Les Algériens, qui demandent un changement radical du système, veulent que les figures actuelles du régime disparaissent du champ, pour laisser d'autres compétences intègres gérer la prochaine étape. Le nouveau gouvernement annoncé avant-hier soir, composé de visages inconnus et conduit par le même Noureddine Bedoui, massivement rejeté par les Algériens, est loin de constituer un facteur d'apaisement des dizaines de millions de citoyens, qui manifestent contre le système politique depuis le 22 février. Annoncé au lendemain d'un communiqué au vitriol du ministère de la Défense nationale, qui a exprimé son attachement à l'application de l'article 102, en même temps que les articles 7 et 8 de la Constitution, ce nouvel exécutif a attisé la colère des Algériens. Preuve en est, les dénonciations des partis politiques, des activistes sur les réseaux sociaux et des manifestations nocturnes à Alger. C'est «une nouvelle tentative de sauvetage du système, matérialisée dans un pseudo-changement dans le gouvernement», a soutenu le PT de Louisa Hanoune. En effet, ce nouveau gouvernement pêche d'abord par le maintien de Noureddine Bedoui au Premier ministère. Ministre de l'Intérieur, c'est lui qui a organisé les dernières élections législatives et locales entachées par la fraude, selon les partis de l'opposition, et qui ont consacré la domination des institutions par le FLN et le RND, que l'opinion juge dans les rues du pays depuis le 22 février. Les Algériens, qui demandent un changement radical du système, veulent que les figures actuelles du régime disparaissent du champ, pour laisser d'autres compétences intègres gérer la prochaine étape. Même s'il est destiné à gérer les affaires courantes en attendant une élection présidentielle, ce gouvernement est décrié. Pour les observateurs, si l'article 102 est appliqué en ignorant l'article 7, cela va reconduire le système, ou du moins permettra de le recycler, surtout que les consultations populaires à venir seront organisées avec le même personnel, la même administration et le même Conseil constitutionnel, soit le même dispositif de fraude électorale. D'où les appels à conjuguer les deux articles 102 et 7 de la Constitution. Ce dernier article indique que le pouvoir appartient au peuple, qui refuse que la transition soit menée par les figures du régime. D'où les prévisions d'un changement à la tête du Conseil de la nation et du Conseil constitutionnel, suivi d'une éventuelle démission du chef de l'Etat. Le maintien de Gaid Salah au poste de vice-ministre de la Défense laisse supposer que le nouveau gouvernement a été une compromission avec l'armée et le clan présidentiel. Avant sa composition, certaines sources évoquaient une volonté du clan présidentiel de mettre fin aux fonctions du chef d'état-major de l'ANP, dans le sillage de ses appels à l'application de l'article 102. Autre remarque : l'écartement de Ramtane Lamamra de son poste de ministre des Affaires étrangères et vice-Premier ministre, un poste créé récemment par décret présidentiel, et qui vient d'être supprimé sans qu'aucun autre décret ne soit rendu public. Certains évoquent la possibilité de nommer Lamamra au titre du tiers présidentiel dans le Sénat, dans la perspective de remplacer Abdelkader Bensalah à la tête de l'institution afin qu'il mène la transition. Mais rien n'est encore confirmé. Alors, la mise à l'écart de Lamamra, qui était chargé de rassurer les partenaires étrangers, reste énigmatique. Le maintien de Houda Feraoun et de Tayeb Zitouni, connu pour être un laudateur de Bouteflika, est aussi incompréhensible. Pour le reste, les personnes nommées sont inconnues au bataillon. Ce qui est sûr, ce gouvernement mobilise les Algériens qui préparent déjà la riposte pour ce vendredi.