Boumediene est-il encore un rep�re de notre v�cu national ou seulement un de ses avatars ? Trente ann�es apr�s sa disparition, demeure-t- il une r�f�rence ou, � l�inverse, un accident qu�il faut oblit�rer ? Pour le r�gime actuel, qui, lui, doit pourtant l�essentiel de son histoire, la question fut tranch�e en 2005 quand il gomma des c�l�brations officielles ce �18 brumaire� alg�rien qui co�ncidait avec notre 19 Juin 1965. L�ex�g�se � l�origine de cette rectification n�est pas contestable en soi sauf qu�elle ne devait surtout pas s�accompagner d�un enfouissement aussi forcen� de l��uvre ou des m�faits d�un homme d�Etat ayant marqu� les deux premi�res d�cennies de ce pays. A moins de croire, comme les Orientaux, que le za�misme est le fait de la providence seule, l�histoire et les hommes qui l�ont faite ne doivent alors jamais �tre �voqu�es pour �clairer le pr�sent. Aujourd�hui, nous sommes dans ce cas de figure. Le �bouteflikisme� proc�de justement de la culture de la n�gation. Celle qui fait table rase des origines de son �mergence et s�efforce de r��crire, � son avantage exclusif, le pass� r�cent de la nation. Ceci expliquant cela, voil� pourquoi en l�an de gr�ce 2008, nul cacique du pouvoir n�ose s�aventurer � rendre hommage au burnous sous lequel il a �t� accouch�. Il est vrai que l�immoralit� politique r�fute, par-dessus tout, les reliques du souvenir qui interpellent. Comme on le sait, le moteur de tout pouvoir est d�abord l�amn�sie. Il n�est, par cons�quent, pas judicieux de s�appesantir sur les connivences et les compagnonnages d�avant-hier. Ainsi, contre l�oubli d�cr�t�, seuls les historiens et les m�morialistes r�sistent. En conscience, c�est-�-dire en examinant avec le maximum d�objectivit� le parcours du personnage. Les premiers revisitent les 13 ann�es de son pouvoir, quand les seconds se contentent de trouver les meilleurs reliefs pour le c�l�brer. Qu�importent les contradictions qui ne manqueront pas dans les t�moignages de ces notaires de la m�moire, leur m�rite moral est tout entier dans le fait qu�ils s�opposent aux confiscations et � la chape du silence. Cela �tant dit, qu�y a-t-il de si compromettant dans la trajectoire de Boumediene jusqu�� lui valoir cette rel�gation m�morielle ? La question n�aurait pas �t� pos�e sous cette forme si elle �tait adress�e � un personnel politique autre que celui qui nous dirige. Or celui-ci, dont la filiation est notoire, demeure le dernier d�positaire de cette ascendance. R�cemment, l�ex-pr�sident Bendjedid s�en est expliqu� en quelques mots. Il a parl� des sources de sa l�gitimit� pass�e qui devait plus aux arcanes du s�rail qu�� la volont� des urnes populaires. Aujourd�hui, Bouteflika a tout le loisir d�ironiser sur ces pratiques peu rago�tantes, lui qui par deux fois s�est fait fort d�avoir conquis, cette l�gitimit�, par le pl�biscite. Autant dire que de tous les h�ritiers du syst�me, issu du putsch de 1965, il pouvait �tre le meilleur avocat de celui qui a parrain� sa carri�re. En dix ann�es, les occasions ne lui avaient pas manqu� pour d�montrer que cette dictature originelle s�est bonifi�e, gr�ce � lui et au fil des �preuves, en d�mocratie. Etonnamment, il s�en est abstenu, jusqu�� inoculer � la totalit� de l�appareil d�Etat une sorte de r�pugnance � la moindre comm�moration. Paradoxalement , Boumediene est devenu un tabou dans la sph�re officielle alors que son nom se d�cline dans l�opinion du pays comme la r�f�rence d�une dignit� nationale perdue. Comme le disait si bien un confr�re et ami : �Avec lui, en majuscule, l�Alg�rie avait un avenir.� Quand bien m�me la formule serait exag�r�ment romantique, elle refl�te n�anmoins un sentiment profond de respect, partag� par les strates sociales qui d�sesp�rent du r�gime actuel. Et c�est peut-�tre de cette crainte de la comparaison qu�est n�e la r�futation du pass�. Ne pas souffrir le moindre �talonnage d�un destin politique sauf celui d��tre le �recordman� dans la conservation du pouvoir est, � la fois, une pr�occupation cardinale et une pr�disposition intellectuelle de notre pr�sident. Etant sa propre norme, comment pouvait- il autoriser, tout au long de ses deux mandats, que l�on fasse des parall�les ? M�me si, explicitement, rien n�interdisait que des s�minaires annuels se tiennent les 27 d�cembre en m�moire de Boumediene, le travail de dissuasion en direction des associations a fini par avoir raison de ces symposiums qui faisaient de l�ombre. Ce n�est donc pas l��rosion du temps qui, elle seule, a renvoy� Boumediene dans les archives des historiens. Il y a �galement de nombreuses arri�re-pens�e politiques qui ont placard� son nom. S�rement.