Les cours du pétrole qui ont enregistré une forte hausse à l'annonce de l'accord historique de l'Opep à Alger commencent à se calmer en attendant les modalités de mise en œuvre qui seront déterminées lors de la réunion de Vienne en novembre prochain. Lyas Hallas-Alger (Le Soir) - La réunion informelle de l'Opep tenue mercredi dernier à Alger s'est transformée en réunion extraordinaire pour formaliser un accord de réduction de la production. Le cartel qui produit 33,25 millions barils/jour (40% de l'offre mondiale) a décidé de plafonner sa production à 32,5 millions de barils/jour. Qualifié d'«historique» par le ministre qatari de l'Energie Mohammed Bin Saleh Al-Sada qui assure la présidence tournante de l'organisation, cet accord est le premier du genre depuis 2008. En effet, l'accord a ramené l'Arabie saoudite à la raison, laquelle a abandonné son rôle régulateur du marché à partir de 2011 pour se lancer dans une guerre de parts de marché. Cette attitude, accentuée par la levée des sanctions sur l'Iran –son voisin et rival–, a provoqué une dégringolade des prix du baril du pétrole qui a perdu en 2016 les deux tiers de sa valeur par rapport à juin 2014. «L'Opep se réapproprie désormais sa fonction de monitoring du marché», s'est félicité son homologue algérien Noureddine Boutarfa dans la conférence de presse conjointe qu'ils ont animée à l'issue de la réunion qui a duré six heures. Ce faisant, les cours du pétrole, qui ont enregistré une forte hausse sur le marché, entre 5 et 6% à travers les places de négoce des matières premières et ce, dès l'annonce de l'accord, commencent à se stabiliser en attendant les modalités de sa mise en œuvre. «Nous avons prévu l'installation d'un comité technique qui s'attèlera sur les modalités d'application de l'accord, quotas et calendrier, d'ici novembre prochain», a indiqué Mohammed Bin Saleh Al-Sada. Il a expliqué que «les membres de l'Opep ont préconisé un plafond flexible, entre 32,5 et 33 millions barils/jour, pour permettre à l'équipe technique de travailler à l'aise». En tout cas, les prix du Brent, s'ils ont dépassé par moments le seuil psychologique des 50 dollars hier dans les échanges de Londres, la forte hausse enregistrée mercredi a été freinée par la circonspection du ministre russe de l'Energie Alexandre Novak, cité par l'agence Interfax. Novak qui a dit que la décision de l'Opep était positive, a laissé entendre que la Russie attend les détails de cet accord avant de décider de tout gel de sa production. «Entre octobre et novembre, les pays membres de l'Opep vont travailler sur les paramètres concrets de leur proposition de réduction de la production de pétrole. Nous parlons de maintenir les niveaux (de production) qui ont été atteints. Mais savoir à quel niveau, c'est encore en discussion», a-t-il déclaré. Bref, si la décision de l'Opep n'est pas susceptible de faire remonter les prix à leur niveau d'avant juin 2014, elle va les stabiliser autour des 50 dollars en prévision des contrats de décembre pour livraison au printemps où, généralement, la demande ralentit à cause de la baisse de consommation de l'énergie pour le chauffage. Elle représente par ailleurs une victoire pour la diplomatie algérienne qui a pu, contre toute attente, rapprocher des points de vue aussi divergents que ceux de l'Arabie saoudite et de l'Iran, en les amenant à privilégier l'intérêt général. «L'organisation s'est réunifiée à la faveur de cet accord. C'est une décision extrêmement importante, prise à l'unanimité des membres, sans aucune réserve. Elle est collective et consensuelle», a souligné Noureddine Boutarfa. Mais, cet accord sauve surtout l'Opep de l'implosion. Après l'échec de la réunion de Doha, les membres de l'Opep avaient besoin d'afficher une certaine cohésion pour dire au monde que l'organisation tient à son rôle de régulateur qu'elle assure depuis sa création en 1960 pour pallier la baisse des prix du pétrole qui valait moins de 5 dollars à l'époque. Bouterfa y a cru jusqu'à la dernière minute «Nous avons besoin de montrer à l'industrie pétrolière et au monde que nous pouvons agir ensemble et dépasser les différends de nos pays.» C'est en ces termes que le ministre de l'Energie Noureddine Bouterfa s'est adressé à ses homologues de l'Opep dans son allocution d'ouverture des travaux de la réunion informelle tenue mercredi au Centre international des conférences de Club-des-Pins pour examiner les options de stabilisation du marché. Jusqu'à la dernière minute, et en dépit des divergences entre Iraniens et Saoudiens qui ont fait perdre près de deux dollars au baril à la veille de la réunion, Bouterfa est resté imperturbable. Le ministre de l'Energie, qui a été au cœur d'un intense ballet diplomatique qui s'est déroulé avant la réunion afin de rapprocher les points de vue et convaincre du bien-fondé de la démarche algérienne, a continué à afficher son optimisme avec assurance tout au long du 15e Forum international de l'énergie (IEF). Y compris quand le ministre iranien Bijan Namdar Zanganeh, partie prenante dans toute décision de limitation de l'offre sur le marché, affirmait qu'il n'y aurait pas de décision à Alger. «Les sessions du forum n'ont, en tout cas, pas été perturbées par ce qui se disait en dehors des salles», a commenté Bouterfa. Il avait déjà prévenu, lors de la conférence de presse qu'il a animée pour présenter le 15e IEF, que personne ne peut prédire l'issue de la réunion : «Tout se décide dans la réunion et la réunion informelle peut se transformer, séance tenante, en réunion extraordinaire pour formaliser un accord.» Et de souligner, à l'ouverture de la réunion informelle : «Nous avons fait tout ce qui nous est permis pour que cette réunion soit un succès. J'espère que quand nous sortirons de cette réunion nous serons en mesure de montrer au monde que nos Etats et l'Opep peuvent décider quand c'est nécessaire.» Ce fut ainsi un accord surprise au bout d'une réunion de six heures et d'âpres tractations et un premier coup d'éclat pour Bouterfa qui représente l'Algérie pour la première fois dans les réunions de l'Opep, trois mois après avoir intégré le gouvernement.