Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Privé partiellement des facultés de s'exprimer de vive voix, le président de la République recourt dorénavant aux plumes de ses conseillers chaque fois qu'il estime nécessaire de délivrer un message au pays. Or, quoi de mieux qu'une célébration nationale pour le faire de cette manière ? Celle qui prend prétexte des clairons patriotiques pour publier... un texte sur sa gouvernance afin de survoler l'ensemble des questions relatives au fonctionnement des institutions. L'exercice est en soi aisé dès lors que sa copie est servie sous la forme d'oracle. C'est ainsi qu'au-delà du fatras des considérations générales sans intérêt notable, l'on a tout de même relevé que les partis politiques font, cette fois-ci, l'objet d'un intérêt particulier qu'il n'a pas manqué de le souligner par une subtile mise en garde. Leur imputant, par anticipation, des velléités de nuisance, ne les a-t-il pas appelés implicitement à éviter les mots d'ordre électoraux déplaisants pour le régime tout en suggérant aux appareils acquis au régime (FLN et RND) des slogans pour cibler ceux qui transgresseraient cette «règle» ? A l'approche des rendez-vous électoraux de 2017, cette allusion présidentielle, paraphrasant la notion de «stabilité» ainsi que les fameux garde-fous pour l'imposer, s'adressait bel et bien aux membres de la CNLTD mais également à l'Instance (ISCO) qui inscrit manifestement son combat dans l'opposition claire et nette au régime. Alors que la tendance favorable à la participation électorale gagnait des partisans, voilà que le pouvoir y oppose certaines conditions dont celle de l'éthique qu'il ne cite pas clairement mais dont on devine qu'elle lui sera un levier efficace pour les censurer au cœur de la campagne. Sur le sujet des partis politiques, il fallait donc admettre que les convictions de Bouteflika n'avaient pas varié d'un iota depuis ses déclarations lors de sa première investiture. Les formations existantes, même les moins cotées à la bourse du compagnonnage, ne pouvaient ignorer que ce Président verrouillerait, un jour où l'autre, les libertés publiques en légiférant justement au nom de l'assainissement de la scène politique. A maintes reprises, il exposera en effet sa doctrine et bien qu'il le fit souvent d'une manière allusive, il n'eut cependant jamais dérogé à sa conception du parlementarisme en général et du rôle que les courants idéologiques doivent tenir en toutes circonstances. Tenant en piètre estime la «pluralité du désordre» (sic), n'avait-il pas été la personnalité la moins enthousiaste dans son appréciation des évènements d'Octobre 1988 ? Les qualifiant de «tournant tragique» qui n'eut pour conséquence que de mettre «en péril l'unité nationale», il en réfuta la paternité démocratique tout en admettant le fait qu'ils furent la clé de «l'ouverture» politique du pays. Imputant à la multiplicité des courants l'affaiblissement de l'Etat, qu'il assimile d'ailleurs allègrement au pouvoir d'un clan, il inspira dès son second mandat une série de dispositions restrictives allant toutes dans le sens du laminage du pluralisme. Or, il est toujours étonnant qu'il ait fallu attendre de la part de la classe politique plusieurs scrutins avant de constater les dégâts de la fraude et leur affaiblissement notoire. Car, une fois encore, ce sera à partir d'eux que s'accomplira la prochaine faute pour peu qu'ils soient à nouveau tentés par les peu glorieux marchandages autour de privilèges alors qu'ils devraient exiger du pouvoir de changer de mœurs en réhabilitant la sanction citoyenne en tant qu'unique source de la légitimité. Les convictions et la volonté du régime étant notoires, il est tout de même curieux que la classe politique puisse ignorer que dans ce domaine, le palais ne renoncera pas, pour des raisons de survie, au recadrage systématique de l'espace public et du champ politique. Au prétexte répétitif d'améliorer «la démocratie», voire de la rendre plus «lisible et crédible», il réactualisera cycliquement des concepts liberticides qui constituent une certaine doxa de l'unanimisme version parti unique. Car qui peut, en 2016, et après quatre mandatures, prêter à ce pouvoir le moindre désir sincère de requalifier, dans le sens positif, les principes de la confrontation idéologique et de l'alternance? Combien de fois la classe politique s'est dite positivement satisfaite de la transparence des votes ? En vérité, la totalité des oukases réglementaires dont se plaignent en permanence les partis visent à interdire la règle du choix et pas seulement. C'est qu'en aval, les «grands soirs» de tous les scrutins se sont généralement soldés par des lendemains de gueule de bois pour l'opposition. Et pour cause, il existe aussi le mauvais génie de l'administration. De la même manière quand il agissait sur les mécanismes électoraux, il se donna parallèlement les moyens légaux pour dissoudre progressivement l'opposition farouche et rendre «hors-la-loi» toutes les chapelles qui appellent au changement du régime et usent du boycott des élections comme l'expression de leur défiance. Foulant aux pieds les libertés politiques en décrétant que l'abstentionnisme sera sanctionné par des interdictions d'exercer et de postuler par la suite, ne laisse-t-il pas entendre qu'il ne saurait y avoir des libertés légales que celles octroyées et rétribuées par l'administration ? Pis encore, au moment où il prétend avoir résolu la question de l'intangibilité de la valeur d'un bulletin de vote, il se substitue à l'autorité des urnes en créant, pour son confort politique, des critères d'existence aux partis. Or, comment peut-on passer sous silence cette menace alors qu'une bonne démocratie est celle où les partis naissent librement puis conquièrent des notoriétés électives ou parfois disparaissent lorsqu'ils sont disqualifiés par la seule volonté des urnes et rien d'autre ? Dire qu'il y a matière à débat dans la sphère partisane avant de se prononcer simplement sur une proposition relative à un rendez-vous ponctuel signifie aussi qu'il y aurait plus à perdre qu'à gagner en adhérant aux gages du pouvoir. En feignant de parapher une nouvelle démocratie grâce à l'exégèse qu'il en a fait des récents amendements de la Constitution, il espère faire participer le plus grand nombre de formations à la prochaine messe électorale en vue d'une future relégitimation. L'on aura compris qu'il s'agit de 2019. La voilà donc la date fatidique dont parle déjà le nouveau docteur Folamour placé à la tête du FLN.