Comme en écho aux dispositions négationnistes de la loi française relative aux «bienfaits» de la colonisation, votée il y a cinq ans, jour pour jour, voilà qu'une pièce de théâtre au titre évocateur de Folies coloniales - Algérie, les années 1930 va faire prochainement de la résistance sur la scène parisienne. On doit cette nouvelle production à la compagnie des Passeurs de Mémoires et à la mise en scène de Dominique Lurcel. Le contexte historique de la pièce se rapporte aux cérémonies du centenaire de l'Algérie française en 1930. A partir de textes exhumés, des documents authentiques, l'auteur revisite le langage colonial, tel qu'il était exprimé à l'époque. Il a fallu, ainsi, à Dominique Lurcel, deux années de recherche à éplucher des discours officiels, des manuels scolaires, des déclarations d'hommes politiques célèbres, des comptes rendus de manifestations sportives, des poèmes, des dialogues tirés de romans et de films. Conçue sous forme de revue théâtrale, alternant textes, chansons et saynètes, cette pièce tourne en dérision le langage colonial des années 1930 en retournant contre ses locuteurs non seulement des vérités historiques mais aussi la condamnation définitive de l'entreprise coloniale. En y encensant, délibérément, la colonisation, portée aux nues, par les comédiens, Dominique Lurcel montre et démontre l'occultation tout aussi délibérée de terribles vérités, de véritables zones d'ombre, comme ces 40 ans de résistance à la «pacification» durant lesquels un tiers de la population algérienne a été massacré. «Ni condamnation ni repentance, Folies coloniales souhaite seulement faire entendre d'où nous venons et faire percevoir aussi, en creux, le cri, jamais entendu, de l'autre.» Cette présentation liminaire ne peut qu'apporter un nouveau son de cloche à l'apologie coloniale que s'échine à consacrer, dans les textes, une certaine France officielle. A l'affiche de la Grande Halle du parc de la Villette du 4 au 28 mars, cette pièce de théâtre va être ponctuée notamment d'interventions et de débats animés respectivement par Benjamin Stora et Sophie Bessis, qui viendront en tant qu'historiens prolonger la réflexion des spectateurs autour de cette thématique qui continue de faire couler, ici et là-bas, beaucoup d'encre.