La communaut� baha�e est � nouveau sous le feu des projecteurs accusateurs en Egypte. Le baha�sme, pour les non-initi�s, est une doctrine religieuse d�riv�e de l'Islam et n�e en Iran au XIXe si�cle. Le baha�sme, durement r�prim� depuis son apparition, se donne pour mission d'unifier tous les peuples de la terre autour d'une m�me foi. Ce qui ne la diff�rencie pas fondamentalement des autres religions monoth�istes. Les baha�s �gyptiens, dont le nombre est �valu� � quelques milliers, vivaient dans une semi-clandestinit� en Egypte. Plus pr�cis�ment depuis que le pr�sident Nasser a pris l'initiative d'interdire leur culte en 1960. Seulement, l'ann�e derni�re, les autorit�s ont autoris� les membres de cette communaut� � faire figurer leur religion sur leur carte d'identit�(1). Ce que les baha�s ont interpr�t� comme une reconnaissance quasi officielle et une lev�e de l'interdiction prononc�e contre eux. Ils sont donc sortis au grand jour pour pratiquer leur culte et revendiquer le droit d'�tre aussi visibles que les deux autres religions de l'Egypte. Ils ont ainsi c�l�br� publiquement le 21 mars dernier, dans un village du Sud, une de leurs f�tes religieuses. Mal leur en a pris puisqu'ils ont attir� sur eux les foudres de la haine et de l'intol�rance. Depuis quelques semaines, ils ont subi des agressions physiques et des atteintes � leurs biens, conjugu�es � une campagne de presse hostile. A l'exception de quelques rares personnalit�s de l'opposition, peu de voix se sont �lev�es pour s'insurger contre ces harc�lements. Comme dans tous les pays arabes, les intellectuels �gyptiens h�sitent � s'engager dans la d�fense de causes � connotation religieuse. Si la minorit� copte poss�de, en effet, des plumes qui montent au cr�neau, les baha�s sont totalement d�munis. Et puis, qui aurait la t�m�rit� de proclamer son appartenance au baha�sme dans un pays o� l'exclusion et l'anath�me sont toujours hors du fourreau ?(2). C'est ainsi que les baha�s ont courb� le dos sous la temp�te, en priant pour qu'elle soit de courte dur�e. La r�ponse leur est parvenue ce samedi avec la publication par tous les journaux �gyptiens d'une nouvelle fatwa d'Al-Azhar enfon�ant davantage les baha�s dans la d�tresse. L'institution religieuse la plus prestigieuse, et la plus d�cri�e, vient encore de rogner son capital sympathie en encourageant l'intol�rance et en incitant ses ouailles � la violence. A quelques jours du discours historique que le pr�sident Obama doit prononcer au Caire, Al-Azhar se distingue. Le baha�sme, dit la fatwa, est �un mouvement sioniste au service d'int�r�ts et d'objectifs sionistes dans le monde. Il n'a absolument rien � voir avec les religions r�v�l�es et ses adeptes sont des �gar�s�. Ce mouvement, lit-on encore, ��uvre � r�pandre la d�pravation, la corruption et la destruction dans diverses r�gions du monde, en particulier dans les soci�t�s arabes et islamiques�. C'est � croire que les maux vis�s par �l'immacul�e � institution n'ont jamais exist� chez nous et que nous attendions tranquillement que les baha�s viennent nous les enseigner ! Cette fa�on de mettre de l'huile sur le feu illustre encore le caract�re n�faste des fatwas religieuses mal inspir�es et inopportunes. Or, ces �dits n�fastes � l'homme, comme le souligne l'�crivaine tunisienne Amal Grami, sont les plus r�pandus actuellement. Et ils sont autrement plus dangereux que les maux dont les baha�s sont suppos�s �tre les propagateurs. Dans la contribution tr�s int�ressante qu'elle publie sur le site du magazine Middle East Transparency, Amel Grami r�pertorie ainsi des dizaines de fatwas aussi nuisibles � l'homme que certains virus rares. Elle nous remet en m�moire quelques-unes des fatwas