Dans le huis clos du Parlement o� Ziari et Hanoune font semblant de pol�miquer, le Premier ministre s�est invit� en sa qualit� de porteur de la parole officielle. Vieil habitu� de cette tribune et ses fant�mes qui peuplent l�h�micycle, Ouyahia est d�cid�ment sublime dans ce r�le-l�. Plus d�une fois, il a eu � le tenir sans craindre le moindre d�saveu. C�est que de part et d�autre, l�on a �t�, de tout temps, consensuels sur l�essentiel. A lui de p�rorer et � eux de mimer la critique avant de s�incliner par discipline. En r�sum�, la repr�sentation nationale ne tient pas � censurer un programme tout comme le Premier ministre ne souhaite pas s��carter de la langue de bois dont il a seulement affin� quelques vocables au fil de l�usage. Il est assur�ment notre Talleyrand national qui, selon Ch�teaubriand �consacra sa vie � changer de ma�tre comme on change de domestique�. Passant par toutes les servitudes, il a pu s�acoquiner avec tous les r�gimes. Une r�putation � la fois redoutable et ridicule. De Zeroual � Bouteflika, il a d�j� travers� quatorze ann�es au sommet du pouvoir sans qu�� aucun moment, il ne lui vint l�id�e de se mettre en r�serve pour un autre destin et avec une autre image. Sa f�cheuse �disponibilit� �, lui valant plus d�ennemis que de partisans, ne semble pas l�inqui�ter outre mesure. Passant de la proximit� du g�n�ral Betchine � celle de Zerhouni, il s�accommodera de toutes les feuilles de route qu�on lui imposa. Hier �radicateur intransigeant et de nos jours plaideur p�nitent de l�amnistie, il n�a en guise de rectitude politique que celle de la girouette. Un Premier ministre p�tri dans cette p�te ne peut que s��panouir dans le bouteflikisme triomphant. Lui qui ne croit pas un tra�tre mot de ce qu�il dit ne prend-il pas un infini plaisir � soudoyer justement une Assembl�e suppos�e pluraliste ? C�est que ce Talleyrand des tropiques poss�de une perspicacit� hors du commun. Il sait que dans cet h�micycle qui lui fait face, ne si�gent que de petites ambitions toutes pr�tes � solder leurs propres chapelles afin de conserver de mis�rables maroquins. Ah ! ce pluralisme parlementaire au rabais. Tout ce qu�il y a de plus n�gatif dans ce qu�il est advenu � nos libert�s publiques. C�est que les partis politiques portent d�j� les stigmates de l��chec. L�opinion, que l�on croit pouvoir tromper, ne s�abuse que rarement � leur sujet. Les percevant comme un non-sens d�mocratique, elle leur pr�f�re la d�sob�issance passive � leur offre de relais. Tous ces appareils ne sont d�sormais per�us que comme des ponctuelles sources de promotions en saisons �lectorales. Sans plus. Il est vrai que la plupart d�entre eux sont n�s d�un malentendu historique. Un d�tournement du grand mouvement social amorc� en 1988. Depuis, ils ne purent survivre qu�avec la complicit� du syst�me et ne b�n�fici�rent de la visibilit� que gr�ce � un Etat de non-droit et � l�ombre des situations d�exception. Qu�est-ce � dire si ce n�est que lorsque les libert�s publiques devinrent une source de marchandage ils se trouv�rent en premi�re ligne pour les n�gocier au lieu de r�sister et les d�fendre dans leur globalit�. In fine, ils particip�rent implicitement � leur restriction ! A la dissidence l�gale, qui n��tait possible qu�� travers le boycott des scrutins, ils privil�gi�rent le d�sastreux �participationnisme � sous pr�texte de r�former le syst�me de l�int�rieur. La compromission que souhaitait justement ce dernier. Ainsi, chaque fois qu�ils ont accompagn� celui-ci dans ses sc�narios de recomposition des institutions, ils ont justement b�n�fici� d�un retour d�ascenseur au nom d�une mensong�re consolidation de la d�mocratie. Aujourd�hui, les partis (du moins ceux qui si�gent au Parlement) d�couvrent l�impasse dans laquelle ils se sont fourvoy�s. Perdant sur tous les fronts, ils se sont ali�n�s les couches sociales qui pariaient sur leur contrepoids et ne r�colt�rent que le m�pris du r�gime comme en attestent les passes d�armes entre le PT et le pr�sident de l�APN. A juste titre, le pouvoir leur d�nie toute repr�sentativit� et par cons�quent toute voix au chapitre de la critique ; d�s l�instant o� lui-m�me est parvenu � les compromettre. Faux �lus sortis des urnes, ils sont dans leur totalit� consid�r�s comme les vrais mandataires du pouvoir vis-�-vis duquel ils ont plus que des devoirs. Plut�t des dettes qu�ils ne peuvent et doivent payer que par l�approbation. Une bonne raison pour ce Ouyahia- Talleyrand de plastronner devant eux avant de retourner � sa besogne d�intendant.