Dans le «micro-trottoir» de la radio nationale qui traitait à l'occasion du payement par carte de crédit, redevenu d'actualité ces derniers jours, on pouvait entendre de tout, comme pour toutes les situations de ce genre. Mais on en aura quand même retenu quelques-unes qui ne manquent pas d'intérêt. Comme celle de ce brave retraité qui s'inquiétait de devoir faire face à une autre difficulté dans sa vie déjà assez compliquée, à entendre le ton plaintif qu'il a mis dans sa réponse : «Comment voulez-vous que je règle mes achats avec une carte, je ne sais pas comment ça fonctionne et je suis incapable d'apprendre quoi que ce soit à mon âge !» C'est que personne ne lui a expliqué que le paiement par carte de crédit, une fois adopté, devient un droit et non une obligation. Puis cet autre, qui n'a pas été par trente-six chemins : «Payer par carte de crédit, vous voulez dire comme ça se fait en Europe ? Impossible !» Personne apparemment ne peut le convaincre, celui-là, sa religion est faite. Un peu comme cette vieille Algéroise qui s'est retrouvée dans une bouche du métro de Paris à la fin des années 80 à la faveur d'un séjour chez son fils. Quand, impressionnée par ce monde sous-terrain, elle avait demandé à son rejeton où ils se trouvaient et que ce dernier lui a répondu, elle a eu cette réaction hilarante tant elle était imprévisible : «Tu veux dire que c'est le même qu'on aura à Alger ? Impossible !» Et puis cette dernière, pour la route : «Je préfère continuer avec mes dinars, comme ça, je maîtriserai mieux mes achats». La personne qui s'exprimait ainsi a dû emmagasiner l'argument officiel qui a motivé la suppression du crédit à la consommation : préserver les ménages de l'endettement introduit par leur instinct flambeur, encouragé par le crédit. Personne n'a demandé au gouvernement ce qui a bien pu changer depuis, pour qu'on s'évertue aujourd'hui à nous expliquer que son rétablissement est une idée de génie, une mesure économique de salut public ! Personne non plus ne nous a expliqué comment un Etat qui n'arrive pas, ne veut pas imposer le chèque, peut passer directement au paiement par carte de crédit. Et ose même évoquer le «e-paiement», ce qui équivaudrait à faire l'impasse sur une ère technologique ! Dans un pays où le vendeur d'un produit ou d'un service est capable de sortir son revolver en entendant un client lui proposer un chèque, comment fera-t-on pour convaincre le même commerçant d'accepter un mode de paiement qui plus est demande un investissement logistique ? L'autorité de l'Etat ? Oui, mais cela suppose justice, équité et crédibilité. C'est une autre histoire. Mais impossible à éviter. Slimane Laouari Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.