Docteur en économie, Mustapha Mekideche s'exprime dans cet entretien sur la décision de statu quo prise dimanche par l'Opep à l'occasion de sa conférence des ministres tenue à Vienne.Ex-conseiller au ministère de l'Energie, il a estimé que l'association de l'Opep aux réunions du G20 est nécessaire. «Les pays exportateurs ne devraient pas, eux aussi, ressentir les effets de la crise économique.» Comment analysez-vous la décision qui a été prise par les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, à savoir le statu quo sur les niveaux de production ? En tant qu'ancien conseiller du cabinet du ministre de l'Energie et des Mines, j'ai eu à assister à plusieurs réunions de l'Opep. L'organisation a toujours travaillé sur le principe du consensus. Ce qui fait que la décision qui a été prise dimanche a eu l'aval de tout le monde. Et souvent les décisions sont en quelque sorte des demi-mesures. Cette fois-ci, certains pays comme l'Algérie ont demandé une baisse supplémentaire pour conforter les prix à un niveau actuel de 45 dollars et tenter de relancer les prix plancher de 60 à 75 dollars le baril. Effectivement, il pourrait y avoir des pressions de part et d'autre ou une certaine difficulté à aboutir à un consensus sur une baisse supplémentaire. Il s'agit surtout de grands pays producteurs, tels que l'Arabie Saoudite qui demandait le respect des quotas de production tel qu'il a été envisagé au sommet d'Oran en décembre 2008. Il ne faut pas oublier que l'Arabie Saoudite a été invité au sommet du G20 d'avril pour participer à la réunion sur la crise économique. C'est ce qui explique qu'elle ne voulait pas prendre des mesures extrêmes qui pourraient avoir un effet direct sur l'économie mondiale. La proximité de la réunion du G20 a fait que l'Opep a pris finalement une décision de consolidation des baisses enregistrées à ce jour, tout en estimant que le prix de 45 dollars est acceptable. Mais je crois qu'après la réunion du G20 et la réunion de l'Opep de mai, il y aurait certainement une reconsidération de cette décision en fonction évidemment de la demande et des signaux que va donner le sommet du G20 à la crise économique mondiale. L'Opep dans son dernier rapport mensuel a prévu une baisse de la demande pétrolière mondiale du fait de la crise. De son côté, l'Agence internationale de l'énergie a annoncé également une baisse substantielle de la consommation. Dans ce contexte, pensez-vous que les prix du baril vont encore chuter ? Que faudrait faire ? Pour deux raisons principales, on peut espérer une reprise des cours pétroliers. Premièrement, le gouverneur de la Banque centrale européenne, Claude Trichet, a annoncé une reprise réelle de l'économie mondiale d'ici à la fin de l'année. Deuxièmement, les pays européens et les Etats-Unis souhaitaient développer davantage les énergies renouvelables. Or le développement de ces ressources énergétiques nécessite des financements colossaux. Dans le contexte actuel de la crise mondiale, il serait difficile pour ces pays d'envisager des investissements dans ce domaine. Voilà donc des facteurs qui font que la consommation du pétrole restera maintenue à un rythme soutenu et par conséquent cela permettra de maintenir les prix à des niveaux acceptables. Des investissements importants ont été lancés pour développer la production pétrolière, ce qui présente un intérêt particulier aussi bien pour les pays membres de l'Opep que pour les compagnies des pays consommateurs. Pour atteindre les prix plancher de 50 à 70 dollars, ne pensez-vous pas qu'il faille que les pays exportateurs de pétrole hors Opep contribuent à la baisse de leur production ? Sur ce point, dois-je rappeler que les pays consommateurs souhaitaient toujours avoir des prix bas. Il faut, à mon avis, plus de concertation entre les pays membres et non membres pour trouver le juste équilibre des prix. Je pense aussi qu'il est nécessaire d'inviter l'Opep aux réunions du G20. Le Premier ministre britannique Gordon Brown a déjà exprimé son souhait de se réunir avec les pays exportateurs de pétrole pour trouver des solutions à cette situation de crise. A mon avis, il faut trouver un équilibre et un rapport de force de manière à ne pas faire payer les effets de la crise aux pays exportateurs de pétrole. La contribution de pays comme la Russie sera évidemment d'un grand apport au marché pétrolier. Propos recueillis par