Lorsqu'éclate en novembre 1954 la Révolution algérienne, William Michel, chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge à Paris, est mandaté par cette institution pour prendre contact avec le gouvernement français dans le but de connaître sa position. Deux mois après, le représentant du Comité est reçu à Matignon par Pierre Mendes-France. Le CICR suggère dans un courrier à Paris de lui adresser la liste de personnes arrêtées de manière à en informer leurs familles. Le Comité venait de s'impliquer dans une série de démarches en faveur des Algériens pour leurs droits humanitaires. En réalité, le travail du CICR remonte à bien plus loin, puisque beaucoup d'écrits parlent du soutien de ce comité à la cause algérienne et à la libération de nombre de détenus durant la guerre de Libération nationale. Le passage d'Henri Durant, cofondateur en 1853 de l'Organisation de la Croix-Rouge, ainsi que le travail de celle-ci en faveur de la défense des prisonniers algériens dont ceux internés au camp de concentration de Ksar Ettir (sud de Sétif). C'est sur ce chapitre d'aide humanitaire qu'est revenue la conférence de presse animée, hier, au forum de la mémoire du quotidien El Moudjahid, en collaboration avec l'association Machaâl Echahid, par Askar Umarbekov, chef de la délégation du CICR en Algérie sur le thème «Le travail du CICR durant la guerre de Libération nationale». En fait, dira le conférencier, le Comité s'est impliqué tout de suite après le déclenchement de la guerre où «des efforts ont été entrepris auprès du gouvernement français pour permettre de visiter spécifiquement les personnes arrêtées à la suite des évènements». Parallèlement, poursuit le chef de la délégation, des actions de secours débutent au début de 1957 pour les nombreux réfugiés algériens au Maroc et en Tunisie indépendants depuis peu. En 1957/1958, le CICR assure la distribution des secours en Tunisie, en provenance du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés de la ligue internationale de la Croix-Rouge. A partir de 1958, le CICR avait obtenu la possibilité de visiter des Français aux mains de l'ALN. L'ALN accepte dans le même temps que le CICR serve d'intermédiaire pour l'organisation de la correspondance entre les prisonniers français et leurs familles. Le conférencier ne manquera pas de rappeler la politique humanitaire de l'Emir Abdelkader et sa culture de la paix qui s'expriment dès 1837 par un texte édifiant sur la détention des prisonniers et leurs droits. Le Commandeur des croyants promulgua dès 1843 un décret national sur les méthodes de l'art de la guerre au sens humanitaire. Un article précise que sera récompensé celui qui amène aux autorités un prisonnier sain, sauf et bien traité. Tout soldat adverse, hors d'état de combattre, qu'il soit prisonnier ou blessé, était épargné, soigné et protégé, sans discrimination. C'était une révolution par rapport aux mœurs d'autres nations et cultures. Pour l'Emir, la dignité humaine est la question fondamentale. Parmi l'assistance, des témoins ont reconnu avoir bénéficié de l'aide humanitaire grâce au concours du CICR à l'exemple du moudjahid Mohamed Ghefir dit «Moh Clichy». Arrêté en 1958 alors qu'il est militant au sein de l'organisation civile FLN en France, il est condamné à trois ans de prison ferme. Il est transféré au camp de Larzac dans les Pyrénées en 1960. «J'ai bénéficié, au vu de mon état de santé (opéré à deux reprises), d'une libération exceptionnelle avec toutefois interdiction de séjour. L'intervention du CICR, contacté par les avocats du FLN, m'ont permis d'être libéré en février 1961 et j'ai pu continuer mon activité de militant jusqu'à la fin de la guerre», raconte le moudjahid. Malika Kaïd, veuve de l'ancien ministre Kaïd Ahmed, fera un long passage de témoignages sur le CICR d'abord en étant jeune collégienne, ensuite étudiante à la faculté de médecine. D'autres actions sont à inscrire à l'actif du CICR telle cette initiative à la demande de la direction des archives nationales de récupérer 50 millions de documents auprès des autorités françaises. Pour M. Umarbekov, l'action est actuellement au stade des discussions avec les autorités concernées, refusant toutefois de catégoriser les dits documents dans la rubrique «Tortures d'Algériens durant la guerre de Libération». Absent après 1963, le CICR dispose d'un siège à Alger depuis 1999.