Il y a cinquante-quatre ans jour pour jour, la tristement célèbre organisation terroriste OAS avait perpétré un attentat à la voiture piégée au niveau du quartier populaire de Mdina Djdida à Oran. C'était le 28 février 1962, coïncidant avec le 23e jour de Ramadhan. Les auteurs de l'attentat avaient bien choisi le timing puisque la déflagration avait eu lieu en milieu d'après-midi au moment où cette place (la tahtaha) était pleine de gens agglutinés devant les marchands de zlabia, l'incontournable gâteau après la rupture du jeûne. Les historiens parlent de deux voitures qui avaient explosé à un intervalle de deux ou trois minutes. Jusqu'ici, les circonstances de cet attentat qui a endeuillé cette partie de la ville habitée par les Algériens et considérée zone autonome sous contrôle d'un réseau de fidaïs n'ont jamais été élucidées. Ce qui est établi, c'est qu'on a recensé au moins quatre vingt- sept (87) morts et au moins cinq cents (500) blessés, sans compter ceux portés disparus. Selon les témoignages recueillis et consignés par un historien, notamment Sadek Benkada, les chairs humaines jonchaient la place. Même les épaves d'une des voitures utilisées, une Peugeot 403, n'ont pas été retrouvées. Notre historien a compulsé les témoignages, notamment des étrangers. Il nous livre celui de Léo Palacio, correspondant du journal Le Monde à Oran : «Mercredi à 16 h, à quelques minutes d'intervalle, ce furent deux violentes explosions : deux obus de 105 déposés dans une 403 Peugeot et une camionnette tôlée Citroën venaient de sauter. Les véhicules furent désintégrés, tandis que tout était déchiqueté alentour. Le sol se joncha de corps d'hommes, de femmes et d'enfants atrocement mutilés, méconnaissables, des lambeaux humains, des morceaux de chair qui baignaient dans le sang. (…) Plusieurs canalisations coupées par l'explosion déversaient des flots d'eau. La patrouille militaire fut aussitôt prise à partie par une foule hystérique. Ambulanciers, brancardiers militaires européens durent renoncer à pénétrer en Ville Nouvelle pour éviter des incidents». Ce témoignage atteste que l'attentat de Mdina Djdida est considéré le plus meurtrier du sombre palmarès de l'OAS. Mais les témoignages rapportent le grand élan de solidarité qui s'était manifesté par tous les habitants des quartiers arabes pour venir au secours des familles endeuillées et des personnes blessées. La colère avait atteint son paroxysme et le FLN avait du mal à dissuader les populations musulmanes qui voulaient envahir la ville européenne pour en découdre avec ses occupants. Cet épisode historique demeure mal connu à Oran. Il a fallu une association, en l'occurrence Civic, pour le commémorer pour la première fois, en 2002. Une plaque commémorative a été installée en face du monument du chahid qui trône au milieu de la tahtaha. Les Oranais, notamment ceux soucieux de la préservation de la mémoire de la ville, ne renoncent pas à la reconnaissance de cette sinistre journée en lui accordant l'intérêt qu'elle mérite.