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AFFAIRE DU COLONEL MOHAMED CHABANI
Lettre de Djeraba � Ben Bella
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 05 - 2009

�Si nous venions � tomber au champ d�honneur, racontez-nous, et dites ce que nous f�mes.�
Didouche Mourad
�Si j�avais faut�, alors j�ai suffisamment pay� et si j��tais innocent, alors je leur pardonne.�
Ahmed Ben Bella
Par Mohamed Djeraba
Monsieur le Pr�sident,
La pr�sente adresse vous est particuli�rement et personnellement destin�s, pour ce que vous f�tes et ce que vous �tes. En cons�quence, elle ne peut absolument pas �tre l�expression d�un comportement politicien ou m�me politique de ma part. Qui mieux que vous peut la comprendre, l�accepter et donc y r�pondre ? Par ailleurs, peut-on s�ins�rer dans un cadre, une ambiance plus favorable, plus pertinente que celle que nous vivons, celle de la R�conciliation nationale, v�ritable manne divine ? Assur�ment non !
Monsieur le Pr�sident,
Vous avez connu presque tous les grands de ce monde au si�cle dernier. Vous avez v�cu, d�une mani�re ou d�une autre, tous les grands moments ayant jalonn� ce si�cle, moments heureux, moments dramatiques, mais aussi moments d�cisifs tant pour vous que pour les causes que vous d�fendiez et que vous d�fendez toujours. Nous e�mes la chance et l�honneur de partager quelques grands �v�nements et des moments privil�gi�s. En vous destinant cette adresse, j�exprime ma profonde conviction relative � votre statut pass� et pr�sent, conviction partag�e et affirm�e tant nationalement qu�internationalement. Et s�il fallait le prouver, il n�y a qu�� se r�f�rer au statut que vous a conf�r� l�Union africaine en vous d�signant comme sage parmi les sages de notre continent. C�est l� assur�ment un tr�s rare privil�ge accord� � votre personne et subs�quemment � notre Alg�rie. Vous �tes l�un des rares membres fondateurs de l�OUA auxquels Dieu pr�te encore vie et Qu�il agr�e d�en vous pr�ter davantage. Vous �tes encore, malgr� le poids des ans et des vicissitudes de la vie politique et de la vie tout court, un militant actif des causes justes comme le prouve votre engagement pour la promotion de la R�conciliation nationale. Mon adresse � vous concerne le martyr Mohamed Chabani, ce jeune colonel de la glorieuse ALN puis de l�ANP et membre du bureau politique du FLN, au lendemain de l�ind�pendance. Je tiens tout de suite � pr�ciser que mon propos ne s�inscrit nullement comme une tentative de demander la r�vision du proc�s qui lui fut intent� et encore moins le proc�s de son proc�s. Ce jeune patriote p�tri de valeurs arabo-musulmanes, profond�ment et �g�n�tiquement� attach� � sa terre alg�rienne n�a gu�re besoin d�une telle d�marche d�o� qu�elle vienne. Il n�est nullement dans mon intention d�en faire le Dreyfus alg�rien et, pour moi, de m�inspirer d�Emile Zola. Non, je n�accuse point qui que ce soit ni quoi que ce soit. Certes Mohamed Chabani a �t� r�habilit� en quelque sorte par la baptisation d�une rue alg�roise bien en vue de son nom bien que le d�ni demeure cependant, ces derni�res ann�es quelques voix ont tent� de �d�terrer� l�affaire Chabani pour des consid�rations qui ne sont malheureusement pas toutes innocentes, mais h�las ! je me suis abstenu de m�y associer ou d�y participer. Ma d�marche exprime un profond sentiment. Elle se veut pour l�histoire, entendue dans son acception la plus noble et d�finie comme moment privil�gi� d�hier, d�aujourd�hui et de demain. Nous n�avons plus l��ge ni la volont� d�instrumentaliser qui que ce soit ou quoi que ce soit.
