Le ministre de l'Enseignement supérieur, Tahar Hadjar, chercherait-il à affaiblir la dynamique des étudiants et leur mobilisation contre un 5e mandat de Abdelaziz Bouteflika, et faire baisser l'élan populaire en faveur du changement du système politique ? Une question qui se pose d'elle-même, suite à la décision «surprenante» du ministère de l'Enseignement supérieur, d'avancer les vacances de printemps et de les rallonger de dix jours. Une première dans l'histoire de l'université algérienne. Les vacances de printemps dans les universités dureront cette année, en effet, 25 jours au lieu de 15 jours. Dans une correspondance du département de Hadjar, datant de ce samedi 9 mars, il est écrit que les vacances universitaires de la saison printanière commenceront dimanche 10 mars au soir, pour prendre fin le 4 avril 2019. Initialement, elles étaient prévues pour le 21 mars. Pour ce qui est des vacances d'été, elles commenceront le 11 juillet prochain, et s'achèveront le 2 septembre 2019, selon l'article II de la note. Ces mesures s'appliqueront uniquement sur les étudiants. Administrateurs, techniciens et agents de service ne sont pas en effet concernés, d'après le même document. Autrement dit, le ministère de l'Enseignement supérieur offre dix jours de vacances supplémentaires aux étudiants. Les vacances de printemps ont été donc avancées et rallongées sur fond de manifestations. Aucune justification n'a été donnée pour justifier cette réorganisation brusque du calendrier des vacances, mais les enseignants universitaires ont compris que la décision de Tahar Hadjar est directement liée aux manifestations contre le cinquième mandat. Une décision «surprise et furtive», selon eux, qui tend à vider les campus universitaires d'étudiants, et casser la dynamique des marches qu'organisent les universitaires à travers le pays. L'instruction envoyée à l'ensemble des directions universitaires, qui intervient au lendemain des grandes manifestations à travers tout le pays contre le pouvoir et le cinquième mandat, est perçue par les étudiants comme une manœuvre pour affaiblir la mobilisation des étudiants, et leur participation à la protestation populaire. Les étudiants ont massivement manifesté, les deux dernières semaines, dans toutes les villes du pays, pour exiger un changement politique radical qui passe par le retrait de Bouteflika de la présidentielle. «Elle ne cassera pas la dynamique populaire !» «Rien d'autre ne pourrait justifier cette décision, qui intervient au lendemain des marches populaires historiques contre le système politique en place», a affirmé Abdelmalek Azzi, président du CNES. Réagissant à cette instruction, notre interlocuteur a affirmé qu'elle a surpris tout le monde : étudiants et enseignants. «Il s'agit d'une manœuvre du département de Hadjar pour casser la dynamique de cette déferlante populaire que nous, enseignants et étudiants, sont une partie prenante», a-t-il expliqué. Et d'ajouter : «Il n'en sera rien. Nous sommes déterminés à poursuivre notre mouvement, et soutenir les étudiants dans leur mouvement de protestation pacifique, hautement salué, en Algérie et ailleurs». «Les étudiants maintiendront leurs action pacifique en dépit de cette manœuvre», a-t-il assuré. «Lors des deux dernières semaines, les étudiants ont organisé d'importantes manifestations contre le cinquième mandat dans la plupart des villes universitaires, et ont été les premiers à réagir massivement au dépôt du dossier de candidature du Président Abdelaziz Bouteflika au Conseil Constitutionnel, dimanche passé», a expliqué Azzi. C'est la raison pour laquelle Hadjar tente de disperser les rangs des étudiants pour se débarrasser de leur pression. Les étudiants, de leur part, ne se sont pas faits prier pour commenter cette décision. Sur les réseaux sociaux, l'instruction de Hadjar est tournée en dérision. De nombreuses publications dans des groupes et pages appellent déjà à «boycotter les vacances» et à «poursuivre les études», alors même que beaucoup d'universités sont désertées par leurs étudiants depuis près d'une semaine, à l'instar de l'USTHB de Bab Ezzouar. Des membres de partis de l'opposition ont également dénoncé la mesure annoncée par le ministère de l'Enseignement supérieur.