Ce 8 Mars, qui aurait d� �tre f�t� de fa�on particuli�re, ne sera pas diff�rent des pr�c�dents. Dans l'Alg�rie de 2005, des hommes continuent de penser et de d�cider de ce qui est bien ou mal pour les femmes, ces �ternelles mineures. A en croire El Islah, le MSP et Bouteflika, la soci�t� alg�rienne n'aurait eu aucun fondement avant juin 1984. A force de cultiver ce genre de contrev�rit�s, on pourrait finir par faire croire, � qui le voudra bien, qu'avant cette date les femmes vivaient sans rep�re aucun, livr�es � elles-m�mes, ne sachant plus � l'�panouissement de quel m�le vouer leur destin�e. Et pour en avoir �t� convaincu par on ne sait quels esprits retors, le chef de l'Etat doit s�rieusement penser qu'il est le seul par qui l'affranchissement de la femme a pu se concr�tiser alors qu'il n'en est rien. Il ne sera plus question, durant les mois � venir, de parler d'�mancipation. Le dossier est scell� pour quelques longues ann�es encore. Probablement jusqu'� la prochaine pr�sidentielle pour ne pas d�roger � la r�gle qui veut que les femmes, en ces temps o� les candidats partent � la p�che aux voix, deviennent celles � qui on fait le plus de promesses et que l'on courtise donc le mieux. On verra, bien s�r, se distinguer du lot, non pas pour le convaincre, parce que c'est d�j� fait, mais pour lui signifier leur approbation et le conforter dans ses convictions, quelques phallocrates patent�s soutenus par des courtisanes en mal de privil�ges et donc soucieuses d'arracher un parrainage de premier choix, indispensable � leur promotion sociale. Bouteflika reste, autrement dit, �gal � lui-m�me. Ce sont les autres qui lui attribuent, pour flatter son ego, cette fausse qualit� de briseur de tabous. Le 8 Mars prochain, pour ne pas �branler les bonnes habitudes, quelques-unes d'entre les tol�r�es du s�rail organiseront, sans aucun doute, des s�ances de t'bal et zorna pour permettre � celles qui n'ont toujours rien compris � ce que leur r�serve l'avenir de se d�fouler l'espace d'un apr�s-midi, au son d'une orchestration bas de gamme, sollicit�e � moindre co�t pour amuser des "femelles" en mal de distractions � l'œil. En marge des festivit�s destin�es au tout-venant, Bouteflika offrira, comme � l'accoutum�e, une r�ception en l'honneur de femmes tri�es sur le volet, heureuses d'avoir pu d�crocher la fameuse invitation qui leur permet de figurer, enfin, parmi les invit�s de marque du chef de l'Etat. Des femmes qui auront su se taire et auront, patiemment, et sans faire de vagues, attendu que leur soit accord� l'insigne honneur d'approcher le pr�sident de la R�publique. Elles auront, elles, compris que c'�tait discr�tes et soumises que souhaitait les voir se conduire le grand d�fenseur de la vertu, de la morale et des "valeurs islamiques", celui qu'elles auront choisi d'�lire comme leur premier tuteur. Pendant ce temps, des associations f�minines impuissantes mais pas mal intentionn�es continueront � demander que le code de la famille soit remplac� par le code civil. Vainement, on s'en doute bien. Il faut, pourtant, rappeler qu'�tant donn� les r�sistances auxquelles les militantes pour l'�galit� des droits continuent � faire face, beaucoup d'entre elles ont, de guerre lasse, fini par admettre qu'il valait mieux "tenir que courir" et qu'il serait peut-�tre plus rentable d'accepter que l'on amende le code de la famille plut�t qu'on ne le garde en l'�tat. R�sultat : m�me les amendements ont �t� tripatouill�s � leur tour, au profit d'un pouvoir machiste, r�fractaire � tout changement et que le sort de la femme int�resse juste ce qu'il faut. Reste s�rieusement � s'interroger sur la raison qui fait que des associations militant pour l'accession des femmes � la citoyennet� continuent, sans doute involontairement, � am�nager des sorties de secours au pr�sident, insistant aussi lourdement sur le fait que ce dernier ait c�d� devant la pression islamiste. Question �l�mentaire : en quoi le chef de l'Etat se serait-il montr� plus progressiste que ses alli�s ? Bouteflika n'est pas pour l'�galit� des droits entre les hommes et les femmes. Il faudra bien, un jour, admettre cette r�alit� et cesser de l'enrober de qualit�s qu'il n'a pas dans l'espoir de l'amadouer, voire de lui faire changer de camp. Il faudra bien accepter une bonne fois pour toutes cette �vidence qui veut qu'il soit fid�le � des convictions qui sont les siennes et non celles d'alli�s politiques conjoncturels qu'un chef de l'Etat soucieux