La lecture de L�Amante de Mokhtari se fait sur plusieurs degr�s. L�auteur donne le �Je� narratif � plusieurs voix (en italique dans le texte) permettant ainsi � tous ses personnages, non sans nous brouiller un peu, de revendiquer leur part de v�rit� et d�existence. Tout tourne en fait en cercle vicieux autour d�une maison, pas ordinaire, une maison construite par le fils, Omar, qui pensait bien faire, pour accueillir son p�re Mohand Sa�d Azraraq qui reviendrait de France des ardus fours et aci�ries o� il a �puis� sa vie et sa sant�. Le fils pensait bien faire, et sur cette terre sacr�e des a�eux, il construit une maison � �tages, un sacril�ge m�me. Lorsque le p�re retourne chezlui en 1946, aveugle et mourant, le drame de cette maison d�cri�e et jalous�e va le pousser doucement vers la tombe avec l�id�e que ce fils a trahi. Depuis, le sort du fils est scell�, maudit � cause de la maison � �tages, maudit � cause de ses relations adult�res avec la belle Zeina alors qu�il est mari�, ce sergent- chef dans l�arm�e fran�aise ne peut plus �chapper � son destin m�me si Zeina va entreprendre de lui tisser un burnous. En fait, l�impression ici est que plusieurs mains tissent ce burnous-protection ou burnous symbole qu�il rev�tira lors de son retour. Or, le sort est jet� : �� Omar, le malheur p�se sur tes �paules et aucun burnous ne pourra le couvrir, m�entends- tu?� Contact� par les moudjahidine de son coin natal de Timarzaguine, il rejoint les maquis lib�rateurs. Mut� pour des raisons disciplinaires en partie � cause de Zeina qui n��chappera pas non plus au ch�timent inflig� par les moudjahidine, la belle Zeina meurtrie continuera � tisser le burnous de ses doigts fragiles et dans le noir, encourag�e par Tamzat, la femme-l�gende, qui a travers� le djebel Ouaq Ouaq pour h�ter la confection de ce burnous en laine fine. Or, Omar tombera en martyr, fauch� par un h�licopt�re de l�arm�e fran�aise et lui aussi ira rejoindre ses a�eux dans ce cimeti�re familial. L��criture en filigrane de Mokhtari se tisse sur un fond de mythe. �Il y a une partie tr�s importante du mythe dans mes romans et particuli�rement dans L'Amante, a indiqu� l'auteur lors de la rencontre anim�e � la librairie Chihab, pr�cisant que le roman ��chappe � l'�v�nementiel par les mythes et c'est par eux qu'il transcende l'�v�nement�. Poursuivant sur la place du mythe dans la litt�rature alg�rienne, Mokhtari ajoutera : �Le mythe, qui n'est pas seulement une litt�rature orale mais une vision du monde, transcende aussi les particularit�s r�gionales et linguistiques.� Sur la construction du texte, l�auteur de L�Amante pr�cisera qu�il a accord� plus d�importance � l'aspect esth�tique, c'est-�-dire � la mise en forme ; pour lui, dans le roman, l'histoire compte moins que la forme, pr�cisant, par ailleurs, que les lieux �voqu�s sont �imaginaires, intimes, m�me s'ils ont parfois des ressemblances avec des lieux g�ographiques r�els�. Le roman se d�roule tout doucement, tout au long du tissage du burnous, burnous-linceul que doit v�tir Omar, �sergent-chef de l�arm�e fran�aise en Indochine�. Le r�cit se d�roule sans cesse, se d�veloppe sans cesse, emporte, intrigue. A lire absolument pour la beaut� du texte.