Ancien correspondant du journal Le Monde en Alg�rie, Paul Balta est directeur honoraire du Centre d��tudes de l�Orient contemporain � la Sorbonne. Il vient de publier un livre Islam et Islamisme, gare aux amalgames, co�crit avec sa compagne Claudine Rulleau, �crivaine et journaliste. Ensemble, ils ont co�crit plusieurs ouvrages sur le monde arabe et la M�diterran�e. Dans cet entretien qu�il nous a accord�, il nous livre son analyse sur les �volutions g�opolitiques et la nouvelle menace d�Al- Qa�da qui trouve en Afrique une zone privil�gi�e pour se ramifier et se fortifier. Il estime s�agissant du conflit au Proche-Orient que les int�r�ts strat�giques de l�Europe sont menac�s par ce conflit et qu�elle devrait exiger qu�Isra�l applique les nombreuses r�solutions du Conseil de s�curit� de l�ONU sur l��vacuation des territoires occup�es. Entretien r�alis� par Fatma Haouari Le Soir d�Alg�rie : Dans votre dernier livre Islam et islamisme, gare aux amalgames co�crit avec Mme Claudine Rulleau, votre �pouse, vous faites le distinguo entre la religion musulmane et son instrumentalisation � des fins politiques. Pourquoi une telle mise au point ? Paul Balta : Sur environ 1,5 milliard de musulmans dans le monde, les int�gristes, en particulier les partisans d�Oussama Ben Laden, ne sont qu�une infime minorit�, mais par leurs clameurs et leurs violences, ils font du tort � la majorit�. C�est pourquoi, nous parlons dans notre livre de l�islamisme contre l�islam. Ils d�clarent la guerre aux juifs et aux crois�s, mais tr�s souvent, leurs principales victimes sont les musulmans. La plupart des non-musulmans ne connaissant pas cette religion font l�amalgame : pour eux les deux termes sont souvent synonymes. Ils rejettent donc en bloc tout ce qui concerne de pr�s ou de loin l�islam, voire le monde arabe. Alors qu�il y a des Arabes chr�tiens, beaucoup posent m�me l��quation : arabe = musulman = islamiste = terroriste. Les attentats du 11 septembre 2001 ont d�clench� l�islamophobie dans de nombreux pays occidentaux et l�ont intensifi�e l� o� elle se manifestait d�j�. En outre, les islamistes affirment d�fendre le vrai Islam, or dans presque tous les domaines leurs actions sont contraires au Coran, comme nous le d�montrons. Vous �voquez tout au d�but de votre livre les attentats du 11 septembre 2001, qu�est-ce qui a r�ellement chang� dans le monde apr�s ce triste �v�nement ? Avant de r�pondre, je rappelle qu�en 2001 les Etats-Unis ont �t� victimes d�un tragique retournement de l�histoire mais qu�ils y ont contribu� sans s�en rendre compte. En effet, au XXe si�cle leurs gouvernements successifs ont soutenu les Fr�res musulmans, matrice des mouvements islamistes dans le monde. Ils l�ont fait pour des raisons politiques et �conomiques car ils reprochaient aux chefs d�Etat et aux dirigeants nationalistes arabes d��tre la�cisants et de proc�der � des nationalisations contraires aux int�r�ts du capitalisme am�ricain. Leurs analyses erron�es de la situation g�opolitique du monde musulman se sont poursuivies. Les troupes sovi�tiques envahissent l�Afghanistan en 1979. Les Etats-Unis apportent un important soutien, y compris financier, � Ben Laden. L�islamisme leur paraissait moins dangereux que le communisme et l�URSS. Leurs services secrets l�ont m�me aid� � gagner l�Afghanistan. Ayant renforc� la formation des talibans puis cr�� Al-Qa�da en 1988, il a oblig� l�Arm�e rouge � se retirer en 1989. Washington a alors suspendu ses subventions et Ben Laden s�est veng�. Les