Un ami médecin nous racontait sur le ton de l'abattement que l'écrasante majorité de ses confrères évitait de poser certaines questions pourtant importantes pour tout diagnostic. Il en sera ainsi des femmes par exemple : aucun médecin ou presque ne cherchera à savoir si elles fument ou boivent de l'alcool, deux questions qu'on pose pourtant systématiquement aux hommes qui consultent un médecin pour une raison ou une autre. Pourtant, ces praticiens doivent très bien savoir que des femmes qui taquinent la bibine ou la clope, ce n'est pas ce qui manque en Algérie. Ce qui manque apparemment, ce sont des médecins assez «courageux» pour mettre la rigueur scientifique au-dessus de tout autre considération. Puisqu'on ne peut plus attendre de personne de hisser son mode de vie et de pensée au moins à la hauteur de son… diplôme, on osait espérer au moins que les médecins placent la motivation médicale au-dessus de tout. Et d'essayer d'être le plus efficace possible, quitte à prendre le risque de «choquer» un patient en bousculant ses certitudes les plus profondes. Car quoi d'autre que la préservation de sa santé ou la perspective de la retrouver peut inciter un malade à mettre un peu de doute dans ses dogmes ? Et qui d'autre que le médecin peut l'y inciter ? Mais nous sommes déjà en train de tirer des plans sur la comète. Parce que dans la «vraie vie», on est déjà très loin du compte. Et pour cause, on redoute plus de subir les foudres de guerre d'une malade ou de sa famille qu'on ne craint une négligence ou une erreur médicale grave, manifestement plus pardonnable ! Mais on ne fait pas que redouter des réactions scandalisées, agressives ou violentes de malades à qui on a posé une question «indécente». Il y a plus grave : il arrive qu'en évitant de demander à une patiente si elle consomme de l'alcool ou du tabac, on suggère que la réponse est tellement évidente que la question devient inutile ! Ce qui est une aberration sociologique et un attentat liberticide. Beaucoup de gynécologues, eux, auscultent les femmes «célibataires» avec l'arrière-pensée qu'elles ne peuvent pas avoir de relations sexuelles, vu leur statut matrimonial ! Vous imaginez les dégâts que peut engendrer un diagnostic ou un traitement basés sur un postulat aussi grossier ! Et si on ne peut pas demander à une fille si elle fume, on ne voit pas quel est le toubib téméraire qui va essayer de savoir si une femme célibataire, divorcée ou veuve, a une vie sexuelle ! Dans un pays où la société est livrée pieds et poings liés à l'obscurantisme, il est difficile d'imaginer qu'un pan de l'activité nationale aussi vital que la médecine en soit épargné. C'est maintenant ceux qui sont surpris par certaines choses qui deviennent surprenants. Slimane Laouari Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.