Il y a quelques jours, il a fait tellement chaud à Alger qu'on s'est demandé si la nature n'a pas zappé deux saisons à la fois. C'est que le printemps en hiver, Zoubir en a l'habitude depuis longtemps. Il ne se passe plus un hiver sans qu'il ne vive une, voire plusieurs journées où le soleil est tellement radieux qu'il s'est demandé si le cycle naturel n'est pas pris d'une de ces folies qui n'a aucun respect pour l'alternance consacrée. Eh oui, Zoubir est très sensible aux choses de la météo et il en retient le moindre détail, surtout quand il s'agit de ces journées exceptionnelles, qui ne ressemblent en rien à celles qui ont précédé et parfois à celles qui suivent. Zoubir est donc habitué au printemps en hiver mais pas à l'été en hiver. Et il en a longuement parlé autour de lui, surtout que quand il s'agit de chaleur, de froid, de vent et de neige, les oreilles attentives et les bouches disponibles pour la causette ne manquent pas. A Alger comme partout sur la planète Terre, les gens aiment parler de la pluie et du beau temps. C'est facile, ça n'engage en rien et, cerise sur le gâteau, tout le monde dit la même chose, puisqu'on ne peut pas dire des choses différentes quand on parle de la météo sous le même pan du ciel. Quand on parle pour dire la même chose, Zoubir adore ça. Il a une sainte horreur des «problèmes» et il sait qu'il ne peut pas y en avoir quand tout le monde dit qu'il fait chaud, qu'une telle température est anormale en février, qu'on dirait que nous sommes au mois d'août, c'est le printemps en hiver et maintenant, c'est l'été entre le printemps et l'hiver. Zoubir ne sait pas pourquoi, il s'est souvenu de ça, mais il se rappelle ce qu'il a lu quelque part, à moins que ce ne soit quelqu'un qui lui a raconté ça, histoire de lui montrer qu'il avait de la culture générale. Quelque part en Asie, il ne sait plus dans quel pays, il est de la plus indécente goujaterie d'entamer une discussion avec une femme sans commencer par évoquer le temps qu'il fait. Zoubir s'est alors posé la question : pourquoi dans son pays, les longues discussions sur la pluie et le beau temps se déroulent toujours entre groupes masculin pluriel ? Zoubir n'a pas de réponse à la question, pour plein de raisons, mais d'abord parce qu'on ne se pose pas de questions quand on a la réponse. Il y a quelques jours, il a fait tellement chaud en hiver que Zoubir a commencé à croire à l'histoire du réchauffement climatique. Il a commencé à y croire mais cela ne veut pas dire qu'il s'en inquiète. Zoubir est gentil, humain, généreux et tout et tout. Mais il s'en fiche royalement que l'Amazonie disparaisse d'ici quatre siècles, qu'il n'y ait plus de rhinocéros d'ici 144 ans et que les les mers s'assèchent au plus tard en 12 869 après Jésus-Christ. Il ne sera pas là, tout le reste n'est que délire.