attentats du 11 septembre sont l�attaque la plus violente jamais subie par les Am�ricains sur leur propre territoire (3 039 morts et des d�g�ts consid�rables).Ce qui a r�ellement chang�, c�est que, h�las, islamisme et islamophobie se sont depuis r�pandus. Vous distinguez entre l�Islam en Iran et celui du Maghreb, en quoi sont-ils diff�rents ? En Iran (1 648 200 km2) environ 90% des 70 millions d�habitants, en 2008, sont chiites de rite imamite. A ce titre, ils sont d�nonc�s par Ben Laden. La R�publique islamique, malgr� les exc�s de certains de ses dirigeants, est contre Al-Qa�da qui n�a pas r�ussi � y infiltrer des talibans ou des terroristes et elle lutte contre eux en Afghanistan et au Pakistan. Au Maghreb, les habitants sont sunnites et dans leur tr�s grande majorit� de rite mal�kite. Beaucoup de membres des mouvements islamistes maghr�bins qui se sont d�velopp�s dans les ann�es 1980 sont all�s se former et combattre en Afghanistan. Des n�gociations en 2006 entre compagnons de Ben Laden et ces mouvements ont abouti � la formation de l�AQMI, �Al Qa�da au Maghreb islamique�. Ne pensez-vous pas que l�islamophobie exacerb�e par les attentats du 11 septembre n�est qu�un pr�texte pour justifier les actions militaires comme l�invasion de l�Irak, qui est pourtant un pays la�que ? C�est effectivement un pr�texte. Il a servi aussi � masquer les graves erreurs strat�giques commises par le 46e pr�sident, George W. Bush, au cours de ses deux mandats de 2001 � 2009. C�est en particulier le cas pour l�Irak. Certes Saddam Hussein �tait un dictateur mais il avait fait de l�Irak, o� dominait l�analphab�tisme, le pays arabe le plus alphab�tis� avec le plus d�universitaires. Il avait d�fendu la la�cit� et les droits des femmes, prot�g� les chr�tiens, d�velopp� l�agriculture et l�industrie, restaur� des vestiges de la p�riode babylonienne. Le 19 mars 2003, les Etats- Unis ont d�clench� la guerre contre Saddam Hussein, accus� � tort de poss�der �des armes de destruction massive� et d��tre un partisan de Ben Laden alors qu�il en �tait l�ennemi. En 5 ans, ce conflit a favoris� l�introduction de groupes d�Al-Qa�da, a d�structur� le pays et fait plus d�un million de morts sur 26 millions d�Irakiens alors que 300 000 chiites et 170 000 Kurdes avaient �t� �limin�s par Saddam en 20 ans. Joseph Stiglitz, prix Nobel d��conomie 2001, soutient que le co�t de la guerre d�passait les 3 000 milliards de dollars � la fin 2007. Plus que la Seconde Guerre mondiale. Votre connaissance du monde arabe vous donne une bonne longueur d�avance sur les hommes politiques occidentaux qui cultivent une m�fiance due � leur m�connaissance de ce monde, faut-il repenser la politique ext�rieure de l�Europe et des Etats- Unis qui s�av�re �tre une politique d��chec ? J�ajoute les journalistes occidentaux qui, trop souvent, connaissant mal l�islam et ne contribuent gu�re � �viter les amalgames entre islam et islamisme. Pour l�Europe, la M�diterran�e a une importance strat�gique. Pour la France aussi dont la relation avec les Ottomans remonte � Fran�ois I. C�est le g�n�ral de Gaulle qui a d�fini la politique arabe de la France en 1967. A part Pompidou, ses successeurs n�y sont pas tr�s fid�les. En 1995, le Processus de Barcelone avait pos� les bases d�un dialogue, en particulier avec les Arabes, mais il a �t� en parti bloqu� par le conflit isra�lo-arabe. Il est grand temps que l�UE repense sa politique avec le monde arabe si elle veut que l�UPM r�ussisse. La politique des Etats-Unis a �t� � l��vidence un �chec depuis le milieu du XXe si�cle. Toutefois, Barack Obama a d�j� donn� des preuves de sa volont� d�innover et d��tablir de nouveaux rapports avec le monde arabe et les musulmans. Il a tendu une main � l�Iran et s�est montr� plus ferme � l��gard d�Isra�l. On parle souvent de terrorisme international mais on occulte le terrorisme d�Etat. On parle de celui exerc� par Isra�l sur les civils palestiniens avec la b�n�diction des Etats-Unis, les bombardements de Ghaza en sont la preuve irr�futable, ne pensez-vous pas que le paternalisme de l�Occident envers Isra�l conforte Ben Laden dans son entreprise meurtri�re car il se positionne comme le sauveur des opprim�s, ne faut-il pas rectifier le tir ? Comme les Etats-Unis avec Al-Qa�da, Isra�l a connu un retournement de l�histoire avec le Hamas. Les services secrets isra�liens l�avaient encourag� � se cr�er pour faire concurrence � l�Organisation de lib�ration de la Palestine de Yasser Arafat. Puis ils lui ont apport� leur soutien dans les ann�es 1970-1980 pour affaiblir l�OLP. Ils n�avaient pas pr�vu que le Hamas s�implanterait aussi fortement � Ghaza et que, le 26 janvier 2006, il remporterait d�mocratiquement les �lections l�gislatives avec 56% des suffrages. Ces rudes revers ont conduit Isra�l � d�clencher la terrible op�ration �Plomb durci� contre Ghaza. Vous avez raison, le paternalisme occidental � l��gard d�Isra�l conforte Ben Laden aux yeux de beaucoup d�Arabes et de musulmans, qui pourtant le critiquent sur d�autres points. Les int�r�ts strat�giques de l�Europe sont menac�s par ce conflit et elle devrait exiger qu�Isra�l applique les nombreuses r�solutions du Conseil de s�curit� de l�ONU sur l��vacuation des territoires occup�s depuis 1948 en �change de la paix. Le pr�sident Barack Obama a une politique diff�rente de celle de Bush : il a demand� � Netanyahu d�accepter un Etat palestinien et de ne pas attaquer l�Iran. Vous faites un constat fort pertinent en disant qu�Al- Qa�da d�veloppe ses r�seaux dans les pays musulmans qui sont d�stabilis�s et vous citez l�Irak ; la m�me chose pour l�Afghanistan, le Pakistan est confront� � la menace des talibans, l�Iran, eu �gard aux man�uvres d�Isra�l dans la r�gion, risque d��tre attaqu�, on imagine ais�ment un sc�nario catastrophe dans cette zone sensible o� le nucl�aire est un enjeu capital. Quelle analyse faites-vous de cette situation ? Effectivement, pour expliquer la strat�gie et les objectifs d�Al- Qa�da, nous montrons dans notre livre quand et comment elle s�est implant�e dans nombre de pays musulmans. Pour ce qui est de l�Iran, je signale que depuis pr�s de trois si�cles, il a �t� engag� dans plusieurs guerres, mais n�a jamais attaqu� le premier. Personnellement, j�estime aussi qu�il a le droit de produire de l��nergie nucl�aire pour prendre la rel�ve du p�trole quand il sera �puis�. Quant � la possibilit� qu�il se dote de l�arme nucl�aire, cela m�rite r�flexion. N�oublions pas que trois de ses voisins la poss�dent : l�Inde, le Pakistan et Isra�l, lequel n�a pas sign� le Trait� de non-prolif�ration. Comment r�agirait l�ONU si l�Iran proposait, lui, de le signer ? Une attaque d�Isra�l contre l�Iran serait effectivement une catastrophe, mais il me para�t peu probable que Netanyahu prenne le risque de d�fier le pr�sident Obama. Autre sujet d�inqui�tude : que les talibans s�emparent des armes nucl�aires au Pakistan. Le Sahel est devenu la plaque tournante du terrorisme international mais c�est l�Afrique enti�re qui est menac�e de