Pauvre Barada� ! Le prix Nobel de la paix �gyptien, candidat potentiel � la succession de Moubarak, par la voie des urnes, n'en m�ne pas large. Ses partisans les plus r�solus et les plus actifs sont r�guli�rement tracass�s, voire arr�t�s par le pouvoir. Des complots se trament autour de lui et des �bauches de coalition se nouent ouvertement contre sa personne. On voit des alliances douteuses se profiler entre les nass�riens, ou ceux qui se proclament comme tels, et les Fr�res musulmans. Et ce n'est s�rement pas pour aider un homme qui peut s'av�rer dangereux, par la suite, � cause de ses convictions d�mocratiques. C�t� h�ritiers pr�somptifs, et souvent pr�somptueux de Nasser, on a de s�rieuses raisons d'en vouloir � Barada�. De son carquois ramen� d'un exil de dix-huit ans, le successeur annonc� de Moubarak a sorti quelques fl�ches empoisonn�es destin�es � Djamal Abdenasser. C'est dans l'air du temps, et �a vous permet d'obtenir sans peine un satisfecit des Occidentaux. Seulement, la presse gouvernementale ne l'entend pas de cette oreille : alternant le persiflage et l'insulte, ses �ditorialistes se sont l�ch�s. Barada� est ainsi accus� d'attenter � la m�moire d'un pr�sident d�funt, dans un pays o� les chers disparus sont souvent accus�s de tous les maux pass�s, pr�sents et � venir. Puis on glisse in fine une allusion au p�re qui aurait milit� dans le mouvement des officiers libres. Ce qui fait de l'adversaire du jour un parricide en puissance, doubl� d'un profanateur de s�pultures. Un chroniqueur, f�ru de gastronomie, s'enhardit � lui d�nier tout m�rite dans l'obtention du prix Nobel. Selon lui, Barada� serait beaucoup plus apte � postuler un Nobel de Coca-Cola, ou de meloukhia (le fameux plat de viande cuit dans une mixture qui ressemble � du henn�) et autres sp�cialit�s locales. Le tr�s s�rieux Al-Ahram recommande m�me aux parents de ne pas laisser les enfants seuls devant la t�l�vision, au moment des apparitions de Barada�. Il aurait ainsi des pouvoirs d'attraction nuisibles pour l'enfance, bien qu'il n'y ait aucune trace d'un s�jour au Vatican dans son itin�raire. Dans ce sillage, les rares catalogu�s � gauche l'ont accus� carr�ment de faire des clins d'�il appuy�s aux islamistes. Exercice d'explication de textes � pratiquer avec la plus extr�me prudence. Tout ceci n'�tait qu'une mise en train, comme dirait le chef des comploteurs qui ont assassin� le candide Boudiaf. De fait, un super patriote arabe, plumitif dans un autre quotidien officieux, a somm� Barada� de clarifier sa position en ce qui concerne Isra�l. Nous y voil� ! Les �gyptiens, qui �taient fiers d'avoir un des leurs � la t�te de l'A.I.E.A, et plus fiers encore de son prix Nobel, deviennent iconoclastes. Un bon �gyptien, c'est quelqu'un qui vit � l'�tranger, r�colte des distinctions � l'�tranger, sans s'aviser de revenir narguer le syst�me en place, les bras charg�s de lauriers. C'est de la concurrence d�loyale pour un r�gime qui multiplie les �checs et les avanies. Alors, il faudra bien que Barada� nous dise o� il �tait lorsque les soldats �gyptiens ont franchi le canal en 1973. Il nous doit une explication sur le fait qu'il n'a jamais servi dans l'aviation et n'a particip� � aucune bataille a�rienne au-dessus du Sina�. Contrairement � celui(1) qu'il veut remplacer � la t�te de l'�gypte. Bref, dans cette bataille m�diatique, notre ami Ala Aswani, qui a pris fait et cause pour Barada�, aura fort � faire pour contrer les attaques perfides et autres coups de Jarnac visant son candidat attitr�. Sans compter que le Parti national, dont Moubarak assure la pr�sidence sans fausse honte, fourbit ses armes, avec Barada� en ligne de mire. Toutes les r�unions du parti ne portent qu'un seul point � l'ordre du jour : comment conjurer le p�ril Barada� ? En �gypte, les raisons d'aimer ou de ha�r l'enqu�teur sp�cial des