Monsieur le Pr�sident,
Vous conviendrez ais�ment et indubitablement avec moi que les jeunes historiens d�aujourd�hui et que les futurs historiens �prouveront d�immenses difficult�s � appr�hender l�histoire de Mohamed Chabani. Ils sauront ce que fut Mohamed Chabani : l�un parmi les plus jeunes officiers (colonel) de l�ALN puis de l�ANP, l�un des plus jeunes responsables politiques alg�riens (membres du bureau politique du FLN). Ils sauront �galement qu�il fut le seul officier sup�rieur de l'ANP et membre de l��tatmajor g�n�ral � �tre ex�cut� depuis l�ind�pendance jusqu�� nos jours. Ils se demanderont fatalement comment et pourquoi, et orienteront leurs pr�occupations � d�terminer les auteurs et les circonstances de ce cas. Leur d�marche, bien que fondamentalement acad�mique, ne peut valablement aboutir. Ils verseront alors dans le moule du �dreyfusionnisme � d�bouchant sur une division des th�ses, �pousant, selon le cas, des d�marches partisanes �bipolaris�es � : les �prochabanistes� et les �anti-chabanistes�. Le �chabanisme �, v�ritable cr�ation et vue de l�esprit, leur servira d�assise �politico- id�ologique� d�nu�e de tout fondement mais s�inscrivant dans la suite et le prolongement des �historiettes courri�ristes� qui obnubileront les esprits des nouvelles g�n�rations.
Monsieur le Pr�sident,
Je reste convaincu que notre g�n�ration et que tous les militants et patriotes sinc�res, dont vous avez constitu� l�avant-garde, n�accepteront jamais de telles issues et conclusions h�tives et surtout erron�es. La voix et le choix de la R�conciliation nationale nous offrent l�opportunit� de nous r�concilier avec notre pass�, de nous r�concilier entre nous, de nous r�concilier avec ce que nous avons fait, avec ce que nous f�mes. Ce sera alors la r�ponse dans toute sa pl�nitude � l�appel du Premier Novembre 1954 et aux attentes des g�n�rations pr�sentes et futures. Il nous appartient urgemment de donner le sens originel de notre guerre de Lib�ration et de notre r�volution en assumant toutes les donn�es sans avoir � en rougir. Elles sont le produit d��tres humains qui ne sont ni anges ni d�mons.
Monsieur le Pr�sident,
Vous avez �t� le premier pr�sident de la R�publique alg�rienne d�mocratique et populaire, le sage parmi les sages de l�Afrique contemporaine, ce continent qualifi� de berceau de l�humanit� et le symbole de la sagesse, le fervent d�fenseur de la R�conciliation nationale � laquelle vous avez donn� votre empreinte en acceptant d�inscrire votre parcours personnel, dans son int�gralit�, dans cette optique. Vous avez banni de votre c�ur tout sentiment de revanche ou d�accusation. C�est pour toutes ces raisons que les militants et patriotes sinc�res sont en droit de vous destiner cette adresse en vous demandant simplement de signifier, de dire, au nom de l�Etat alg�rien, la faute, l�erreur de celui-ci dans la conduite et le traitement du �cas� Chabani. Nul ne demande la d�signation des auteurs ou protagonistes ayant pr�sid� �l�affaire Chabani�, si m�me ils n��prouvent aucun regret et ne reconnaissent aucune faute. Personnellement, je n�aime gu�re ce qualificatif (affaire) et je ne l�utilise que par d�faut et faute d�autre chose dans l�appareil terminologique politique en vigueur. Dans le pr�sent cas, il n�y a ni coupable ni accus�. L�ex�cution de Chabani incombe � l�Etat alg�rien dans toute sa pl�nitude, laquelle refuse d��tre r�ductible � une personne ou un groupe de personnes. Ce m�me Etat ne peut �tre aucunement coupable mais il est assur�ment responsable. Vous f�tes le pr�sident de la R�publique et � ce titre son principal d�fenseur. Alors, exprimez clairement votre droit et accomplissez votre devoir en instituant moralement la reconnaissance de l�erreur, de la faute de cet Etat, pour l�histoire, pour le droit des g�n�rations pr�sentes et futures � la connaissance de ce que furent leurs a�n�s.
Monsieur le Pr�sident,
Je ne peux clore la pr�sente adresse qu�en me r�f�rant � un hadith du Proph�te Mohamed (QSSL) : �� ! Grand Dieu, tu es mon Seigneur. Tu m�as cr�� et je suis Ton esclave. Je suis soumis � Tes promesses et � Tes engagements. Je me r�fugie aupr�s de Toi contre le mal que j�ai commis. Je reconnais les bienfaits dont Tu m�as combl�. Je reconnais aussi mes p�ch�s, Pardonne-moi car nul autre que Toi n�absout les p�ch�s.� (rapport� par Al Bukhari). Veuillez agr�er, Monsieur le Pr�sident, l�expression de ma fraternelle et sinc�re consid�ration.


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