Avec la d�mocratisation du t�l�phone portable, les taxiphones sont-ils en train de tomber en d�su�tude ? Pas si s�r, lorsqu�on voit le rythme effr�n� avec lequel ces KMS (kiosque multi-services) naissent � chaque coin de rue. Depuis quelque temps, ces commerces de proximit� offrent d�autres prestations de services : vente de cartes t�l�phoniques, recharge flexy... �All�, piti� ! rendez- moi juste mes papiers. Vous pouvez garder le portable !� supplie d�sesp�r�ment cette jeune fille l�individu qui vient de lui arracher son sac alors qu�elle marchait tranquillement dans la rue. Nous sommes dans un taxiphone de la rue Boulehdour, � deux pas de la rue Hassiba Ben Bouali. �Il ne se passe pas un jour sans qu�une femme � qui en vient de subtiliser le portable d�boule dans ce taxiphone, � moiti� affol�e, pour essayer de joindre son agresseur�, nous confie Abdelaziz, le g�rant. Ce genre de KMS sert �galement � �a : tenter d�entrer en contact avec les voleurs � la tire pour tenter de leur faire entendre raison. Mais pas seulement. Joindre un correspondant sur un t�l�phone fixe, acheter une recharge t�l�phonique, effectuer un flexy, photocopier un document ou envoyer un fax sont autant de motifs pour s�engouffrer dans un KMS. Des commerces qui pullulent, � tel point qu�il existe des ruelles o� il y a jusqu�� trois taxiphones ! �Avant qu�un concurrent n�ouvre ses portes juste � c�t� de notre commerce, nous faisions un meilleur chiffre d�affaires�, regrette Abdelaziz. Ici, les cabines murales ont �t� r�cemment �quip�es de compteurs individuels install�s par un op�rateur t�l�phonique priv� ayant le vent en poupe actuellement. �Parlez plus, d�pensez moins�, stipulent des autocollants rouge et jaune placard�s sur les murs. �La marge b�n�ficiaire est plus int�ressante pour les propri�taires de taxiphones�, assure Abdelaziz. �De plus, le co�t de la communication est moins cher, notamment vers le m�me op�rateur (10 DA la minute). La tarification au compteur est calcul�e � la seconde. Elle est de 13 DA vers les autres op�rateurs �, ajoute-t-il. Un client s�avance vers la caisse pour r�gler le prix de sa communication : �L�installation de ce genre de compteurs a �t� accueillie avec soulagement par les consommateurs que nous sommes�, dit-il. �Avant leur existence, nous avions parfois de mauvaises surprises au moment de mettre la main � la poche... Le compteur est un gage de confiance entre le commer�ant et le client. � Des cigarettes, des confiseries, des piles et des cartes t�l�phoniques sont expos�es pr�s de la caisse. �Nous gagnons entre 5 et 20 DA sur chaque carte vendue. Cela d�pend des op�rateurs�, nous r�v�le le g�rant. Tout en palabrant, de nombreux clients se pr�sentent pour effectuer un flexy. Pour ce service cens� �tre gratuit, le g�rant pr�l�ve 10 DA � chaque op�ration. Cette pratique non r�glementaire est appliqu�e dans la quasi-totalit� des taxiphones visit�s. Sur le mur, on peut lire sur un �criteau : �La maison ne fait plus de cr�dit.� Abdelaziz nous sort un registre. �Regardez, cette longue liste. Ce sont les mauvais payeurs !� lance-t-il. En l�absence de cabines qui ferment, des bribes de conversations parviennent au g�rant � longueur de journ�e. ��a oui ! Je ne m�ennuie jamais�, commente- t-il, l�air enjou�. �De l�amoureux transi qui passe des heures � roucouler avec sa dulcin�e, � la dispute conjugale houleuse, en passant par les discussions un poil coquines entre copines, j�en entends de toutes les couleurs !� Et d�ajouter : �Le plus gros montant qu�a eu � d�bourser un client s��l�ve � 2 000 DA. Il a d� �ramer� avant de d�crocher un rendez-vous galant !� Autre quartier, autre taxiphone en face de la mosqu�e Errahma : un KMS minuscule aux murs habill�s de fa�ence bleue. Ici, le g�rant reste fid�le � l�op�rateur t�l�phonique historique. �Une communication effectu�e d�un fixe vers un autre fixe co�te 3 DA la minute, nous dit-il. Cela grimpe � 5 DA vers un portable !� Tout pr�s des t�l�phones, �quip�s l� aussi de compteurs individuels, est affich�e la liste des indicatifs t�l�phoniques en Alg�rie et � l��tranger. Lors de notre passage, nous remarquons que Samir, le g�rant, est sans cesse sollicit� pour effectuer des flexy. �Je veux un flexy de 200 DA�, demande une lyc�enne. A la question de savoir � quelle fr�quence elle recharge ses unit�s, elle nous r�pond avec une petite mine coupable : �Dans une heure, le compteur sera d�j� � z�ro. Je suis une vraie accro du t�l�phone cellulaire. Tout mon argent de poche y passe au grand dam de mes parents !� Une dame lui embo�te le pas. Ce sera 100 DA de flexy pour elle. �L�avantage ici c�est qu�on ne pr�l�ve pas 10 DA de commission, comme cela se fait ailleurs. Le flexy est une bonne invention. Avec la chert� de la vie, on peut mieux g�rer son budget !� nous confie-t-elle. Pour Samir, pr�lever 10 DA pour effectuer un flexy s�appelle du vol. �On a d�j� notre commission avec l�op�rateur. Pourquoi taper encore dans le porte-monnaie des clients ?�, soutient-il. Autre ph�nom�ne de soci�t�, le manque de discr�tion chez certains clients pendus au t�l�phone. �Ils crient tellement en parlant qu�on peut les entendre depuis la rue, sans parler de la g�ne occasionn�e aux autres clients.� Et d�ajouter : �Certaines personnes ne cachent pas leurs �motions. Rires, pleurs ou col�re � la r�ception d�une bonne ou mauvaise nouvelle sont �tal�s devant tout le monde donnant lieu � des situations des plus cocasses parfois !� Afin que leurs clients ne soient pas perturb�s, certains g�rants ont opt� pour l�installation de cabines individuelles. ` C�est le cas de ce taxiphone, non loin de la rue Didouche- Mourad. �Je fais un d�tour par ces cabines lorsque je d�sire communiquer en toute intimit�, nous r�v�le un client. Une cabine pour les appels vers l��tranger ainsi que pour les urgences a �t� am�nag�e. G�rer un taxiphone nourrit-t-il son homme ? Selon le caissier, les KMS ne font plus recette. �La g�n�ralisation du t�l�phone portable y est pour quelque chose. C�est pourquoi nous offrons d�autres services�, nous dit-il. Dans ce taxiphone, une note � l�adresse des clients attire notre attention : tout appel vers un appareil � r�pondeur automatique occup� o� � partir de la quatri�me sonnerie est payant. Un manque � gagner qui pousserait jusqu�� la malhonn�tet� ? A l��re de la communication � outrance, les taxiphones ont encore de beaux jours devant eux !