Nations unies sur le p�ril nucl�aire s'accumulent et se neutralisent pour le moment. Mais de telles incertitudes p�sent sur l'avenir de Barada�, qu'il a d�cid� d'aller se ressourcer aux Etats-Unis, dont il poss�de aussi le passeport. Ce qui est pratique pour �chapper aux scanners et autres innovations (pluriel de bid'a) ourdies par les Am�ricains pour empoisonner la vie, et l'�ternit�, des bons musulmans. Barada� a promis de revenir � la mi-mai, � condition que le nuage islandais(2) ne prenne pas la r�gion sud-M�diterran�e, comme vill�giature de printemps, mais il y a de quoi �tre sceptique. L'homme qui a d�masqu� les plans nucl�aires machiav�liques des mollahs iraniens a pourtant fait de grands efforts, pour appara�tre comme un �gyptien authentique aux yeux des petites gens. On l'a vu ostensiblement faire la grande pri�re du vendredi, les bras crois�s au-dessus de l'abdomen. Posture privil�gi�e des fondamentalistes, qui refusent d'y voir un lien quelconque avec l'attitude traditionnelle et alti�re observ�e chez les pharaons de l'�gypte ancienne. Comme tous les Arabes ayant franchi la soixantaine, il veut bien croire que la r�demption commence par l'adoption d'une tenue vestimentaire ad hoc. Il a troqu� son complet veston contre une l'abaya locale et pos� en compagnie de membres f�minins de sa famille, convenablement rev�tues de voiles � biom�trie variable. Chez nous, et m�me sans dipl�mes ni prix Nobel, cela aurait largement suffi � asseoir une r�putation et � vous assurer une qualification pour les plus hautes destin�es. Un sondage que publie le quotidien Al- Khabar est venu conforter la conviction que nous devenons de plus en plus une soci�t� du para�tre. La question pos�e par ce sondage est la suivante : ��tes-vous pour ou contre le fait que la femme alg�rienne d�couvre ses oreilles et ses cheveux sur les photographies destin�es aux passeports et cartes d'identit� biom�triques ?� Quelle que soit la valeur qu'on attache � ce sondage, les r�ponses me paraissent �loquentes et refl�ter l'�tat actuel de la soci�t�. Sur pr�s de 90 000 participants au sondage, 85 % environ sont pour le hidjab qui recouvre les cheveux et les oreilles. Malgr� la reculade �vidente des autorit�s en la mati�re, les partis et les dirigeants de la mouvance islamiste exploitent � fond le laxisme de ces derni�res ann�es en mati�re de respect des lois civiles. Quand on autorise des femmes en niqab � franchir des dispositifs policiers, r�put�s s�v�res, comme le contr�le aux fronti�res, on valide des comportements. On en arrive ainsi � des appels � manifester sous pr�texte que le gouvernement actuel tenterait �d'extirper l'Islam de la soci�t� alg�rienne�. Ils ont raison, dans un sens, nos islamistes, la vue d'une oreille f�minine fait se dresser plus d'un. Que dis-je : la simple �vocation d'une oreille ou d'une m�che de cheveux entraper�ue provoque des raidissements aux cons�quences impr�visibles. Attention ! La biom�trie a des oreilles et il est donc inutile d'y ajouter les v�tres. Dans le doute, s'abstenir se conjugue au f�minin, mais l'abstinence n'est pas opposable � la masculine libido, aussi mal intentionn�e qu'elle soit. A. H. (1) L�, je m'avance un peu trop sans doute et les t�moignages divergent sur les qualit�s de guerrier de Moubarak. Franchement, je n'arrive pas � imaginer un tel homme r�alisant des acrobaties a�riennes dans le ciel d'�gypte. Il n'y a qu'un fantassin, de pr�f�rence un grenadier-voltigeur, qui peut tenir le pouvoir aussi longtemps en �gypte. (2) Au moment o� j'�crivais ces lignes, je ne pensais pas que j'allais �tre une �victime collat�rale� de ce nuage islandais. Comme le wahhabisme saoudien, ce ph�nom�ne n'est nuisible qu'� l'ext�rieur de ses fronti�res naturelles. Je vais donc scruter le ciel musulman pour guetter les apparitions de fatwas explicatives �manant de nos th�ologiens.