Les Arabes ne lisent pas, c'est ce qui ressort du séminaire organisé avant-hier à la Bibliothèque nationale du Hamma à Alger. «En 500 ans, (depuis l'invention de l'imprimerie), plus de 400 millions d'ouvrages ont été édités dans le monde. Où en sommes-nous par rapport à la répartition de la quote-part par pays et par nation ?», s'est écrié le ministre de la Culture, présidant avant - hier un séminaire sur la «lisibilité et livres pour enfants» organisé à la Bibliothèque nationale conjointement par la direction de cette institution et l'APW d'Alger en présence d'un panel de chercheurs universitaires. Azzeddine Mihoubi se lancera dans une série de chiffres indiquant, en effet, «l'indigence de la nation arabe» dans ce domaine. «L'Arabe consacre six minutes par an à la lecture contre 200 pour l'Européen. Quatre-vingt Arabes lisent le même ouvrage alors que l'Européen lit 30 livres par an en moyenne. Pis encore, fait remarquer le ministre. Il indique qu'en 1991, l'ensemble des pays arabes, soit plus de 400 millions d'habitants, a édité 6500 ouvrages nouveaux contre 100 000 en Amérique du Nord et 500 000 dans le Sud du continent. En matière de traduction, les pays arabes ne sont pas plus lotis quand on sait que 10 000 livres ont été traduits depuis l'époque abbasside, alors que l'Espagne, à elle seule, en a réalisé le double. Le constat du ministre est plus sombre : «Depuis la décadence de l'Andalousie, nous nous sommes renfermés sur nous-mêmes et ne faisons que consommer ce que produisent les autres». Revenant à l'ordre du jour, Mihoubi rappelle cette sentence d'Alexandre le Grand répondant à un de ses lieutenants qui le flattait d'être le plus puissant de la terre. «Non, lui répond-t-il, c'est mon fils qui est le plus puissant puisque Athènes gouverne la Grèce, moi je gouverne la Grèce, ma femme me gouverne et mon fils gouverne ma femme.» A cette réflexion, il incitera les présents à investir dans l'éducation de l'enfant, car c'est la continuité des générations futures. «Inculquer à l'enfant le reflexe d'avoir toujours un livre entre les mains est un investissement sûr. Il est malheureux aussi de remarquer que l'enfant algérien reste prisonnier du livre scolaire et qu'en dehors des manuels scolaires il ne lit pas. La preuve c'est que de nos jours, au lieu d'un livre comme prix, on préfère plutôt lui offrir un téléphone portable, une tablette ou un autre gadget électronique, quand bien même je ne suis pas contre la technologie», souligne le ministre. Pour cela, il souhaite un plan visant la réhabilitation et l'amour de la lecture à l'adresse de l'enfant. 1200 éditeurs pour peu de lecteurs Et si l'Etat, selon lui, ne lésine pas sur les moyens d'édition puisque 1200 maisons d'édition activent actuellement, un chiffre qui ne reflète toutefois pas la réalité de la lisibilité en Algérie. A titre d'exemple, il dira que depuis 2003, pas moins de 7000 ouvrages ont été édités, mais on ne voit pas ces livres. A quoi serviraient ces ouvrages s'ils ne font que garnir les stocks des bibliothèques. Sur un autre plan, il parlera du projet «un livre pour chaque enfant» dont la mission est d'attirer le maximum d'enfants à la lecture. En conclusion, il souhaiterait un sondage sur la lisibilité des Algériens, un sondage qui se veut concret car la «boulimie» des livres constatée lors de la manifestation de la foire du livre n'est pas un indicateur fiable. Pour sa part le P/APW Karim Bennour a souligné l'importance de ce thème. Tout en souhaitant la vulgarisation de l'initiative, il a déclaré que l'Assemblée qu'il préside ne lésinera pas sur les efforts à entreprendre dans ce sens. A noter que ce séminaire a été animé par les interventions de chercheurs et de professeurs universitaires.