Par Arezki Metref [email protected] Pour avoir entendu sur le web sa voix, par extraits, j�ai eu envie de le pr�senter. Farid Belkadi alias Azal. Vous connaissez ? Non ? Alors retenez ces deux syllabes : Azal. En kabyle, cela veut dire : la mesure, la part. �a lui va bien. Il a � c�ur de transmettre et de ne pas laisser se perdre les chefs d��uvre, c�est pourquoi il a suivi une formation de restaurateur d��uvres d�art du XVI et XVIIe si�cles. Mais il pr�f�re en cr�er. Officiellement, il est artiste peintre. Son style ? Un figuratif � qui il offre une part de libert� est parent de Delacroix et Dinet. Il d�cline la s�miotique pragmatique berb�re. Une petite pr�f�rence pour les visages f�minins, qu�il sublime. Son empathie avec son talent est � l�unisson avec le sujet qu�il traite. Quant aux couleurs, elles vibrent en lui et ne peuvent s�exprimer qu�avec justesse. Pour �tre ce qu�il est, Farid ne peut �tre qu�� l��coute des autres, du monde. Il est aussi costumier, musicien, boute-entrain. Mais le plus grand de ses talents, � moins que �a en soit une autre facette qui �largisse sa palette d�artiste, mettant � sa disposition selon la texture de ce qu�il veut exprimer un autre mat�riau, n�est par sa profession. Farid chante. Pas comme vous ou moi. Non� Farid Chante. Majuscule. Si d�aventure vos yeux croisent une affiche annon�ant un concert de �chants berb�res lyriques�, et que le nom d�Azal Belkadi y figure, annulez votre repas d�affaires, diff�rez la demande en mariage que vous aviez pr�vu de faire ce soir ou ratez le bus, et courrez- y ! Quel sortil�ge entoure ce chanteur d�une �re� culturelle... o� il y a quasiment autant de chanteurs que d�auditeurs ? La seule vraie r�ponse serait, allez-y, un miracle ne se d�crit pas, il se vit. Il ne ressemble � rien qu�on ait entendu. Un peu peut-�tre, quand m�me. Il affirme une fid�lit� �mue � Taos Amrouche. Comme elle, il va vers ce que la culture berb�re a de plus profond pour la porter au plus haut. Vous avez compris, on a d�cid� de soutenir Azal parce qu�il apporte de l��motion et de la perfection. L�ennui, c�est que� Ah, un petit aveu de journaliste ! D�habitude, quand on veut �crire quelque chose sur quelqu�un, on cherche � lire ce qu�ont libell� avant nous nos confr�res. Officiellement, c�est pour amener du neuf. Officieusement, c�est pour d�gotter des id�es, des pistes. L�ennui, c�est que, concernant, Azal, il n�y a rien. Ou si peu ! Il faut donc oser, plonger�. On l�appelle d�j� le Pavarotti berb�re. Il est t�nor comme lui, et en a la prestance. Des clones clowns, on doit en trouver � la pelle ! Mais l� c�est au fait qu�il nous rappelle que la musique est un langage universel, tout comme le t�nor italien � qu�il doit ce surnom. Il nous fait voyager dans un univers o� la langue devient accessoire. La beaut� du paysage sonore qu�il nous fait partager est au-del� des mots, et nous laisse sans voix. Lorsqu�il y a quelques jours, j�ai eu la chance d�aller l��couter, le public, de diff�rentes nationalit�s et de diff�rentes langues, a �t� unanimement transport�. J�avais pour voisins de si�ge des Am�ricains qui ne comprennent aucune sorte de berb�re. Leur �motion en �coutant cette voix dont la tessiture campe entre l�alto et la basse, terme froid de technicien qui ne tient compte aucunement de la profondeur de la culture, et de ses sommets � la puret� du diamant que cette gamme de sons permet d�exprimer sans limites. Azal ne se contente pas d��tre un excellent chanteur lyrique, qui hisse l�achewiq, chant traditionnel berb�re, au ciel de la beaut�. Tout comme il restaure les tr�sors en peinture, il travaille aussi sur la m�moire du chant. On ne se refait pas� La g�n�rosit� de son talent ressuscite les chants de la vie quotidienne berb�re, tressant l��pop�e des peuples. En l��coutant, on a l��trange impression que l�on se met � planer au-dessus de nous-m�mes, ascension qui nous nous all�ge en nous �mouvant. Quand il chante, il y a une aspiration du ciel et c�est vers les cimes o� se nichent ces forces qui gouvernent la ros�e qu�il tend ses mains et sa voix. Il y a quelque temps, j�ai envoy� � un ami musicien sa premi�re vid�o, une image qui circule sur internet. Voil� ce qu�il m�a �crit en r�ponse. Je le reproduis tel quel car tel il dit tout : �Cet homme est chant et c�est tout. L�air qui le traverse se fait archet, mettant son �me et ses cordes vocales en r�sonance avec l�univers. Il a la g�n�rosit� de nous transmettre ce message dont il est d�positaire et qui nous rend meilleurs. Quand je l�entends, je me dis que je voudrais �tre assis dans les montagnes pour entendre sa voix monter, amplifi�e par l�immensit�, distribu�e par l��cho. Cet homme est seul, reli�, canal. Il n�est ni dans la domination, ni dans la s�duction, ni dans la puissance. Il irradie, et son immense int�riorit� rayonne. Il nous fait rencontrer Dieu, il ne l�est pas. Quel dommage que la f�e �lectricit� meuble ces respirations si belles, tant elles permettent � une phrase de s��teindre tout en invitant l�autre. Il est bien au-dessus du chant lyrique. Astu d�j� entendu le Miserere d�Allegri chant� par un jeune gar�on, et non par un homme ? C�est � pleurer de beaut�, comme ce qu�il fait.� Un soliste aussi talentueux soit-il doit � ses musiciens une part de la magie qui s�op�re entre lui, pour ne pas dire eux, et son public. Jean-Philippe Kyriel, un ma�tre au clavier, qui a fr�quent� des gens comme Youssou N�dour, cr�e l�ambiance propice � valoriser la voix exceptionnelle de son complice. Moussa Kaci, fl�tiste, capte le vent qui musique sur les hauteurs des montagnes, le transformant en chant. Kamila Adli, harpiste, l�accompagne dans un bouleversant chant � la m�moire d�un autre passeur du chant, Brahim Izri. Enfin, en amont, Azal doit � sa collaboration avec le po�te Boualem Rabia les magnifiques po�sies qu�il chante pour notre plus grand bonheur. N�ayons pas peur de le dire, Azal Belkadi est la meilleure chose qui arrive � la culture berb�re. On l�attendait depuis longtemps, il est l�, alors, n�oubliez pas, lui, s�appelle� Azal ! Ne gardez pas ce nom pour vous, soufflez le au vent afin qu�il se propage vite.