Par Nourdine Bennabi* La traduction exige de nous beaucoup de d�licatesse. Au demeurant ne diton pas : traduire c�est trahir ! Toute langue a ses sp�cificit�s, ses subtilit�s, ses idiomes� Face � l��cueil, le traducteur �prouve des difficult�s � traduire la lettre et l�esprit du texte. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, son honn�tet� intellectuelle est sans reproche ; mais en l�absence d��cueil, si la traduction est alt�r�e, sa malveillance est prouv�e. Malheureusement le texte coranique a connu des vicissitudes aussi bien dans un cas comme dans l�autre : la traduction honn�te mais approximative et la malveillance de certains orientalistes. Commen�ons par la traduction honn�te et approximative. Le Saint Coran contient beaucoup d�erreurs de traduction : n�anmoins contentonsnous d�un seul exemple, mais significatif : �Alaq� : la traduction de ce mot est alt�r�e ; il est traduit par la non moins c�l�bre expression : �caillot de sang�. Nous disons la non moins c�l�bre, car elle est ancr�e dans l�esprit de la majorit� des gens, y compris des initi�s : imams, ex�g�tes et anciens ministres des Affaires religieuses. En v�rit�, la traduction la plus appropri�e en est certainement �embryon nid�. Le mot embryon signifie �vert�br� aux premiers stades de son d�veloppement, qui suivent la f�condation �. (Pour l�esp�ce humaine, on parle d�embryon pour les trois premiers mois, puis de f�tus).(1) Le sens : �vert�br� aux premiers stades de son d�veloppement�, le sens donc du mot embryon rend mieux l�esprit des versets coraniques relatifs � la f�condation o� Dieu n�a pas cess� de r�p�ter qu�Il nous a cr��s stade apr�s stade dans diff�rentes sourates : �C�est Nous qui vous avons cr�� de terre, puis d�une goutte de sperme, puis d�une adh�rence, puis d�un embryon normalement form� aussi bien qu�inform� pour vous montrer Notre Omnipotence et Nous d�poserons dans les matrices ce que Nous voulons jusqu�� un terme fix�. Sourate 22, verset 5. Et �Dieu nous forme � l�int�rieur du corps de nos m�res, cr�ation apr�s cr�ation dans trois t�n�bres�. Sourate 39, verset 6. Et �Alors qu�Il vous a cr�� par phases successives �. Sourate71, verset 14. 2 Ou encore : �Nous avons certes cr�� l�homme d�un extrait d�argile ; puis Nous en f�mes une goutte de sperme dans un reposoir solide. Ensuite Nous avons fait du sperme une adh�rence ; et de l�adh�rence Nous avons cr�� un embryon ; puis de cet embryon Nous avons cr�� des os et Nous avons rev�tu les os de chair, ensuite, Nous l�avons transform� en une toute autre cr�ation. Gloire � Allah le meilleur des Cr�ateurs !� Sourate 23, versets 12, 13, 14 (Cf. aussi Sourate 40, verset 67 et Sourate 75, verset 38 et Sourate 96, versets 1et 2. L�id�e de dur�e (on parle d�embryon pour les trois premiers mois) sous-tend le d�veloppement ou le passage d�un stade � un autre et force est de constater que le mot �Alaq� traduit ind�ment par l�expression �caillot de sang� est impropre et nous �loigne de l�esprit de la r�v�lation divine. A pr�sent, abordons la traduction malveillante de certains orientalistes du Saint Coran : citons � titre d�exemple les versets 32 et 33, Sourate 42 � Et parmi Ses preuves, sont les vaisseaux � travers la mer, semblable � des montagnes. S�Il veut, Il calme le vent, et les voil� qui restent immobiles � sa surface. Ce sont certainement l� des preuves pour tout homme endurant et reconnaissant.� Tel que nous l�avons vu pr�c�demment pour le mot �alaq� traduit ind�ment beaucoup plus par ignorance que par malveillance, le mot �el jawar � est lui aussi traduit ind�ment par le terme �vaisseaux�, mais cette fois avec beaucoup de malveillance, � tel enseigne que le verset du Coran frise le ridicule, mais n��tait-ce pas le but recherch� du traducteur orientaliste ?! M�ditons ce verset : il contient une preuve pour �l�homme endurant et reconnaissant� ; c�est pr�cis�ment parce qu�il contient une preuve que le traducteur orientaliste le choisit afin d�alt�rer son sens. Mais en quoi consiste la preuve ? Elle consiste, si Dieu calme le vent, en l�immobilit� d��el jawari�, � travers la mer, c�est-�-dire des �vaisseaux � ainsi que c�est traduit dans le Coran. Rien que �a ! Or, une fois le vent calm�, n�y a-t-il pas de moyens pour mouvoir ce que, par Sa Volont�, Dieu veut rendre immobile. Oui ! Avant le XIXe si�cle, la rame par la force des bras de l�homme y suffisait largement ; apr�s le XIXe si�cle, le moteur � vapeur y contribuait mieux encore, nonobstant le vent tomb�. Auquel cas, o� est la preuve ? Et l�Omnipotence du Tout- Puissant ? Puisque, malgr� Sa Volont� de rendre immobiles les vaisseaux en mer en calmant le vent, l�homme par des moyens d�risoires parvient � contrarier Sa Volont�, �chouer son dessein. Est-ce l� la preuve ?! Grand Dieu non ! C�en est une pourtant ! Immense ! Seulement si la malveillance du traducteur orientaliste n��tait pas de mise �el jawari� ne sont pas des vaisseaux, mais des lames de fond : foisons d�eau profonde.(3) Ainsi traduit, �el jawari� donne un tout autre sens au verset o� apparaissent immenses la Volont�, la Preuve et l�Omnipotence de Dieu. De fait, si le Tout- Puissant d�cide de calmer le vent, les lames de fond �el jawari� s�immobilisent � la surface de la mer rien ni personne ne pourrait contrarier le cours des choses. Il suffit d�un mot � la place d�un autre, d�une nuance ou simplement d�une virgule pour que le sens change du tac au tac. Ici, avec le sens �vaisseaux �, nous avons le ridicule et la vuln�rabilit� de la preuve ; avec lame de fond, Son immensit� et Sa puissance. Par cons�quent, la traduction est loin d��tre une simple affaire, elle repose sur l�honn�tet� intellectuelle et la parfaite connaissance de la langue. Si tel n�est pas le cas, le tort est vite fait et quel tort ! N. B. *Ancien sous-directeur au minist�re de l�Education nationale, auteur de la pi�ce de th��tre : Et si la polygamie �tait impossible en islam. Notes de renvoi : 1- Voir le Dictionnaire Larousse. 2- Ce sont ces �tapes successives que les grands savants n�ont pas su d�couvrir avant les deux derniers si�cles. Il faut attendre les exp�riences de Von Baer (XIXe si�cle).