Dans un pays o� la lecture ne constitue pas, de toute �vidence, une priorit� pour les pouvoirs publics, Casbah �ditions se distingue par l'effort inlassable de promotion qu�elle d�ploie en faveur de l'acc�s des Alg�riens � la litt�rature universelle. Cette maison d��dition r�ussit, aujourd�hui, un bel exploit en ramenant en Alg�rie le c�l�bre romancier �gyptien Ala� El Aswany, que la notori�t� situe d�j� parmi les h�ritiers spirituels du d�funt prix Nobel de litt�rature Naguib Mahfouz. Les lecteurs alg�riens � ils sont foule malgr� l'indisponibilit� de la mati�re �vont se r�galer de ce s�jour � Alger du romancier �gyptien car le programme promet d'�tre des plus passionnants. Des rencontres sont pr�vues avec les chroniqueurs de la presse nationale tant arabophone que francophone. Les lecteurs des quotidiens Echourouk El Youmi et Libert� auront, par ailleurs, le privil�ge de rencontrer le romancier aux si�ges respectifs des deux quotidiens. L'association El Djahidhia recevra �galement le romancier dans le cadre d�une rencontre avec des �crivains alg�riens. Echouroukorganisera, pour sa part, un d�ner-d�bat avec Ala� El Aswany sur le th�me �Litt�rature �gyptienne contemporaine, �tat des lieux�. Une s�ance de d�dicaces se d�roulera, enfin, � la librairie du Tiers-Monde, tandis que la projection du film Immeuble Yacoubian, tir� du roman du m�me nom, est au programme. Rappelons que le romancier Ala� El Aswany est le fils d�Abbas El Aswany, avocat et �crivain bien connu dans Le Caire des ann�es 1950. N� en 1957 au c�ur du Caire, Ala� El Aswany �volue, au cours de son enfance, dans une ambiance familiale enti�rement d�volue � la politique et � la litt�rature. Fortement encourag� par son p�re, son �ma�tre de litt�rature�, affirme-t-il, il se passionne pour les grandes �uvres litt�raires. Il se lance, d�s 1976, dans l�aventure de l��criture tout en poursuivant ses �tudes secondaires au lyc�e fran�ais du Caire, puis sup�rieures � Chicago, de 1984 � 1987. Sa production de base est en arabe. Mais Ala� El Aswany manie aussi bien le fran�ais, l�anglais que l�espagnol. Il m�ne de front trois vies tr�pidantes, romancier, militant politique et dentiste. Il d�bute sa carri�re litt�raire en 1990, avec deux recueils de nouvelles Nirane Sadiqua. En 2002, il publie Immeuble Yacoubian qui s'est r�v�l� un m�morable best-seller. En 1997, la publication de Chicago rencontre un �gal succ�s. A son retour d'Am�rique, en 1983, Ala� El Aswany est contraint de publier � compte d'auteur ses premiers livres que refusait l'establishment. C'est le miracle du roman Immeuble Yacoubian, publi� chez un petit �diteur courageux, qui propulse Ala� Al Aswany sur la sc�ne �gyptienne, puis arabe et internationale. Le bouche-�-oreille, ing�nieux outil de communication du peuple, met le livre, totalement, sur orbite. Il s�en suit un raz-de-mar�e. Dans Immeuble Yacoubian, Ala� El-Aswany, qui dresse une galerie de portraits r�alistes lance, en fait, un plaidoyer contre les plaies de la soci�t� �gyptienne contemporaine sans s�embarrasser, au demeurant, de tabous. Les personnages du roman offrent une impressionnante galerie de portraits. Taha, le jeune homme gagn� � l�islamisme, Hatem, le journaliste homosexuel, Azzam, l�homme d�affaires corrompu, Boussa�na, la jeune femme au mariage porteur d'espoirs avec Zaki Bey Dessouki � ce personnage attachant m�me p�tri de nostalgie cosmopolite. �Ces personnages, affirme le romancier, sont le miroir d�une soci�t� complexe et divis�e qui doit faire ses comptes avec deux �normes probl�mes, l�absence de d�mocratie et la grande richesse concentr�e chez un petit noyau.� Dans Chicago, Ala� El Aswany s�engouffre dans une ville am�ricaine qu�il a connue durant sa vie d'�tudiant. Il y raconte les tribulations d�une communaut� de chercheurs �gyptiens � Chicago � travers, notamment, les m�saventures et le d�sarroi de Che�ma� Muhammedi, jeune �tudiante en m�decine d�barqu�e depuis peu de Tanta, bourgade �gyptienne. Une fois encore, l�unit� de lieu qui est un �l�ment essentiel du roman, n�a pas �t� choisie au hasard. Ainsi, Che�ma� Muhammedi se retrouve brusquement propuls�e dans le monde fr�n�tique et individualiste d�une m�gapole qui, avant Los Angeles, a repr�sent� l�extr�me limite occidentale. Pour le romancier, Chicago est aussi l'occasion de se jouer des mythes et des r�alit�s non sans ironie. Il renverse, en les croisant, regards orientalistes et occidentalistes. �L�orientalisme est un sujet qui m�int�resse, dit-il, surtout parce qu�il permet de creuser les raisons des pr�judices et des malentendus qui existent chez nous, Arabes, mais aussi en Occident.