Quelque part, du côté de Tidjelabine. La route était «détendue» et le soleil, encore trop doux pour un jour de décembre, tenait la dragée haute à l'ordre des saisons. Le beau temps a survécu à «la prière de la pluie» et, un bonheur venant à la suite d'un autre, ça roulait plutôt bien en ce samedi de printemps en décembre. Des enfants, beaucoup d'enfants sortaient la tête à travers les vitres, scrutant on ne sait quoi dans cette atmosphère insaisissable. Difficile de voir dans ces regards sans port d'attache des raisons de tant d'émerveillements. Mais on n'explique pas le bonheur, c'est trop laborieux. Sur cette route qui s'allonge vers l'Est, on peut, pour peu qu'on laisse traîner les yeux sur les sièges arrières, voir que beaucoup d'enfants ont encore leurs sacs d'école en bandoulière. C'est les vacances. Ça ne se voit pas trop ailleurs mais on peut s'en rendre compte ici. La route, c'est aussi -et parfois surtout- ça. On y surprend les détails qui font la vie. Et on redécouvre parfois dans de succulents étonnements, oubliés dans de puérils empressements. En cet après-midi d'un printemps en décembre, la route coule sa douceur. Les routiers, convaincus et heureux d'arracher des moments d'apaisement à un enfer toujours aux aguets, s'en donnent à cœur joie. Ça roule mais paradoxalement on ne s'excite pas outre mesure. Des moments de grâce comme ceux-là, on les prend avec la finesse et l'attention qu'ils méritent. Il faut en apprécier la saveur et les senteurs avant l'apocalypse. Nous y voilà déjà. Une imprudence doublée d'une pure folie et vous voilà installés dans la catastrophe. On appelle ça un accident de la route mais on aurait pu l'appeler autrement. Parce qu'un «accident», ça paraît d'un trop tendre pour ce qu'il charrie comme peur-panique. Un accident- à moins qu'on puisse l'appeler autrement- ça vous fout en l'air une atmosphère bon enfant, une ambiance apaisée. Ça vous change carrément un monde. De la chose et son contraire. Quelque part du côté de Tidjelabine, il y a eu un accident dans l'après-midi d'hier. Une énième journée de printemps en hiver. L'enfer s'installe et prend déjà ses aises sur le bitume. On ne sait déjà plus quoi faire, tellement la gesticulation de paniqués a déjà pris le dessus sur le geste lucide de l'homme. On crie, on s'improvise en tout. En médecin, en gendarme, en pompier ou en imam. Le bouchon s'allonge déjà jusqu'à l'éternité. Il n'y a pas de blessés, ouf ! Mais ça va tourner en rond jusqu'à n'en plus pouvoir. Les pompiers ne pouvaient pas passer, leur matériel dérisoire pour extraire trois véhicules dégradés d'un magma de ferraille et une forêt de voyeurs. C'est déjà dur, un accident dans l'absolu. Dans les conditions de quelque part du côté de Tidjelabine, il faudra appeler ça autrement. Slimane Laouari Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.