d�stabilisation. On assiste m�me � l��mergence de la piraterie, quel est votre commentaire ? Oui, l�Afrique enti�re est menac�e ! Continent de plus de 30 millions de kilom�tres carr�s, aux 54 Etats, aux milliers de langues, aux fronti�res coup�es au cordeau par les colonisateurs et tenant rarement compte des fronti�res humaines et g�ographiques naturelles, l�Afrique pr�sente un int�r�t strat�gique pour Al-Qa�da. Quant au Sahel, appel� �Arc int�griste du Sahara�, il sert de base arri�re au r�seau d�Al- Qa�da, dont 500 � 600 v�t�rans venus d'Afghanistan. Elle pr�sente pour eux de multiples avantages. Aride, immense et peu peupl�e, cette zone comprend, du S�n�gal au Soudan, des r�gions de six pays : Mauritanie, Mali, Burkina, B�nin, Niger, Tchad. Les fronti�res n��tant ni mat�rialis�es ni contr�l�es, cela favorise les conflits locaux, les d�placements de populations et les trafics illicites (armes, coca�ne, cigarettes, r�seaux de prostitution et d�adoption d�enfants) qui rapportent beaucoup d�argent aux groupes mafieux qui les contr�lent. Les terroristes islamistes se ravitaillent en coop�rant avec les rebelles et les trafiquants. Ces comportements ne sont pas conformes au Coran, mais les islamistes b�n�ficient d�une certaine bienveillance aupr�s des populations pauvres du Sahel, gr�ce aux soins m�dicaux et aux aides alimentaires qu�ils leur donnent. C�est aussi avec le soutien d�Al-Qa�da que les islamistes radicaux de Somalie emp�chent toute solution pacifique au d�triment de la population. La mis�re a aussi favoris� la piraterie. Pour tenter de redresser la situation, il faudrait rem�dier � l��chec des programmes nationaux et internationaux de d�veloppement. L�Union africaine devrait �tre plus volontariste de m�me que les organisations internationales. Trafic de drogue, blanchiment d�argent, racket, ran�onnage sont les moyens de financement du terrorisme. Des experts pensent qu�il faut attaquer ces fl�aux � la source pour affaiblir le terrorisme � commencer par bannir les paradis fiscaux. Qu�en pensez-vous ? Tout � fait d�accord avec vous sur le bannissement des paradis fiscaux. Je tiens aussi � souligner que les pratiques dont vous parlez sont en totale contradiction avec l�enseignement du Saint Coran ! De m�me les talibans interdisent aux filles d�aller � l��cole alors que de tr�s nombreux versets recommandent au croyant et � la croyante �d�acqu�rir la connaissance et le savoir�. En Afghanistan, les talibans ont encourag� la culture de la drogue et fait du pays son premier exportateur mondial, car ils b�n�ficient de ce trafic pour acqu�rir des armes. La lutte contre ces fl�aux n�est pas ais�e, mais elle doit se situer � plusieurs niveaux. Il faudrait tout d�abord que les grandes institutions religieuses musulmanes et les autorit�s th�ologiques les condamnent de fa�on plus vigoureuse et plus audible. De m�me l�Organisation de la Conf�rence islamique et la Ligue arabe devraient se doter des moyens de combattre ces fl�aux pour affaiblir le terrorisme Croyez-vous � la th�se du choc des civilisations ou pensez-vous, comme certains philosophes et penseurs, que cette th�se est pernicieuse et ne sert qu�� agrandir le foss� entre les diff�rents peuples et qu�il n�y a en r�alit� qu�une lutte d�int�r�ts et de pouvoir puisqu�il arrive que des pays ayant la m�me religion et la m�me culture entrent en conflit arm� ? Quelle est votre opinion � ce sujet ? Victimes du 11 septembre, les Etats-Unis ont alors d�nonc� �l�axe du mal�, souscrit � la th�se du �choc des civilisations � de Samuel Huntington et d�clar� la guerre � Al-Qa�da. Je rappelle que la M�diterran�e est le berceau des trois religions monoth�istes r�v�l�es, juda�sme, christianisme, islam. Malgr� les guerres, le flambeau de la civilisation a toujours circul� d�une rive � l�autre. Dans plusieurs de mes livres dont La M�diterran�e, berceau de l�avenir(�ditions Milan), je critique la th�se pernicieuse du choc des civilisations et d�fends la pratique du dialogue des civilisations qui a g�n�ralement pr�valu en M�diterran�e. Les conflits entre des peuples qui ont la m�me religion rel�vent, en effet, d�une lutte d�int�r�ts et de pouvoir La th�se d�Huntington a �t� utilis�e par George W. Bush pour servir ses int�r�ts et justifier ses interventions en Irak, en Afghanistan, au Pakistan et sa condamnation de l�Iran. C�est aussi la raison pour laquelle il affirmait que le Grand Moyen- Orient allait du Maroc � l�Afghanistan. C�est absurde et irr�aliste. Comment peut-on encourager l�ijtihad ou la recherche face au radicalisme religieux ? Je voudrais d�abord rappeler une r�alit� historique occult�e en Europe et trop souvent ignor�e par les Arabes et les musulmans. Du VIIIe au XIIIe si�cle et m�me au XVe si on pense � Ibn Khaldoun, la civilisation araboislamique a �t� � la pointe de la modernit�. Ses savants ont explor� tous les domaines du savoir : math�matiques, astronomie, physique, chimie, m�decine, philosophie, g�ographie, architecture, botanique, histoire. Sans leurs apports, la Renaissance europ�enne n�aurait pas �t� ce qu�elle fut. C��tait la grande p�riode de l�ijtihad. Puis il y eut le d�clin et il s�est poursuivi malgr� la Nahda (Renaissance) au XIXe si�cle. R�alis� par des intellectuels arabes de haut niveau, le rapport du Programme des Nations-Unies pour le d�veloppement consacr� au monde arabe (2002-2006) rel�ve les nombreux retards et les graves d�faillances qui vont du fort pourcentage de l�analphab�tisme au statut des femmes. Il donne des directives pour assurer le redressement et conclut en soulignant que c�est en renouant avec leur �ge d�or que les Arabes redeviendront innovants. Il conviendrait aussi de prendre en compte les propositions des �nouveaux penseurs de l�islam� qui souhaitent une mise � jour de la religion face au conservatisme, au fondamentalisme et au radicalisme. Comme je l�ai �crit dans plusieurs de mes livres, �l�islam a besoin de r�aliser un renouveau comme les catholiques l�ont fait lors du concile Vatican II�. Vous dites dans votre livre que la piste qui conduirait � une v�ritable entente entre l�Orient et l�Occident est le dialogue mais que ce dernier a besoin d�un cadre organis� et de volont� politique de part et d�autre. L�Union pour la M�diterran�e (UPM) peut-elle constituer une structure ou faut-il penser � un autre m�canisme qui impliquerait davantage l��l�ment humain ? L�UPM lanc�e par Nicolas Sarkozy me para�t une bonne id�e. Toutefois, elle comporte des lacunes qu�il convient de combler. La plus grave est l�absence d�un volet culture. Au d�part, l�UPM estimait que ce secteur �tait celui de la Fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures. N�anmoins, outre que son budget est insuffisant, elle n�a pas de lien avec l�UPM. Face aux critiques, un Conseil culturel vient d��tre mis en place pour faire des propositions. L�UPM pourrait �tre un cadre favorisant le dialogue culturel et humain entre l�Orient et l�Occident, � condition de s�en donner les moyens. Les m�dias doivent-ils jouer un