� C'est le r�alisateur Marwan Hamed qui a adapt�, avec succ�s, Immeuble Yacoubian au cin�ma. Ce film r�alis� en 2006 a connu un grand succ�s, tant dans le monde arabe qu'en Europe. Malgr� sa longueur � plus de trois heures �, il a �t� une r�ussite, d'autant que les r�les sont admirablement interpr�t�s par une pl�iade d�acteurs �gyptiens dont l�in�galable Adel Imam dans le r�le de Zaki Bey. Ce film poursuit sa trajectoire � travers le DVD. �Le film, estime le r�alisateur, est tr�s fort, totalement r�aliste, contrairement � 99% des films �gyptiens de cette d�cennie.� Ala� El Aswany, disions-nous, est rest� tr�s attach� � son m�tier de dentiste. C'est, sans doute, pour respecter le conseil judicieux de son p�re, homme de lettres et avocat : �Jamais tu ne pourras vivre de ta plume. Fais de la litt�rature ta pr�occupation premi�re, mais trouve-toi un travail. � D�autres raisons ont pouss�, cependant, Ala� El Aswany � conserver son activit� professionnelle : �Mon cabinet, raconte-t-il, est une fen�tre ouverte sur les gens. Ils me parlent et j'ai besoin d'eux (�) Le fait que je sois dentiste m'aide beaucoup et me sert �norm�ment dans le d�cryptage de cette soci�t� r�elle.� L'�criture dans les romans d�Ala� El Aswany est nourrie d'�motions. Ses livres fusent au saut du lit, avant m�me qu'il n�eut enfil� sa blouse verte pour devenir �le bon docteur Ala�, comme l'appellent ses patients. Il admet, volontiers, que La Bruy�re est son mod�le en mati�re d'�criture. �C'est � travers ses Caract�res que j'ai vu pour la premi�re fois que l'on peut dessiner un visage avec les mots. Un roman, c'est une vie sur le papier qui ressemble � notre vie quotidienne mais qui est plus profonde, plus signifiante et plus belle�, dit-il. Mais Ala� El Aswany n�est pas, seulement, romancier. Lui, qui se r�clame ostensiblement de l�h�ritage du leader disparu Djamal Abdenasser, milite activement dans le mouvement d�opposition Kifaya dont il est membre fondateur. �L'engagement de l'intellectuel est un devoir permanent, affirme-t- il. Il n'est pas possible de profiter des plaisirs de la vie en oubliant son devoir vis-�-vis de son peuple. � Engag� dans la vie politique, il contribue r�guli�rement par ses chroniques cinglantes au dynamisme politique des journaux d'opposition : �Chez nous, affirme-t-il, la dictature est une maladie dont la complication est le danger islamiste, r�sultat de la pauvret�, de la corruption et de l'injustice. � Soulignons que le romancier qui ne cache pas son adoration pour la R�volution alg�rienne rencontrera, au cours de son s�jour et au c�ur de La Casbah, des h�ro�nes de la guerre de Lib�ration nationale. Son amour de l'Alg�rie n'est pas feint. Le ton de sinc�rit� est perceptible lorsqu'il fait �tat de son admiration pour Mouloud Feraoun, d�couvert � travers Le fils du pauvre : �J�ai d�couvert un tr�s grand romancier, un ma�tre de la litt�rature, pr�matur�ment disparu�� C'est � l'honneur de Casbah �ditions que de permettre au public alg�rien de conna�tre une forme vivante et combien attrayante de la litt�rature arabe contemporaine. Quel bonheur de rencontrer, � travers Ala� El Aswany, un intellectuel arabe chez qui le cheminement laborieux de l'histoire, en ces temps bien incertains, ne provoque ni une r�signation m�canique � l�ordre �tabli ni un �crasement de la volont� face au poids pesant des choses. Faut-il s'�tonner que l'avenir n'inqui�te point Ala� El Aswany. �Un jour, dit-il, les dictatures arabes dispara�tront et les bons romans resteront.� La peur, dites-vous ? Voici ce qu'en pense Ala� El Aswany : �Quand j'�cris, je n'ai plus peur de rien. L'�criture et la peur sont contradictoires. On ne peut pas �crire et calculer.