Il est à la tête du théâtre régional de Béjaïa depuis 2004. Il promet à l'antique Saldae, d'ici la réouverture de l'institution, en juin prochain, une infrastructure digne des grands théâtres de par le monde. Il a une conception totalement différente de celle ambiante de la pratique théâtrale visant à la fonctionnariser. Pour lui, un bon comédien, contrairement à l'idée reçue, ne chôme pas. Lui, c'est Omar Fetmouche, le talentueux homme de théâtre et dramaturge au long parcours, bien connu. Suivons-le. Peut-on savoir où en sont les travaux de rénovation de votre institution ? Actuellement, on est à 75% d'avancement des travaux et nous avons reçu les équipements de sonorisation, d'éclairage, de draperie murale et de moquette ainsi que la motorisation générale de la climatisation industrielle. Le reste à venir nécessite uniquement les travaux d'installation des équipements et de draperie murale. Comme nous l'avons souvent dit, nous pensons ouvrir le théâtre au début du mois de juin et nous espérons coïncider avec la journée nationale de l'artiste (le 8 juin). Le TRB va être hissé au diapason des grands théâtres modernes et bénéficiera d'un équipement des plus sophistiqués, dignes des grands théâtres dans le monde, et ce, pour le plaisir de notre public qui mérite bien plus que cela. Côté social, nos travailleurs sont bien payés par rapport aux autres théâtres et jouissent de leurs pleins droits. Quel est le bilan de votre travail depuis votre intronisation à la tête du TRB ? Généralement, je n'aime pas parler de bilan dans la mesure où je préfère laisser le palmarès du théâtre depuis 2004 parler de lui-même. Mais s'il y a un bilan à faire depuis 2004, je dirai que nous sommes arrivés à faire arrimer le théâtre régional de Béjaïa à un rythme de production assez compétitif, dans la mesure où nous sommes arrivés à produire plus de 12 pièces en quatre années, soit une moyenne de trois pièces annuellement avec chaque fois une pièce pour enfants. Et concernant le théâtre en langue amazighe… On y arrive. Le théâtre en tamazight a une place privilégiée dans nos productions, avec cinq pièces de théâtre majeur et du pur produit professionnel. Pour 2009, nous avons inscrit trois pièces en tamazight : Urgagh muthagh de Muhand U Yahya, une adaptation en tamazight de Journal d'un fou de Gogol et Le Foehn de Mouloud Mammeri. Côté enfants, nous avons pu faire bénéficier au mois de juin 2008 plus de 45 000 enfants à travers toute la wilaya de Béjaïa et nous avons répété la même expérience durant les vacances d'hiver passées et nous referons la même chose pour les vacances de printemps à venir, sans compter que le TRB accueille tous les vendredis des spectacles pour enfants dans la petite salle, malgré les travaux de rénovation. En dehors de ces spectacles en tamazight, que comporte votre plan de charge pour l'exercice 2009 ? Six productions théâtrales dont deux monodrames comme suit : Les Vigiles, de Tahar Djaout, Le Foehn, de Mouloud Mammeri (en tamazight), Urgagh Muthagh, de Muhand U Yahya (monodrame), Le Journal d'un fou de Gogol, adapté en tamazight (monodrame), La Vraie Force, de Tassadit Remila pour enfants (déjà produite en janvier 2009) et enfin Khendek El Mout, de Youcef Taouint . Un colloque national sur l'œuvre de Tahar Djaout, encadré par les universitaires qui se sont penchés sur les romans de l'illustre écrivain et journaliste. Un mois théâtral non stop se tiendra à partir de l'ouverture du théâtre, en juin prochain, et sera accompagné d'un programme artistique riche et varié pendant le Ramadhan. Il y aura également les 2es journées nationales du théâtre pour enfants (juin 2009), et nous comptons cette année couvrir la wilaya de Béjaïa dans sa totalité avec quelque 70 000 enfants à toucher. Nous organiserons aussi les 2e et 3e sessions du stage de la dramaturgie universelle (fin juin et décembre 2009) afin de parachever les travaux de formation entamée en 1re session de janvier 2009 (du 20 au 30 janvier). Un stage de formation au profit des comédiens sur l'art de l'actorat est prévu pour la session d'été 2009, probablement vers la fin août prochain. D'autres activités traditionnelles se poursuivront bien sûr, comme le soutien et l'accompagnement des troupes de wilaya, les diffusions à travers les résidences universitaires que nous avons déjà commencées avec succès, tournée de nos pièces en extra-wilaya, programme périodique de théâtre pour enfants au petit théâtre du TRB, exposition de peintures et autres des artistes dans le hall du théâtre. Vous fonctionnez avec un effectif extrêmement réduit. Comment faites-vous pour contourner cette contrainte ? Nous venons de recruter sur contrat trois comédiens et nous pensons en recruter d'autres en fonction des exigences des castings de nos nouvelles productions. Les metteurs en scène sauront choisir les