, en précisant que l'institution devra se prononcer sur le contenu de l'avant-projet et sur le choix du mode d'adoption. Ainsi, si le Conseil constitutionnel constate que les modifications, une centaine étant prévue, ne portent pas atteinte aux relations entre les pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) et aux équilibres institutionnels, aux libertés individuelles et aux droits de l'Homme et aux principes de la nation, le projet pourra être adopté par les deux Chambres du Parlement (Assemblée populaire nationale et Conseil de la Nation) réunies en congrès. Mais dans le cas où l'avant-projet touche à ces trois considérants sus-cités, il sera considéré comme un texte de loi et il reviendra alors à l'APN puis au Conseil de la nation de se prononcer, voire d'apporter des amendements. Dans ce dernier, Ahmed Ouyahia tiendra à préciser que le texte devra être adopté par un référendum dans les 50 jours qui suivent l'aval du Parlement. Rétif à se prononcer sur le temps nécessaire au Conseil constitutionnel pour se prononcer, généralement une dizaine de jours ou deux semaines, le directeur de cabinet observe néanmoins que l'adoption définitive du projet de révision parlementaire, quel que soit le mode choisi, pourrait avoir lieu «à la mi-février». Ce faisant, le directeur de cabinet considérera que le processus de révision décidé par le président de la République est strictement conforme aux dispositions de la Constitution. De même, il considère que le mode d'adoption parlementaire est opportun dans la mesure où l'APN est «une institution» du pays et que le président de la République n'a pas vocation à porter atteinte à la crédibilité des institutions. Relevant par ailleurs que l'avant-projet de révision constitutionnelle consacre notamment la préservation de la propriété publique et promeut la cohésion sociale, Ahmed Ouyahia tiendra à lever toutes appréhensions quant au bradage du patrimoine public, l'assujettissement «au capital», c'est-à-dire l'oligarchie, ainsi que la remise en cause des acquis sociaux. A noter également qu'une disposition constitutionnelle projetée prévoit que tout candidat à l'élection présidentielle doit notamment avoir la nationalité algérienne et justifier d'une résidence permanente exclusive en Algérie durant un minimum de dix ans. Ce que le directeur de cabinet justifiera par la nécessité pour tout postulant à la magistrature suprême et intéressé par la gouvernance du pays d'avoir partagé «le vécu brillant, confortable ou quelque peu compliqué» des Algériens. Ce qui n'est pas le cas de certains candidats à l'élection présidentielle de 2014 qu'Ahmed Ouyahia ciblera sans les citer nommément. Relevons également que le directeur de cabinet rassurera sur l'opportunité de l'institution projetée d'une haute instance indépendante permanente de surveillance des élections, en écartant néanmoins toutes velléités de «dessaisir» l'Etat de ses prérogatives et en arguant du souci d'éviter «l'anarchie». En outre, Ahmed Ouyahia indique que le projet de révision constitutionnelle consacre le statut de tamazight en tant que langue nationale et officielle et met en place, dans cette perspective, une académie algérienne de la langue amazighe. Une instance formée d'experts et qui aura vocation d'œuvrer à unifier» les différents dialectes dans le domaine de l'enseignement et de la pratique, expliquera-t-il.