r�le dans l�instauration de ce dialogue ? Cela me para�t indispensable dans tous les pays riverains de la M�diterran�e. De 1985 � 1998, j�avais anim� le S�minaire Islam et monde arabe au Centre de formation des journalistes de la rue du Louvre � Paris. J�avais constat� que mes �tudiants, bac + 4 ou 5, ignoraient tout de ces th�mes. H�las, cela n�a gu�re chang� depuis. Les dirigeants responsables de ce secteur ont le devoir de prendre des dispositions pour y rem�dier. Les journalistes des pays arabes devraient aussi faire un effort. La Copeam dont la pr�sidence �tait assur�e par l�Alg�rie en 2008, joue un r�le important en favorisant une meilleure connaissance r�ciproque des M�diterran�ens. T�l�s, radios et presse �crite devraient s�impliquer plus pour favoriser ce dialogue. Vous �tes revenu � Alger au mois de mars dernier, l�Alg�rie d�apr�s vous est-elle sortie d�affaire apr�s les affres du terrorisme qu�elle a v�cues ou est-elle encore menac�e ? Et qu�est-ce qu�elle a de particulier par rapport aux pays qui souffrent de l�avanc�e de l�islamisme ? Vous le savez, mais je le rappelle. Voitures pi�g�es, sabotages, bombes dans les lieux publics, attaques de domiciles, prises d�otages, viols de femmes, massacres collectifs, caract�risent la �d�cennie noire� qui a provoqu�, selon les estimations, entre 150 000 et 200 000 morts, dont environ 90% de civils, et un million de victimes. L�Alg�rie est un des pays qui a �t� le plus atteint. Depuis neuf ans, la situation a bien �volu�. L�arm�e a quasiment d�mantel� les r�seaux. Des groupuscules se sont alors unifi�s dans le GSPC. Abdelaziz Bouteflika a propos� une Charte de r�conciliation nationale pour restaurer la paix civile par �l�extinction des poursuites � l�encontre de tous les individus qui mettent fin � leur activit� arm�e et remettent les armes en leur possession�. Elle ne s�applique pas aux individus impliqu�s dans des crimes de sang, viols, etc. Depuis son adoption par r�f�rendum en septembre 2005, 6 000 hommes environ se sont rendus, les �repentis�. Je sais que cette charte a donn� lieu � des contestations mais elle me para�t positive par rapport � la situation qui pr�vaut dans d�autres pays. A titre d�exemple, je signale dans le livre que le Canadien Eric Margolis, un des meilleurs experts de l�Asie, �crit � propos de l�Afghanistan et du Pakistan : �Il ne peut y avoir de solution militaire [�]. Il faut donc sortir du pi�ge en donnant une repr�sentation politique et m�me en ouvrant une n�gociation avec les ennemis, les talibans.� D�autres sp�cialistes occidentaux estiment aussi qu�il faudrait tenter de n�gocier avec les talibans mod�r�s pour isoler les chefs d�Al- Qa�da. Certains affirment qu�il n�y a pas de talibans mod�r�s, mais ils sont tr�s minoritaires. Quand vous revenez � Alger, quels sont les endroits que vous aimez visiter ? J�aime plusieurs quartiers. La Casbah, �videmment, d�autant plus que j�avais r�dig� nombre d�articles pour rendre compte des probl�mes concernant sa restauration que j�ai suivie de pr�s. La Corniche aussi est superbe de m�me que l�Amiraut�. C�est aussi un plaisir de partir de la Grande-Poste pour remonter vers la Tour Diar-el-Kef o� nous habitions. Correspondant du Monde, j�ai sillonn� l�Alg�rie en tous sens. J�avais, au cours de ma carri�re, parcouru tous les d�serts de la Mauritanie � l�Arabie saoudite. Le d�sert alg�rien est le plus beau par la diversit� de ses sables, de ses roches et de leurs couleurs. Sans oublier ses superbes fresques pr�historiques !