comédiens dont ils auront besoin et les portes du casting sont ouvertes, et à chaque nouvelle pièce nous donnons les informations. Par contre, les monodrames ont été déjà proposés par leurs auteurs/interprètes, à savoir Samy Alilat pour Urgagh Muthagh et Latrèche Mouhoub pour Le journal d'un fou. J'ai eu l'occasion de le dire, les bons comédiens auront toujours des possibilités de se produire, d'être couverts socialement et de parfaire leur savoir artistique. Mais le recours au système de cachet n'est pas, vous en convenez, de nature à emballer les comédiens quand on sait que cela ne leur assure pas un avenir certain… Cette année, nous avons proposé à des comédiens les deux formules : le cachet ou le contrat à durée déterminée et renouvelable en fonction de la demande du comédien par les metteurs en scène. Certains comédiens ont opté pour le cachet et d'autres ont préféré le contrat. Nous essayons de créer un climat souple où la créativité, la discipline et l'esprit artistique doivent prévaloir en insistant toujours sur la couverture sociale de l'artiste. Nous considérons que le fait de ne pas rattacher un comédien à un salaire est une forme de liberté à lui octroyer pour qu'il puisse jouir de toutes ses potentialités artistiques et créatives. Rappelons encore une fois que nous n'inventons rien dans ce domaine et que presque la majeure partie des théâtres au monde, si ce n'est tous, fonctionnent avec ces méthodes, mais dont la dénomination change. En France par exemple, on les appelle les intermittents du spectacle, et Dieu sait ce qu'un intermittent doit cavaler pour accéder à une reconnaissance de ce statut qui ne lui fournit pas pourtant une permanisation dans le métier. Nos comédiens seront appelés à se produire dans des films, des séries télévisées, etc. Actuellement, le marché du spectacle n'est pas développé, mais le jour où la machine de la production atteindra son stade de performance, on s'arrachera les bons comédiens. D'ailleurs, il faut le dire, actuellement, un très bon comédien ne chôme pas. Quel regard portez-vous sur la culture en général et le quatrième art plus particulièrement ? Il est fort possible que, pour certains, mon optimisme paraisse en dysfonctionnement du discours ambiant, mais je pense que ces dernières années, il y a une réelle volonté politique qui commence à se concrétiser pour faire de la culture un élément incontournable du développement national. Les différentes lois de la protection du patrimoine, l'institutionnalisation des festivals, la création de nouveaux théâtres, la construction de grandes écoles et annexes d'écoles de formation de musique et j'en passe, font que, quelque part, les choses ont évolué par rapport à un certain moment Il est vrai que jusque-là, ces rencontres de festivals et ces infrastructures ne sont pas encore rentabilisées à leur juste valeur, mais je crois que cela relève aussi d'une grande stratégie en matière de formation que le ministère, à ma connaissance, a prise au sérieux. On ne peut construire de grands édifices s'ils sont dépourvus d'âme, à savoir la création artistique. Le théâtre se remet de plus en plus en marche, et jusque-là la production l'a emporté sur une réelle réflexion en matière de formation des intervenants dans le spectacle. Nous avons l'occasion de discuter au niveau du ministère de la Culture sur ces aspects et nous pensons que les choses ont été prises en considération, dans la mesure où un travail se fait sur la manière d'arrêter une stratégie globale en matière de formation de techniciens de son, d'éclairage, de comédiens, de scénographes, de costumiers, d'accessoiristes, enfin tous les métiers qui sont liés à l'art de la représentation. Les centres de formation professionnelle et l'université peuvent être associés à ce vaste programme de formation et de mise à niveau. Ceci étant dit, sans parler des grands centres urbains, je pense que les tournées effectuées par les théâtres régionaux et les troupes indépendantes ont prouvé que le grand public se trouve dans l'Algérie profonde, et c'est là qu'il faut aller le chercher. Peut-on instituer le théâtre ? De grands pays ont pris énormément de temps pour instituer leur théâtre, plus d'un siècle pour certains, et pour l'Algérie le débat s'installe déjà à tous les niveaux, même si dans certains secteurs de la culture il se fait timidement, mais il se fait quand même. L'exemple du cinéma amazigh. A l'occasion de la dernière édition du festival à laquelle j'ai assisté, j'ai rencontré des jeunes très ambitieux, même pour les rencontres du théâtre et j'en passe, et je pense que ce potentiel de jeunesse créatrice est capable d'enclencher une dynamique artistique des plus prometteuses. Alors, «ils sont nés chez nous, il faut leur faire confiance». Un vieux slogan peut-être, mais ne dit-on pas que «les vieilles marmites font…»?