les plus connues mais en cite d'autres que je d�couvre pour la premi�re fois. Ainsi en est-il du pr�dicateur saoudien, Ghazi Chamari, qui propose �les cl�s du bonheur � aux couples musulmans, en s'inspirant de la �Maison du Proph�te�. Selon une de ces fatwas inspir�es, le comble du bonheur pour une �pouse serait de l�cher la bave coulant du mari de son seigneur et ma�tre. C'est un devoir conjugal, dit-il, et c'est une recommandation proph�tique. Un autre cheikh saoudien s'est distingu� par sa fatwa �l�galisant� le pillage des biens de la�cs et les atteintes � leur honneur et � l'honneur de leurs proches. Tout � fait clair, comme est d'une clart� aveuglante, la fatwa de la �cheikha� �gyptienne Souad Salah. Celle-ci propose, en effet, d'�liminer les d�viations sexuelles par la chimioth�rapie. Ainsi, on r�soudrait durablement les probl�mes que posent aux soci�t�s arabes et musulmanes les homosexuels. Amal Grami cite encore la fatwa proclamant que quiconque diffuserait le feuilleton turc Nour serait un �ennemi de Dieu et de son Proph�te�. Ce genre de s�rie servant � la diffusion des id�es la�ques. C'est l�, sans doute, un d�but de r�ponse � notre confr�re qui se demandait pourquoi l'ENTV ne diffusait plus les s�ries turques. L'�crivaine tunisienne note, enfin, que les fatwas n�fastes surpassent de loin les fatwas utiles, en raison de leur nombre et de la publicit� qui leur est faite par les m�dias. Ces fatwas dangereuses b�n�ficient d'une tr�s large audience sur les cha�nes satellitaires et touchent un public de plus en plus large. Evoquant, notamment, les fatwas de mort, Amal Grami les assimile � celles des �poques r�volues o� elles �taient imm�diatement ex�cutoires. Elle raconte ainsi le cas de Dja�d Ibnou Dirham contre lequel une fatwa l�galisant son meurtre avait �t� lanc�e. Le jour de la pri�re de l'A�d-Al- Adha, le gouverneur de Kouffa le convie � la pri�re traditionnelle. Apr�s le sermon d'usage, le gouverneur descend de la chaire, se dirige vers le malheureux et lui tranche la gorge d'une oreille � l'autre en disant : �Aujourd'hui, j'ai trouv� mon agneau � sacrifier !� Ces fatwas, instrumentalis�es essentiellement par les tenants de l'islam politique, portent atteinte non seulement aux personnes mais � l'Islam. Ainsi beaucoup de musulmans qui ont abjur� assimilent cette religion � une �p�e brandie au-dessus de leur t�te. A l'�tranger, ces fatwas sont utilis�es dans la guerre de propagande pour d�former l'image de l'Islam et des musulmans�, conclut Amal Grami. Autre image qui passe difficilement, celle de cet Alg�rien lib�r� de Guantanamo pour cause d'innocence. Lakhdar Boumedi�ne �tait, � peu pr�s, pr�sent sur tous les lieux, et au moment, o� �a br�lait. Pakistan, Afghanistan, Y�men, Bosnie d'o� il a �t� extrad� apr�s avoir �t� d�chu de sa nationalit�. Il proclame quand m�me son innocence et affirme qu'il n'a jamais �t� islamiste. Tout de m�me, ce hasard et ces co�ncidences... Difficile de croire que Lakhdar Boumedi�ne, Candide lib�r� de Guantanamo(3), se soit �chapp� du roman de Voltaire. A. H. (1) Voil� encore une des tares du syst�me institutionnel de l'Egypte qui �tablit une distinction entre ses citoyens sur la base de l'appartenance religieuse. (2) Pour �viter les conclusions h�tives, je pr�cise que je ne suis ni baha� ni sympathisant de cette doctrine, �tant hostile par inclination � me joindre aux foules mass�es sous la m�me banni�re. (3) C'est encore plus g�nant de voir des confr�res en remettre une couche avec des reportages larmoyants sur les malheurs subis par les proches de Lakhdar Boumedi�ne, et ce, au moment o� on comm�morait le sixi�me anniversaire de l'assassinat de Tahar Djaout par le futur syndicat des repentis.