Six ans d'enfer. C'est ce qu'a vécu la petite commune de Sidi Naâmane, située à 7 km au nord du chef-lieu de la daïra de Draâ Ben Khedda. Limitrophe de la wilaya de Boumerdès, elle a subi dans le sang sa proximité avec les fiefs les plus dangereux du terrorisme. Depuis plus d'une décennie, elle réapprend à vivre, même avec son statut de commune pauvre, sans les mauvais souvenirs. Faiblement peuplée mais éclatée en plusieurs villages et hameaux (Boumhalla, Zimoula, Zeboudj Kara, Litama, Aït Ouareth, etc.), Sidi Naâmane dépend de l'Etat pour les projets courants (écoles, routes...) et des communes environnantes pour le commerce. L'activité économique y est inexistante, à part les quelques fabriques de matériaux servant dans le bâtiment. La grande richesse de la région est son agriculture et son élevage, que l'oued Sébaou a rendus possibles. Mais face au chômage endémique qui ronge un pan important de la jeunesse, c'est le lit même de cet oued qui fait vivre. L'extraction du sable est l'activité phare de centaines de jeunes, même si c'est dans l'illégalité. «Nous n'avons rien d'autre à faire ici», soutient un jeune père de famille, qui s'est approprié un territoire dans les environs de la ville et alimente le trafic de sable sans cesse croissant. «Nous risquons la prison et pour ceux qui en ont, la saisie de la pelleteuse ou du tracteur», soutient son «voisin» de travail, mesurant les risques de cette activité. Cette «mine d'or», comme aiment à l'appeler ceux qui ne voient rien d'autre pour travailler, n'a pourtant pas tenté tout le monde. D'autres résidants de la commune tentent leur chance ailleurs. A Draâ Ben Khedda, Tadmaït et Tizi Ouzou. Le commerce informel, la location de terre et l'achat sur pied pour les mieux pourvus en moyens financiers. Les autres se contentent de boulots exécutés à la semaine. Une jeunesse marginalisée La commune, qui revient de loin, a pansé, nous dit-on, ses blessures et les chantiers de constructions individuelles sont l'image d'un retour vers la normale. L'habitat rural, même en nombre insuffisant, recompose le paysage, et les villages désertés durant les années 1990 (à l'exemple de Boumhalla) voient revenir peu à peu leurs habitants avec l'encouragement de ce type d'habitat avec l'aide de l'Etat. C'est ce même Etat qui constitue le cordon ombilical pour cette commune rurale, ne vivant que des plans communaux de développement (PCD) et autres dotations publiques. Pourtant, tout le monde s'accorde à dire que cette petite commune est destinée à décoller, pour peu que les pouvoirs publics n'y voient pas qu'une commune où l'activité terroriste a été la plus grande entre 1993 et 1998. Ce cliché lui colle à la peau, et même la route, menant à Tigzirt à travers un très beau détour, est rarement empruntée, lui préférant le passage du «pont de Bougie» par Tizi Ouzou, qui allonge la destination vers la ville balnéaire de plusieurs kilomètres. Côté infrastructures pour la jeunesse, c'est le vide sidéral. L'activité sportive, qui commence à prendre de la consistance, est le fait de bénévoles qui activent malgré les entraves, notamment le manque de terrains et de salles. La municipalité aide parfois avec de maigres subsides, appelés dans le jargon bureaucratique «subventions», mais cela ne permet pas de réaliser une quelconque performance. La commune et ses habitants souffrent de cette image de région infréquentable qui a la peau dure et qui leur colle comme une sangsue. Pourtant, la réalité est tout autre. En cette fin février ensoleillée, du hameau de Zimoula qui surplombe la région, la vue est superbe. Et ce qui ajoute à la beauté du site, une image qui peut paraître insolite : des bacs à ordures installés par les services de la commune, dans une région si éloignée des soucis environnementaux des grands centres urbains. C'est Sidi Naâmane du renouveau. Même si tout le monde se rappelle ici qu'en 1994, le DEC a été assassiné en plein jour dans son bureau, la tête éclatée par une «mahchoucha». Son corps restera là plusieurs heures. La peur avait paralysé les gens.