d'instaurer la stabilit� dans le pays ne voudrait pas se mettre � dos. Les femmes qui ont cru aux discours enflamm�s, destin�s � s�duire l'importante frange de l'�lectorat qu'elles repr�sentent et d�fendent les pseudo-vis�es modernistes du pr�sident en auront eu pour leur compte. Bouteflika vient, encore une fois, de les prendre � contre-pied. La question que pose, en fait, l'avant-projet de loi portant "amendements au code de la famille" se r�sume en une seule question : s'agit-il d'un v�ritable changement ou d'un ravalement de fa�ade ? A la lecture des articles amend�s r�cemment, on peut r�pondre qu'il ne s'agit pas m�me de ravalement de fa�ade. Que l'on en juge : Dans la forme, il s'agit d'un projet d'ordonnance pris par le pr�sident de la R�publique conform�ment � ses pr�rogatives et adopt� en Conseil des ministres. Que le texte soit ou non d�battu par les d�put�s ne pr�sente aucun int�r�t. Pourquoi ? Parce que personne n'est dupe ou n'ignore que craignant une dissolution de l'Assembl�e en cas de blocage et donc la perte des avantages dont ils b�n�ficient, les "repr�sentants" de la nation feront passer le texte sans se faire prier. Quant au fond, la principale revendication des associations ou de femmes ind�pendantes a depuis vingt ans concern� la suppression du tutorat. L'article 11 du code de la famille prescrit que "la conclusion du mariage pour la femme incombe � son tuteur matrimonial qui est soit son p�re, soit l'un de ses proches parents". La nouvelle mouture ordonne pour sa part que "la pr�sence du wali est obligatoire pour la mineure. La femme majeure peut contracter mariage en pr�sence de son wali, un de ses proches ou une personne qu'elle aura choisie � cet effet". En faisant la distinction entre mineure et majeure, le politique croit pouvoir contourner la difficult� mais il n'en est rien. Pourquoi en effet parler de mariage de mineure alors qu'il est pr�vu de fixer l'�ge du mariage � 19 ans pour les filles comme pour les gar�ons pr�cisant que toute union contract�e avant l'�ge requis serait consid�r�e comme nulle � l'exception d'un cas de force majeure comme la grossesse par exemple o� seul le juge serait habilit� � accorder une dispense d'�ge (article 7 du code de la famille). En r�alit�, on a introduit la notion de minorit� pour ne pas supprimer le tuteur pour la majeure (au sens du code civil). A celle-ci l'on conc�de la possibilit� de pouvoir contracter mariage en pr�sence d'un wali. En disant "peut" et non plus "doit", les r�dacteurs du projet d'ordonnance ont laiss� entendre que la majeure pouvait ne pas le faire, qu'elle aurait le choix et, qu'ainsi, le wali n'exercerait plus sa fonction de tuteur matrimonial mais serait pr�sent au moment de la conclusion du mariage comme simple mandataire ou t�moin d�sign� par la fille majeure. On aurait tort de penser qu'il s'agit l� d'une avanc�e comme l'ont pr�tendu trop h�tivement certaines voix. Il ne s'agit, en r�alit�, que d'une clause de style qui n'aplanira pas les difficult�s sur le terrain, car nombreux seront les officiers de l'�tat civil qui exigeront la pr�sence du wali et interpr�teront "peut" par "doit". Derri�re "peut" se cache tout bonnement l'�norme arnaque qui fait du mariage un contrat in�galitaire d�s le d�part. La contradiction pour l'Alg�rienne de 2005 r�side dans le fait qu'elle peut choisir un candidat � la pr�sidentielle et qu'elle est en m�me temps dans l'impossibilit� de conclure par elle-m�me son contrat de mariage. L'Alg�rie, contrairement � ses voisins de Tunisie et du Maroc qui ont supprim� le tutorat, demeurera � la tra�ne. L'Alg�rienne continuera � �tudier, travailler, voter, voire � rendre la justice avec n�anmoins son statut de mineure en qualit� d'�pouse et de m�re. Il est vrai que la r�action des associations f�minines qui se sont d�clar�es d��ues a de quoi surprendre. Il leur suffirait pourtant de se rem�morer le 10 mars 2000. Le premier magistrat du pays avait d�clar� que les femmes ne devaient pas �tre cause de fitna, qu'elles devaient tenir compte de toutes les sensibilit�s, qu'elles devaient faire montre de pudeur en ne fumant pas en public pour ne pas choquer les repentis. Le maintien du tutorat se r�v�le, du coup, en parfaite osmose avec l'image que se fait le pouvoir politique des Alg�riennes. La sympathie verbale du syst�me � l'�gard de ces femmes courage et de leur combat s'arr�te l� o� commencent les choses s�rieuses. La d�mocratie attendra, les femmes aussi.